Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 4 février 2022
Parité

Les députés adoptent en première lecture le scrutin de liste paritaire dans les communes de moins de 1000 habitants

C'est à la quasi-unanimité - mais en l'absence de groupes entiers - que la proposition de loi « visant à renforcer la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal » a été adoptée hier, en première lecture, à l'Assemblée nationale. Il n'est toutefois pas du tout certain que ce texte sera adopté lors de cette mandature. 

Par Franck Lemarc

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© Saint-Quentin

« Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour la femme. »  L’auteure de la proposition de loi adoptée hier, Élodie Jacquier-Laforge, a détourné avec humour la célèbre formule de l’astronaute Neil Armstrong, hier, pour présenter son texte en séance publique. Et c’est en effet un « grand pas »  qui pourrait être franchi si ce texte va jusqu’au bout de son parcours parlementaire, puisqu’il vise à appliquer à toutes les communes le même mode de scrutin aux élections municipales, à savoir le scrutin de liste paritaire, avec alternance homme-femme. Rappelons qu’aujourd’hui, dans les communes de moins de 1000 habitants, les élections municipales se font au scrutin majoritaire avec possibilité de panachage ou suppression de nom. 

Le dispositif adopté

Le dispositif proposé dans le texte et adopté hier est le suivant : suppression du seuil de 1000 habitants et scrutin de liste paritaire dans toutes les communes. Création d’une nouvelle strate (communes entre 500 et 999 habitants) dans laquelle le conseil municipal compterait 13 membres au lieu de 15. Autorisation du dépôt de listes incomplètes dans toutes les communes de moins de 1000 habitants. Et enfin, élargissement des « dérogations au principe de complétude du conseil municipal, prévues actuellement pour les communes de moins de 500 habitants, aux communes entre 500 et 999 habitants ». 

Le texte initial comprenait un article consacré aux intercommunalités, avec la mise en place d’un dispositif prévoyant que « la répartition des vice-présidents de chaque sexe au sein des EPCI (corresponde) à leur répartition au sein de l’organe délibérant pris dans son ensemble ». Cet article a été supprimé en commission et n’a pas été rétabli en séance publique. Le texte adopté ne comporte donc pas de mention à l’intercommunalité. 

Un long chemin

C’est donc un changement majeur qui est envisagé ici, dernière étape d’un processus qui a débuté il y a plus de vingt ans, après l’adoption de la loi du 6 juin 2000 qui instaura pour la première fois une obligation de parité aux élections municipales pour les communes de 3 500 habitants et plus. La deuxième étape a été permise par la loi du 17 mai 2013, qui a abaissé ce seuil à 1 000 habitants. 

Depuis, de nombreuses structures, à commencer par l’AMF et l’Association des maires ruraux de France, mais aussi le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), se sont exprimées pour demander au législateur d’aller plus loin, et de faire sauter cette ultime barrière en appliquant la parité dans toutes communes. 

À l’automne dernier, Élodie Jacquier-Laforge a rendu, avec son collègue Raphaël Schellenberger, un rapport sur cette question (lire Maire info du 11 octobre 2021). Rapport qui se concluait sur un accord entre les deux auteurs sur le constat, mais pas sur le remède : alors que la députée de l’Isère plaidait pour la suppression de tout seuil en la matière, son collègue du Haut-Rhin demandait, lui, un abaissement du seuil à 500 habitants. 

Des positions très tranchées

Les débats à l’Assemblée nationale, hier, ont furieusement rappelé ceux qui se sont déjà déroulés en 2000 et en 2013, au point que la députée Marie-Georges Buffet a estimé en souriant qu’elle vivait « une cure de rajeunissement » : « Les arguments opposés à ce texte sont exactement les mêmes que ceux que l’on nous opposait il y a vingt ans »  – Marie-Georges Buffet était alors ministre. 

