Pénurie de carburant : le gouvernement commence à évoquer la « réquisition »
Par Franck Lemarc
Changement de ton au gouvernement. Alors que, depuis le début de la crise, la volonté a été de minimiser ses conséquences, en répétant jusqu’à vendredi dernier qu’il n’y avait « pas de pénurie », l’exécutif reconnaît le problème depuis ce week-end. Au point qu’à peine revenue de son voyage officiel à Alger, la Première ministre a convoqué, à 21 heures hier soir, quatre ministres à Matignon « au sujet des difficultés d’approvisionnement en carburant qui affectent certaines régions de France ».
Arrêtés préfectoraux
La situation, de l’aveu même du gouvernement, s’est aggravée malgré l’autorisation qui a été faite aux camions citernes de circuler ce week-end : 30 % des stations-services ont aujourd’hui des difficultés d’approvisionnement, contre 21 % samedi. Ce matin, à Paris, le temps d’attente pour faire le plein à la station de la porte d’Aubervilliers, sur le périphérique, était de 3 heures.
La pénurie gagne peu à peu toutes les régions : à part la façade ouest du pays, relativement moins touchée, les autres régions connaissent de plus en plus de difficulté, en particulier les Hauts-de-France, l’Île-de-France, et tout le grand sud-est.
Les préfectures multiplient donc les arrêtés pour réagir à la situation. Dans l’Hérault, l’usage de jerricans a été interdit hier, tout comme dans les Yvelines, l'Eure-et-Loir, la Seine-Saint-Denis, le Vaucluse, les Vosges, le Val-d'Oise et tous les départements des Hauts-de-France.
Par ailleurs, l’une des questions les plus urgentes est celle des professionnels de santé. Plusieurs préfectures ont donc décidé de leur permettre un accès prioritaire. C’est le cas notamment dans l’Aisne et dans l’Oise. Dans ce dernier département, la préfète Corinne Orzechowski a publié un arrêté indiquant que « des exploitants de stations essence mettront en place un accès prioritaire au bénéfice des personnels médicaux, para-médicaux et médico-sociaux munis d’une carte professionnelle ou d’une attestation de leur employeur. Les personnes concernées seront destinataires de la liste des stations concernées sous couvert de l'ARS ou de leur employeur ».
Dans sept stations de l’Hérault, le préfet a également imposé la mise en place d’une « file réservée » à l’approvisionnement des véhicules prioritaires.
D’autres préfectures ont choisi des mesures de rationnement : c’est le cas du Var, du Vaucluse et des Alpes-de-Haute-Provence, où des arrêtés parus hier soir limitent la vente de carburant, pour les particuliers, à trente litres.
24 à 48 heures
Côté gouvernement, aucune décision n’a été prise hier soir, mais Matignon affirme que des décisions pourraient être prises « potentiellement rapidement ». « Chacun doit prendre ses responsabilités. Le gouvernement prendra les siennes », a indiqué à l’AFP l’entourage de la Première ministre. Pour l’instant, le gouvernement se borne à demander, dans le cadre du conflit social entre les syndicats et la direction des groupes TotalEnergies et ExxonMobil, des négociations et un accord. « Un désaccord salarial ne justifie pas de bloquer le pays. Refuser de discuter, c’est faire des Français les victimes d’une absence de dialogue. »
De ce point de vue, la situation n’est pas la même dans les deux groupes : chez ExxonMobil, des propositions ont été faites par la direction, acceptées par une partie des syndicats et rejetées par l’autre. Chez TotalEnergie, en revanche, c’est pour l’instant l’impasse, la direction refusant d’ouvrir les négociations tant que les raffineries sont bloquées, et les syndicats refusant de lever les blocages tant que les négociations ne sont pas ouvertes.
Selon les informations de l’AFP et du Monde, les ministres sont partagés sur la conduite à tenir : le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, serait favorable à une réquisition immédiate – ce qui veut dire faire intervenir les forces de l’ordre pour forcer la levée des piquets de grèves et réquisitionner le personnel pour faire tourner les raffineries. Le ministre chargé des Transports, Clément Beaune, et la Première ministre Élisabeth Borne, ont pesé pour laisser 24 à 48 heures à la négociation. C’est cette option qui a été choisie : ce matin sur RTL, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a indiqué que si une sortie de crise n’est pas trouvée « très vite », le gouvernement ferait « débloquer l’accès aux centres de dépôt et aux raffineries et réquisitionner le personnel adéquat ».
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