Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 6 février 2025
Parité

Plusieurs associations d'élus demandent au Sénat d'adopter « d'urgence » le scrutin de liste paritaire dans les communes de moins de 1 000 habitants

L'AMF, l'AMRF, Intercommunalités de France et le Haut Conseil pour l'égalité entre les femmes et les hommes ont publié ce matin un communiqué pour demander au Parlement de « légiférer dans les plus brefs délais » pour instaurer le scrutin de liste paritaire dès les élections municipales de l'an prochain. 

Par Franck Lemarc

Il y a trois ans presque jour pour jour, le 3 février 2022, l’Assemblée nationale adoptait en première lecture la proposition de loi « visant à renforcer la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal ». Mesure la plus emblématique de ce texte : étendre aux communes de moins de 1 000 habitants le mode de scrutin en vigueur dans les autres communes, à savoir le scrutin de liste paritaire avec alternance hommes-femmes. Cette adoption avait été ainsi saluée en séance par l’auteure du texte, Élodie Jacquier-Laforge : « Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour la femme ! ». 

Ce texte a été adopté par l’Assemblée nationale quelques jours avant la période de vacance parlementaire qui a précédé les élections présidentielle et législatives de 2022. Ce calendrier n’a pas permis que le texte soit inscrit au Sénat avant la fin de la législature. Au lendemain de l’adoption du texte, Maire info écrivait : « Il faut espérer que ce contretemps ne sera pas synonyme d’envoi du texte aux oubliettes. » 

Cette hypothèse s’est hélas révélée exacte, et le texte n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour du Sénat. Il faut peut-être y voir le résultat d’une certaine tiédeur du camp macroniste – qui n’avait pas déclenché la procédure accélérée, à l’époque, et n’avait prononcé qu’un avis de « sagesse »  plutôt qu’un soutien franc et massif au texte. Et du manque d’enthousiasme des Républicains pour cette réforme, ce qui est un euphémisme lorsque l’on se souvient que pas un seul des 102 députés LR n’était présent dans l’Hémicycle au moment du débat et du vote sur ce texte, en février 2022. Pour être tout à fait justes, il faut rappeler que les députés socialistes avaient fait à peine mieux, puisqu’ils n’avaient dépêché en tout et pour tout… qu’une seule députée. Il faut croire que les grands partis sont quelques peu frileux à l’idée de soutenir une réforme qui n’est pas forcément populaire chez tous les maires. 

Arrêter les « atermoiements » 

L’AMF, l’AMRF et Intercommunalité de France se montrent plus courageux. Rappelons que l'AMF, dès le début des années 2020, s'est clairement prononcée pour cette réforme, au nom de la parité, et a soutenu le texte de 2022.

Les trois associations remettent donc aujourd’hui le dossier sur la table par un communiqué demandant au Sénat « d’inscrire très rapidement à son ordre du jour la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale en février 2022 ». « Il y a urgence », écrivent les associations : il s’agit bien « d’un enjeu de vitalité démocratique locale. Au-delà de constituer un levier nécessaire pour la parité, le scrutin de liste assure, de surcroît, la diversité et le renouvellement d’équipes municipales autour du maire et d’un projet commun. Il permet aux citoyens qui souhaitent s’investir dans leur village de le faire avec un cadre clair et identique pour toutes les communes. »  Les associations rappellent par ailleurs que le même texte permet le dépôt de listes incomplètes, ce qui « apporterait de la souplesse, attendue par les élus ». « Les atermoiements ont assez duré », concluent les associations, et il faut « voter ce texte au plus vite ». 

On le sait, cette réforme suscitera des débats chez les maires, dont beaucoup craignent qu’elle rende plus difficile la constitution de listes dans les petites communes. Mais comme l’avait rappelé la député Marie-George Buffet pendant les débats de 2022, « exactement les mêmes arguments nous étaient opposés il y a 20 ans », lors des débats sur la loi du 6 juin 2000 instaurant, pour la première fois, l’obligation de parité dans les communes de 3 500 habitants. Et pourtant, cette loi n’a empêché aucune liste de se constituer. Quant à l’argument souvent brandi que ce dispositif serait plus difficilement applicable dans les communes rurales, l’ancien ministre Marc Fesneau y avait, en 2022, répondu de façon plaisante : « Les femmes représentent la moitié de l’humanité. Je vous ferai une confidence : elles représentent aussi la moitié de l’humanité dans les communes rurales. » 

Questions de droit

Reste la question de « l’urgence »  évoquée par l’AMF et les autres associations : l’article L567-1 A du Code électoral – introduit par une loi de 2019 – dispose en effet « qu’il ne peut être procédé à une modification du régime électoral ou du périmètre des circonscriptions dans l'année qui précède le premier tour d'un scrutin ». Autrement dit, les prochaines élections municipales étant fixées à mars 2026, il ne reste en théorie que quelques semaines pour inscrire cette proposition de loi à l’agenda du Sénat, en débattre, la voter et la promulguer, ce qui ne paraît pas impossible mais pour le moins peu probable.

Mais il faut rappeler que contrairement à une idée reçue, le fait de ne pas pouvoir modifier le régime électoral moins d’un an avant un scrutin ne figure pas dans la Constitution. Jusqu’en 2019, ce principe n’était même pas inscrit dans la loi mais considéré comme un simple « usage républicain ». 

Toutefois, l’inscription de ce principe dans la loi ne ferme pas la porte à toute modification, dans la mesure où une loi, contrairement à la Constitution, peut être modifiée… par une autre loi. D’ailleurs, rappelle chez nos confrères de la Gazette des communes le spécialiste du droit électoral Philippe Bluteau, l’auteur de la proposition de loi de 2019, le sénateur Alain Richard, avait alors déclaré que son texte « pose un principe, auquel le législateur pourrait déroger, cas par cas ». 

Il n’est donc pas formellement impossible, même à moins de 12 mois des prochaines élections, de modifier le mode de scrutin dans les communes de moins de 1000 habitants. Ce ne sera qu’une question de volonté politique, de la part du gouvernement, qui pourrait peser dans ce sens, ou pas. Et du parti majoritaire au Sénat, les Républicains. 

Vont-ils écouter l’AMF et les autres associations ? On le saura sans doute très vite. Les adversaires de cette mesure pourraient en tout cas méditer les belles paroles du député Christophe Euzet qui, en 2022, expliquait dans l’Hémicycle son évolution personnelle : adversaire de la parité obligatoire en 2000, il s’y était rallié en 2022. « J’avoue que je n’étais pas vraiment favorable à ce genre de mesure, car j’estimais que les consciences devaient avancer plus vite que le droit. Je refusais de considérer que le droit pouvait, de temps en temps, faire évoluer les consciences. » 

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