Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 20 septembre 2022
Parité

Parité dans les instances élues : des progrès et des pistes d'amélioration

Hier s'est tenu au Conseil économique social et environnemental (Cese) un colloque organisé par le réseau « Elles aussi », qui fête cette année sa trentième année d'action en faveur de la parité. L'occasion de faire le point sur la place des femmes élues aujourd'hui.

Par Lucile Bonnin

Depuis 1992, le réseau « Elles aussi »  sensibilise la société et la sphère politique sur les nécessaires actions à mener pour la légitimité des femmes en politique et accompagne dans un même temps celles qui sont ou qui veulent être élues. 

Le moins que l’on puisse dire est que le combat n’était pas gagné d’avance. « En 1992, on ne comptait que 6 % de femmes à l’Assemblée nationale, raconte Danièle Bouchole, co-présidente du réseau. C’est d’ailleurs le même pourcentage qu’en 1945. » 

Puis, des premiers progrès ont pu être constatés avec notamment la loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. En 2015, la réforme du mode de scrutin pour les élections départementales a aussi été « une belle réussite »  selon les membres du réseau. Les conseillers départementaux sont depuis élus au scrutin majoritaire binominal mixte.

Autre avancée non négligeable pour la parité : la loi du 31 mars 2015 qui vise à faciliter l’exercice du mandat des élus locaux. En effet, la loi prévoit un droit individuel à la formation, ce qui valorise le statut de l’élu et « encourage l’engagement citoyen, et donc l’engagement des femmes ». 

Lente féminisation

Si la part des femmes parmi les élus locaux progresse, elle reste tout de même en dessous de la parité pour la plupart des fonctions exécutives locales. C’est le cas des maires qui sont des femmes à seulement 19,8 % en 2021, selon les chiffres de la DGCL. 

Le constat est partagé par toute l’assemblée réunie hier pour ce colloque anniversaire : des efforts ont été fait mais ils restent insuffisants. Certains acquis en matière de parité sont fragiles et surtout, comme le constate Sylvie-Pierre Brossolette, présidente du Haut Conseil à l'égalité (HCE) entre les femmes et les hommes, il est désormais impératif  « d'accélérer »  la cadence pour des « progrès notables et rapides » 

Cumul des mandats 

« Persévérance ou résistance de la part des hommes élus ? » . La question est lancée par Reine Lepinay, co-présidente du réseau et membre du HCE. Le sujet du cumul des mandats fait son grand retour sur le devant de la scène politique actuellement. L’exécutif envisage en effet un retour de députés-maires ou de sénateurs-maires. Le député Karl Olive, ancien maire de Poissy, entend déposer une proposition de loi sur le sujet dès cette semaine. 

Pour les femmes élues, ce serait un retour en arrière lourd de conséquences. Une étude du HCE de 2013 montre que 80 % des parlementaires en situation de cumul sont des hommes ce qui n’encourage pas la libération de la place en politique pour les femmes. Sans compter que, comme le rappelle Armelle Le Bras-Chopard, politologue, l’accession des femmes en politique est complexifié par « un discours médiatique et scientifique misogyne ancré dans l’histoire ancienne du pays. »  Les femmes élues doivent donc redoubler d’efforts pour lutter contre « un sexisme systémique »  indéniable. 

Intercommunalités : « les oubliés de la parité » 

« Ce sont les très mauvais élèves de la parité » , explique Danièle Bouchoule, évoquant les intercommunalités qui ne sont pas soumises à l’obligation de parité pour les listes présentées. Pour rappel, c’est le cas de plusieurs types de structures (communes de moins de 1000 habitants et intercommunalités) qui sont, selon le réseau, les « zones blanches »  de la parité. 

Le HCE recommande notamment d’instaurer la parité dès le premier habitant au plus tard d’ici 10 ans. Édith Gueugneau, co-présidente du groupe de travail de l'AMF sur la promotion des femmes dans les exécutifs locaux, a participé aux échanges et témoigne de la complexité à constituer un exécutif paritaire en intercommunalités. 

« Je suis une élue rurale en Saône-et-Loire et dans les villages, on observe autant de femmes que d’hommes. Il n’y a pas de raison que les femmes ne soient pas représentées ! L’argument des femmes qui ne veulent pas s’engager n’est pas recevable, c’est une idée reçue. »  Édith Gueugneau rappelle d’ailleurs, en tant que première vice-présidente de la communauté de communes entre Arroux, Loire et Somme, que des décisions importantes de territoire sont prises au sein de l’interco, d’où l’importance de la parité.

Pour ce qui concerne les communes de moins de 1000 habitants, rappelons qu'une proposition de loi a été adoptée par l'Assemblée nationale en toute fin du dernier mandat, sans pouvoir être également adoptée au Sénat (lire Maire info du 4 février). Son adoption définitive marquerait une véritable révolution en matière de parité, puisqu'elle prévoit de faire sauter le seuil des 1000 habitants en la matière, c'est-à-dire d'imposer la parité dans les conseils municipaux de toutes les communes, y compris les plus petites. Ce qui aurait, mécaniquement, un effet sur la parité dans les conseils communautaires. Cette proposition de loi a reçu le plein soutien de l'AMF. Sera-t-elle rapidement remise sur l'établi en ce début de nouvelle législature... ou oubliée ? La question est pour l'instant sans réponse. 

Communes nouvelles : une ouverture ? 

La question de la commune nouvelle a aussi été abordée en fin de colloque. « Il y a, au 1er janvier 2021, 775 communes nouvelles qui rassemblent à peu près 2 510 communes, explique Éric Kerrouche, vice-président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat. La commune nouvelle, parce qu’elle est plus grande, peut être propice à encourager la parité. Mais la décision du Conseil constitutionnel concernant la commune de Salbris a fait que la loi NOTRe a dû intégrer cette jurisprudence qui impose le fait que la représentation des communes repose essentiellement sur une base démographique. Cette prise de considération démographique se fait au détriment des petites communes, et donc des femmes. » 

La commune nouvelle peut être une solution – et pas seulement pour la parité mais aussi pour combler le manque de personnels – « mais il faudra des compensations. »  Ces problématiques seront abordées plus largement lors de la Rencontre nationale des communes nouvelles organisée chaque année par l’AMF et qui se tiendra le 28 septembre prochain au Sénat. 
 

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