Pesticides : le gouvernement tranche mais ne satisfait personne
Le gouvernement a tranché, peu avant les fêtes : les « distances de sécurité » entre lieux d’habitation et surfaces agricoles concernées par l’épandage de produits phytosanitaires ont été choisies en fonction des recommandations de l’Anses, dans son avis du 14 juin dernier. Ce sera entre 5 et 10 mètres, donc.
La décision a été annoncée dès le 20 décembre, avant la publication d’un décret et d’un arrêté du ministère de l’Agriculture parus au Journal officiel du 29 décembre. Trois distances ont été retenues : pour les « substances les plus préoccupantes », 20 mètres, « incompressibles ». Ces substances sont précisées dans l’arrêté (téléchargeable ci-dessous). Pour « les autres produits phytopharmaceutiques », deux distances sont définies en fonction du type de culture : 10 m pour les cultures dites « hautes » (arboriculture, viticulture, arbres et arbustes, petits fruits et cultures ornementales de plus de 50 cm, bananiers et houblon) ; 5 m pour les cultures basses.
Ces distances peuvent être diminuées, respectivement à 5 m et 3 m, dans le cadre de chartes locales, si l’agriculteur a recours « aux matériels de pulvérisation les plus performants sur le plan environnemental ».
Chartes locales
L’essentiel du décret est consacré à l’organisation de ces chartes locales, issues d’une concertation menée sous l’égide du préfet et pouvant conduire à des « aménagements » de ces distances. Depuis le 1er janvier, les concertations peuvent être engagées selon un dispositif clairement défini par le décret. Un projet de charte doit être élaboré par « une organisation représentative » (chambre d’agriculture, syndicat, regroupement d’utilisateurs ou gestionnaires d’infrastructure) ; le projet est ensuite soumis à la concertation publique pendant un mois minimum ; puis les résultats de la concertation et la synthèse des observations sont transmis au préfet, qui a deux mois pour se prononcer sur le projet. Si la charte est « adaptée et conforme », elle est validée par le préfet et publiée sur le site internet de la préfecture.
Le ministère a également fait savoir que pour accompagner les agriculteurs dans la réduction de l’usage des pesticides, un appel à projet national sera lancé au printemps, doté de 25 millions d’euros. Par ailleurs, le gouvernement va « demander aux préfets début 2020 d’adapter les arrêtés préfectoraux pris en déclinaison de la loi du 13 octobre 2014 pour renforcer la protection des personnes vulnérables en imposant des mesures plus strictes à proximité des établissements accueillant ces personnes ». Enfin, « de nouvelles dispositions en matière d’urbanisme » sont à l’étude afin de « mettre en œuvre un mécanisme qui limite l’exposition des habitants des nouvelles constructions » en bordure de zones d’épandage.
Les nouvelles distances de sécurité sont entrées en vigueur dès le 1er janvier, sauf pour les zones déjà emblavées (semées) à cette date, pour lesquelles l’application est reportée au 1er juillet.
Rejet des agriculteurs... et des écologistes
Côté agriculteurs, la réaction à ces décisions a été plus que mitigée. Certes, la FNSEA estime que le gouvernement a « reconnu » son approche, « non dogmatique » et « prônant le dialogue » des agriculteurs avec les « maires, ONG et associations de riverains ». Mais le syndicat fait part de son « incompréhension totale » face à la décision d’instaurer une distance « incompressible » de 20 m pour les substances les plus dangereuses. Avec cette décision, « le gouvernement abandonne de nombreux agriculteurs sans aucune solution ». Par ailleurs, la FNSEA déplore le fait que le gouvernement fasse entrer en vigueur ses décisions immédiatement, sans laisser place au « dialogue », et n’aborde pas la question de la « compensation des pertes » dues à la surface agricole perdue.
Côté associations environnementales, c’est évidemment un tout autre ton : Agir pour l’environnement dénonce ces décisions du gouvernement comme « une farce de mauvais goût » et veut saisir la justice pour les faire casser. Europe Écologie les Verts parle d’un « scandale de santé publique » : « Le gouvernement n’a absolument pas tenu compte de la mobilisation citoyenne. Les distances soi-disant de sécurité sont inconséquentes. Dix mètre ou rien, cela s’avère identique. »
Dernière information sur ce sujet : le maire de Langouët, Daniel Cueff, devenu célèbre pour avoir pris en août dernier un arrêté portant à cent mètres la distance de sécurité, a annoncé samedi qu’il ne se représenterait pas en mars prochain, après 20 années de mandat, afin de se consacrer pleinement à son combat contre les pesticides.
F.L.
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