Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 15 février 2023
Environnement

Particules fines : l'épisode de pollution en cours et ses conséquences

Un sérieux épisode de pollution atmosphérique touche une bonne partie du pays depuis la fin de la semaine dernière. Selon une étude récente, ces épisodes de pollution ont une influence directe sur la morbidité des maladies respiratoires, comme le covid-19 ou la grippe.

Par Franck Lemarc

Voyants au rouge sur la moitié est du pays : selon la cartographie dressée par Atmo France (la fédération des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air), la qualité de l’air est « mauvaise »  autour des villes des Hauts-de-France, l’Île-de-France, l’est de la Bourgogne-Franche-Comté, les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Paca. La pollution ne se cantonne toutefois pas aux agglomérations denses : en Île-de-France par exemple, ce sont les quatre cinquièmes de la région (en dehors de l’ouest des Yvelines) qui sont touchés, y compris les communes rurales de Seine-et-Marne. 

Depuis hier, la pollution gagne certaines agglomérations de l’ouest, dont Chartres, Rouen, Orléans ou Le Havre. 

Comprendre le phénomène

Il s’agit d’une pollution due à la présence importante dans l’air de particules en suspension (PM2,5 et PM10, c’est-à-dire dont la taille est respectivement inférieure à 2,5 et 10 millionièmes de mètre). Les PM10 sont émises par plusieurs secteurs : en premier lieu l’agriculture, puis le chauffage, notamment au bois, et dans une moindre mesure le transport routier. Quant aux particules PM2,5, elles sont essentiellement émises par le chauffage au bois, et plus accessoirement par le transport routier. Les PM10 ont une influence sur la santé respiratoire, les PM2.5 « entraînent de plus une altération de la santé cardiovasculaire », souligne Atmo France. 

Les épisodes de pollution sont donc intimement liés aux températures : plus il fait froid, plus le chauffage est utilisé. Lorsqu’en plus, comme c’est le cas depuis plusieurs jours, il n’y a ni vent ni pluie pour disperser les particules, tous les ingrédients sont réunis pour un épisode de pollution sévère. 

Les grandes villes et certaines préfectures ont donc pris les mesures habituelles – dans la plupart des cas une réduction de la vitesse automobile, mais pouvant aller, en Île-de-France ou en Ardèche par exemple, par une interdiction du chauffage au bois. Dans la ZFE (zone à faibles émissions) de Lyon, seuls les véhicules Crit’Air 0, 1 et 2 sont autorisés à circuler. 

Mortalité accrue pour les maladies respiratoires

On connaît depuis longtemps les effets délétères des particules fines sur la santé, à long terme. Mais récemment, une étude menée par le CNRS a démontré une corrélation claire entre la pollution aux particules fines et la mortalité due au covid-19 : en clair, une forte présence de particules fines dans l’air se traduit, dans les jours qui suivent, par une augmentation du nombre de morts de la maladie. Pendant toute la durée de l’épidémie, démontre l’étude, des « pics de mortalité »  ont été constatés pendant et après les pics de pollution. Et ce de façon considérable : la mortalité augmenterait de 10 % par microgramme par mètre cube de pollution supplémentaire. À Paris, les chiffres sont impressionnants : au printemps 2020, après un pic de pollution, la mortalité due au covid-19 a été brusquement multipliée par dix ! 

Ce phénomène semble également pouvoir être constaté pour d’autres maladies virales comme la grippe.

Les chercheurs expliquent ce phénomène par le fait que les particules fines pénètrent très profondément dans les tissus pulmonaires, qu’elles abîment, créant ainsi une fragilité qui aggrave l’effet des virus respiratoires sur l’organisme. L’un des épidémiologistes auteur de l’étude du CNRS, Antoine Flahaut, explique ainsi que « les particules fines altéreraient les cellules de l’épithélium de l’arbre respiratoire et du tissu pulmonaire, facilitant la transmission des virus respiratoires comme ceux du Covid-19 ou de la grippe, et favorisant les formes graves et les complications de la maladie, donc les hospitalisations et les décès. » 
Cette étude donne un argument de plus pour pousser à la diminution de la pollution de l’air dans les grandes villes. Ses auteurs militent en outre pour que, pendant les phases de poussée épidémique, les pouvoirs publics agissent également sur la qualité de l’air – ce qu’Antoine Flahaut appelle « l’angle mort »  des politiques sanitaires. Par exemple, en exigeant par arrêté préfectoral la suspension des épandages agricoles, responsables de fortes émissions de particules fines.

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2