Pénurie des maîtres-nageurs sauveteurs : une problématique chronique pour les collectivités
Par Lucile Bonnin
Le sujet est bien connu des élus et ce depuis maintenant plusieurs années : il est de plus en plus compliqué de recruter des maîtres-nageurs sauveteurs (MNS) pour la surveillance des piscines ou du littoral.
Cette carence a commencé à prendre de l’ampleur à partir de l’année 2004, lorsque le ministère chargé des Sports a modifié par un arrêté le contenu des titres, diplômes et attestations des MNS.
Très vite le nombre de MNS en formation a été divisé par deux. L’AMF avait alors obtenu qu’un titulaire du Brevet national de sécurité et de sauvetage aquatique (BNSSA) puisse être recruté pour une durée de 4 mois maximum par une collectivité sous réserve d’acceptation du préfet.
Malgré cette option avantageuse (surtout pendant la période estivale) pour les collectivités, la situation ne cesse de se détériorer. Une récente étude menée par l’Andes sur le recensement des besoins en surveillance des piscines montre qu’en 2022 « la demande de MNS est supérieure au nombre de MNS disponibles » .
Cette pénurie est en réalité le résultat d’un problème structurel lié au métier de MNS et elle vient s’ajouter aux difficultés que rencontrent régulièrement les collectivités liées à la gestion des piscines. Pour rappel, sur les 4 000 complexes aquatiques recensés en France, près de 400 sont en délégation de service public, soit 10 %. Mais même dans ce cadre, les collectivités doivent trouver des solutions avec leurs délégataires pour pallier ce manque de personnel.
Formation complexe et précarité du métier
Le métier de MNS semble attirer de moins en moins la jeunesse. Et ce n’est pas sans raison selon Jean-Michel Lapoux, secrétaire général de la Fédération des maîtres-nageurs sauveteurs (FMNS) : « Il y a une précarisation du métier. Des MNS sont auxiliaires en CDD dans beaucoup de piscines et doivent attendre 6 ans avant d’accéder à un CDI de la fonction publique. C’est-à-dire qu’ils doivent attendre 6 ans pour pouvoir emprunter pour acheter une voiture, acheter une maison… Démotivés, de très bons éléments abandonnent au bout de quelques mois. »
En plus de cela, la formation pour devenir MNS « professionnel » est longue et coûteuse. La préparation du brevet professionnel de la jeunesse de l'éducation populaire et du sport mention activités aquatiques et de la natation (BPJEPSAAN) dure au moins une année pour un coût de 5 000 à 8 000 euros auquel s’ajoutent les frais de logement et de déplacements.
De surcroît, « ce diplôme ne suffit pas pour travailler comme MNS professionnel », explique Jean-Michel Lapoux. Il faut aussi présenter le concours d’éducateur territorial des APS (ETAPS) qui n’a lieu que tous les 3 ou 4 ans. Ce concours - dont les places sont peu nombreuses - prépare à divers domaines d’activités physiques et sportives et peu de MNS le passent. Il faudrait un concours de la fonction publique spécialement dédié aux MNS pour débloquer la situation. C’est aussi une question de logique : un professeur de gymnastique n’a pas les mêmes compétences qu’un MNS. »
La pénibilité du métier est un facteur aussi trop peu pris en compte. Dans le cadre d’une surveillance d’un bassin intérieur par exemple, le bruit peut être particulièrement élevé. Pour y remédier, certains élus ont décidé de mettre à disposition des salariés des protections auditives adaptées. Le chlore, la chaleur, la position debout : le métier n’est pas facile et les salaires ne sont souvent pas considérés comme étant « à la hauteur » du travail fourni.
Une impasse pour les piscines
En 2017, le sénateur Michel Dagbert avait porté le sujet au Sénat en précisant que « les professionnels du secteur estiment qu'il serait nécessaire de créer trois formations et trois brevets : le MNS professionnel préparant en même temps le concours d'éducateur territorial des activités physiques et sportives (ETAPS) en vue d'entrer au service des communes ; le MNS saisonnier, qui pourrait se préparer pendant les vacances scolaires ou en cours du soir ; l'entraîneur de club à temps très partiel. » La réponse du gouvernement avait été négative.
Résultat, la pénurie s’aggrave et les collectivités doivent faire au mieux pour éviter le pire : « Il n’y a pas actuellement de piscines qui sont fermées mais certaines sont contraintes de restreindre les horaires d’ouverture ou les activités, indique Jean-Michel Lapoux. On voit que dans les piscines où il y avait auparavant 5 maitres-nageurs, il n’y en a plus que trois dont un seul est titularisé. »
Mais les collectivités essayent de trouver des solutions face à ce sous-effectif. Celles qui en ont les moyens essayent de compenser cette précarité en augmentant les salaires afin de garder les MNS sur le long terme. Beaucoup d’élus semblent favorables à ce que la période d’utilisation d’un BNSSA soit étendue à une année. Certaines collectivités établissent aussi, par exemple, des conventions pour donner aux MNS la possibilité de leur réserver une ligne d’eau pour dispenser des cours de natation (ce qui représente pour eux un complément de salaire).
Une inquiétude pour l’apprentissage
Si le BNSSA est une solution de court terme, elle laisse sans réponse l’interrogation qui grandit autour de l’apprentissage de la natation. Le manque de MNS provoque par effet domino le manque de moyens pour mener à bien l’apprentissage de la nage. Car pour rappel, les titulaires du BNSSA ne sont pas habilités à enseigner la natation.
En parallèle, le ministère des Sports a lancé en avril 2019 le plan Aisance aquatique. Ce sont les collectivités qui portent l’essentiel de ce plan malgré le manque d’équipements auxquelles les piscines publiques sont confrontées et la difficulté de trouver des créneaux et des financements pour mettre en place ces cours spécifiques. L’augmentation des coûts de fonctionnement liée à la crise énergétique actuelle n’arrange rien. Maire info reviendra dans une prochaine édition sur ce plan Aisance aquatique.
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