En effet, les arguments des défenseurs comme des détracteurs du texte sont les mêmes que par le passé. Côté défenseurs, on plaide que « c’est grâce à la loi que la place des femmes a avancé »  (Yaël Braun-Pivet) et que « si la parité n’est pas imposée par une loi, elle ne s’impose pas d’elle-même »  (Erwan Balanant). Sur ce point, certains députés ont même évoqué avec honnêteté leur évolution personnelle, comme Christophe Euzet (Agir ensemble) : « En 1999, lors de la révision de la Constitution visant à y introduire la parité entre les hommes et les femmes en matière d’attribution des mandats électoraux et de fonctions électives, j’avoue que je n’étais pas vraiment favorable à ce genre de mesure, car j’estimais que les consciences devaient avancer plus vite que le droit. Je refusais de considérer que le droit pouvait de temps en temps faire évoluer les consciences. Sur ce point particulier, j’ai beaucoup changé. » 

Du côté des adversaires de ce texte, l’argument le plus fréquent est que ce dispositif va rendre « plus compliquée la constitution de listes dans les petites communes rurales », où celle-ci est déjà difficile. L’argument a notamment été défendu par la députée de l’Hérault Emmanuelle Ménard, ou par le député Liberté et Territoires Jean-Felix Acquaviva, qui a expliqué que, « étant donné les difficultés importantes rencontrées pour susciter des vocations dans les petites communes, une telle disposition risque d’accroître le nombre de communes se retrouvant dans l’incapacité de former un conseil municipal, faute de candidats ». Marc Fesneau, ministre délégué aux Relations avec le Parlement, qui représentait le gouvernement, a répondu à cela : « Plusieurs d’entre vous ont rappelé que les femmes représentent la moitié de l’humanité. Je vous ferai une confidence : elles représentent aussi la moitié de l’humanité dans les communes rurales. » 

Les dispositions adoptées ont provoqué une véritable colère chez certains députés, en particulier Bertrand Pancher (Liberté et Territoires, Meuse), estimant de manière peu aimable qu’il se ferait traiter par les maires de sa circonscription de « taré »  s’il votait ce texte et concluant : « Je me demande quelle idée vous est passée par la tête au moment de nous soumettre une telle proposition de loi. » 

Il faut également signaler que certains groupes, et non des moindres, ont choisi tout simplement de ne pas participer au débat. C’est le cas du groupe Les Républicains, qui n’a pas participé à l’examen du texte en commission des lois et dont pas un seul des 102 députés n’était présent dans l’hémicycle ni pour discuter le texte ni pour le voter. Le groupe socialiste, pourtant favorable au dispositif, n’était représenté que par une unique députée. Le texte a donc été certes adopté à la quasi-unanimité (105 voix pour, 3 contre) mais presque exclusivement par les députés LaREM et MoDem.

Position ambiguë du gouvernement

Reste à savoir si le texte va aller jusqu’au bout de son chemin parlementaire avant la fin de la mandature. Rien n’est moins sûr. Il faut remarquer ici une certaine tiédeur du gouvernement qui, s’il ne souhaite pas s’opposer frontalement à ce dispositif, ne le soutient pas non plus avec la vigueur dont il a su faire preuve pour d’autres propositions de loi.

D’abord, tout simplement, le ministre Marc Fesneau ne s’est pas déclaré, au nom du gouvernement, favorable au texte, mais s’en est remis à « la sagesse du Parlement », ce qui est une position de repli. Mais surtout – ce qui est assez exceptionnel ces derniers temps pour un texte issu de la majorité – le gouvernement n’a pas engagé pour ce texte la procédure accélérée, ce qu’il est seul à pouvoir faire et permet une seule lecture d’un texte devant chaque chambre. 

Le texte va donc suivre une procédure parlementaire normale, c’est-à-dire deux lectures par chambre. Or les travaux de l’Assemblée nationale, en l’état actuel du calendrier, seront clos le 27 février, jusqu’aux lendemains des élections législatives. Il y a donc peu de chances que le texte puisse revenir en deuxième lecture, d’ici là, devant les députés.

Certes, cette proposition de loi a du temps devant elle, puisqu’elle ne doit entrer en vigueur que pour les élections municipales de 2026, mais il faut espérer que ce contretemps ne sera pas synonyme d’envoi du texte aux oubliettes. 

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