En commission, les députés suppriment les Zones à faibles émissions et de nombreuses instances consultatives
Par Franck Lemarc

Suppression des ZFE, des Cese régionaux, de l’Agence de financement des infrastructures de transport en France, de l’Observatoire de la politique de la ville, du Conseil national de la montagne… Les membres de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi de simplification de la vie économique donnent libre cours à leur imagination. Presque 1 500 amendements seront, au total, examinés par cette commission, proposant de modifier un projet de loi de plus en plus fourre-tout, traitant aussi bien des marchés publics que des démarches administratives en passant par l’aménagement numérique, les installations de production d’énergies renouvelables ou les procédures d’autorisation environnementale.
Simplification « drastique »
Rappelons que ce texte a été déposé par le gouvernement il y a presque un an, le 24 avril 2024, avec un objectif : « simplifier drastiquement (…) la charge des normes, des démarches, des complexités du quotidien » pour les entreprises, comme l’expliquait le ministre de l’Économie d’alors, Bruno Le Maire. Simplification des bulletins de salaire, suppression de formulaires Cerfa, extension de la démarche « silence vaut accord », suppression de normes, transformation de démarches d’autorisation en simples déclarations… ce texte, ambitieux, a dès le début suscité certaines réserves de la part de l’AMF, qui avait relevé plusieurs dispositifs conduisant notamment à passer par-dessus la tête des maires en matière d’urbanisme (lire Maire info du 30 avril 2024).
La dissolution de l’Assemblée nationale a fortement retardé l’examen de ce texte, qui a finalement été adopté en première lecture par le Sénat le 22 octobre 2024. C’est ensuite le renversement du gouvernement Barnier qui a encore retardé l’examen du projet de loi par les députés, qui n’a commencé que le 19 mars, au sein d’une « commission spéciale » de 71 membres, composée à la proportionnelle des groupes – donc en théorie représentative de la composition de l’hémicycle.
Cette commission spéciale examine, depuis cette date, les presque 1 500 amendements – dont une cinquantaine déposés par le gouvernement – traitant des sujets les plus variés, et dont beaucoup semblent relativement éloignée de l’objet du projet de loi, à savoir la simplification de la vie des entreprises.
Afitf, Ceser, CSM…
D’innombrables amendements ont été déposés pour supprimer des organismes, agences, observatoires et autres commissions jugés inutiles, redondants ou trop peu efficients. Et nombre de ces amendements ont été adoptés, de façon parfois fort surprenante.
Ainsi, une agence aussi importante que l’Afitf (Agence de financement des infrastructures de transport en France), qui gère – excusez du peu – un budget d’investissement de quelque 3,3 milliards d’euros – a été supprimée d’un trait de plume par la commission spéciale, au motif qu’elle ne serait qu’une « simple caisse de financement ». Le ministre chargé des Transports, Philippe Tabarot, a toutefois protesté contre cette décision et tentera de la faire annuler en séance publique.
Autre décision prise contre l’avis du gouvernement : la suppression du Conseil national de la montagne – ce qui a provoqué la colère des élus de la montagne, qui parlent de « très mauvais signal », de « provocation » et de « mépris ». L’amendement adopté sur ce sujet, qui pointe une « absence manifeste d’utilité opérationnelle » de cette instance, sera peut-être, là encore, supprimé en séance publique, plusieurs ministres ayant estimé que la suppression du CSM serait une erreur.
Autre victime de cette commission spéciale : les Ceser (Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux). Plusieurs amendements du groupe LR ont été adoptés, pour supprimer les Ceser, au motif, pour faire court, qu’ils coûtent cher et ne servent à rien. Leur suppression, selon les auteurs des amendements, ferait économiser à l’État « entre 50 et 60 millions d’euros par an ».
La commission a également voté la suppression de l’Observatoire de la politique de la ville, créé en 2016 – dont on ne peut pourtant pas dire qu’il ne fait rien, puisqu’il produit, très régulièrement, un certain nombre d’études et de données intéressantes sur les quartiers prioritaires. Cette fois, le gouvernement fait partie de ceux qui ont proposé la suppression, en demandant que les missions de l’OPV soient reprises par l’Agence nationale de cohésion des territoires.
Sans prétendre être exhaustifs, signalons que parmi les autres instances supprimées par la commission spéciale figurent le Comité national d’expertise de l’innovation pédagogique, la commission de consultation du commerce, les commissions municipales des débits de boisson, la commission nationale de conciliation des conflits du travail, le Haut conseil de l’éduction artistique et culturelle… Sans que l’on mesure très bien en quoi la suppression, justifiée ou non, de ces instances, va « simplifier la vie économique ».
Suppression des ZFE
Une autre décision surprise, de grande importance, a été actée hier : la suppression des ZFE (zones à faibles émissions). Deux amendements (LR et RN) ont été adoptés – contre l’avis du gouvernement cette fois – pour mettre fin à ces 42 zones créées par la loi Climat et résilience de 2021, dans lesquelles la circulation des véhicules les plus polluants est ou sera interdite.
Ce dispositif est qualifié par les auteurs des amendements de « ségrégation sociale », dans la mesure où les ménages les plus modestes n’ont pas forcément les moyens de se débarrasser d’un véhicule polluant et encore moins d’acheter une voiture électrique. Cette fois, il s’agit bien d’un sujet qui entre dans le champ d’application de ce projet de loi : les auteurs de l’amendement rappellent que les ZFE pénalisent particulièrement les artisans et les très petites entreprises, qui utilisent des véhicules utilitaires et dont un quart pourraient, s’ils ne changent pas de véhicule, ne plus pouvoir entrer à Paris, par exemple.
Il est à noter que ces amendements ont été votés y compris par un certain nombre de députés de gauche et centristes, ce qui laisse penser qu’il n’est pas complètement impossible que cette décision soit confirmée en séance publique.
L’examen de ce texte par la commission spéciale a donné lieu à de très nombreuses autres décisions, notamment en matière de marchés publics, de documents d’urbanisme ou encore sur l’implantation des antennes de téléphonie mobile. Maire info reviendra sur ces dispositions nouvelles dans ses prochaines éditions.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2

Amélioration de la qualité des réseaux fibre : vraie bonne nouvelle ou évolution en trompe-l'oeil ?
Droit à l'emploi : une proposition de loi en passe d'être déposée d'ici cet été
Épidémie de chikungunya à La Réunion : les cas augmentent de manière inquiétante
