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Édition du jeudi 18 septembre 2025
Patrimoine

Monuments historiques des collectivités : la Cour des comptes tire le signal d'alarme

La Cour des comptes vient de publier un rapport sur le patrimoine des collectivités en matière de monuments historiques. Elle estime que les obligations des collectivités, sur ce sujet, sont « de plus en plus difficilement soutenables » financièrement.

Par Franck Lemarc

Après s’être penchée, en 2022, sur la politique de l’État en matière de monuments historique, la Cour des comptes envisage maintenant la question « sous le prisme des collectivités territoriales ». Et pour cause : celles-ci sont propriétaires du plan grand patrimoine du pays, devant l’État et les particuliers – avec 46 000 monuments histoires, soit presque la moitié du total. La moitié de ces 46 000 monuments propriétés des collectivités est située dans des communes de moins de 2 000 habitants.

Reste à charge

Pour établir le rapport qu’elle a rendu public hier, la Cour des comptes a travaillé sur un échantillon d’une soixantaine de collectivités. Et elle conclut que « l’obligation de conservation »  qui pèse sur les collectivités est « de plus en plus difficilement soutenable sur le plan financier ». 

Premier constat des magistrats financiers : la connaissance de l’état des édifices protégés par les collectivités propriétaires « n’est pas satisfaisante ». Ce qui n’est pas uniquement de leur fait : l’État, et en particulier le ministère de la Culture, ne partage pas suffisamment ses données sur « l’état sanitaire »  des monuments classés. 

Les difficultés financières des collectivités, toutes strates confondues, pèse sur l’entretien des monuments historiques, qui, en période de disette financière, ne passe pas forcément au premier plan. La situation la plus préoccupante semble être celle des régions : alors qu’elles étaient, jusqu’en 2018, les meilleurs élèves parmi tous les types de propriétaires, l’état de leur patrimoine se dégrade depuis : entre 2013 et 2018, 60 % des monuments appartenant aux régions étaient en « bon »  état sanitaire. Ce chiffre est tombé à 43 % aujourd’hui. À l’inverse, alors que seulement 10 % du patrimoine monumental des régions était en mauvais été ou en péril pendant la période précédente, ce chiffre est aujourd’hui de 24 %.

Pour ce qui est des communes, la situation est en demi-teinte : 34 % seulement du patrimoine est en bon état, 42 % en état « moyen », 20 % en mauvais état et 4 % en péril.

La Cour des comptes constate que le budget du programme Patrimoine du budget de l’État a été « en augmentation continue »  de 2018 à 2024, mais que le reste à charge pour les communes, lors des travaux de rénovation, s’élève à 43 %.

Injonctions contradictoires

Au-delà du problème financier, la Cour des comptes fait le constat – qui ne surprendra aucun maire – de l’inextricable « complexité »  des règles de protection du patrimoine monumental. La volonté du législateur de simplifier les règles avec la loi Architecture et patrimoine de 2016 n’a pas produit ses effets : « Le déploiement trop lent de ces règles nouvelles fait perdurer les anciennes, ce qui crée un enchevêtrement particulièrement complexe pour les collectivités. » 

Ce à quoi il faut ajouter des injonctions contradictoires entre protection du patrimoine et protection de l’environnement : bien des maires sont confrontés quotidiennement à une situation ingérable lorsqu’il faut appliquer certaines règles relatives à la protection de l’environnement (ou à l’accessibilité), et que celles rentrent en contradiction avec celles qui concernent la protection des bâtiments classés. 

Pour simplifier les règles, la Cour des comptes fait une recommandation qui paraît intéressante : examiner, d’ici la fin de l’année, « les conditions permettant de modifier le plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) du patrimoine sans déclencher automatiquement la révision du plan local d’urbanisme ». 

Valorisation du patrimoine

En guise de remède à ces difficultés, la Cour des comptes propose un certain nombre de pistes. Elle appelle notamment les collectivités concernées à s’engager dans une démarche de programmation pluriannuelle, via d’adoption d’un « schéma directeur immobilier ». Plus prosaïquement, elle suggère aux collectivités qui ne parviennent plus à entretenir leur patrimoine… de le céder : la vente de certains biens peut permettre de dégager des recettes qui seront consacrées à l’entretien d’autres.

Autre conseil de la Cour : mutualiser. Une commune qui n’a pas les moyens techniques et financiers d’entretenir son patrimoine peut se tourner vers les intercommunalités. Si celles-ci ne sont que très rarement propriétaires de monuments, elles peuvent en revanche, par les biais des fonds de concours, aider les communes à financer l’entretien et apporter une aide en ingénierie. 

Parmi les autres recommandations, on notera un chapitre sur la « valorisation »  du patrimoine, qui peut devenir « un levier d’attractivité touristique et de développement local ». La Cour des comptes attire également l’attention des élus sur les édifices cultuels, qui peuvent faire l’objet d’une procédure de « changement d’usage », avec la possibilité d’une « désaffection »  (prononcée par le préfet sur demande du conseil municipal) voire de « désacralisation »  (décidée par les autorités religieuses). Ces procédures, trop peu utilisées selon la Cour, permettent ensuite à la collectivité d’affecter l’ancien édifice cultuel à d’autres usages – événements culturels, musée… voire salle de sport, comme l’a fait la Ville de Paris qui a récemment transformé une chapelle désaffectée en une magnifique salle d’escalade. 

Les magistrats financiers saluent par ailleurs le rôle joué par les programmes Action cœur de ville et Petites villes de demain en matière de gestion du patrimoine, en permettant aux communes « d’identifier des leviers de développement »  et en leur donnant « de la visibilité en matière de moyens financiers ». 

Enfin, la Cour des comptes insiste sur la nécessité de mieux former les élus « en matière de réglementation et de gestion du patrimoine monumental », après les élections municipales de 2026. Elle propose, soit dit en passant, que cette tâche soit assurée… par l’AMF. 

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