Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 8 avril 2025
Parité

Listes paritaires dans les communes de moins de 1000 habitants : la proposition de loi définitivement adoptée, dans la douleur

L'Assemblée nationale a adopté hier, lors d'une séance à l'issue très agitée, la proposition de loi visant à élargir le scrutin de liste paritaire à l'ensemble des communes du pays, quelle que soit leur taille. La réforme entrera en vigueur dès les prochaines élections de 2026. Récit.

Par Franck Lemarc

Maire-Info
© DR

Il s’est fallu d’un cheveu. Un peu avant 19 heures, hier, les députés adoptaient un ultime amendement d’une grande importance – après que tous les autres amendements discutés depuis 15 heures eurent été, un à un, rejetés. Le dernier amendement, adopté avec une seule voix d’avance, décalait l’entrée en vigueur du texte aux élections de 2032. Mais le gouvernement a joué de ses prérogatives pour inverser la situation. 

La nécessité d’un vote conforme

Rappelons que l’objet essentiel de ce texte est d’appliquer le même mode de scrutin aux élections municipales pour toutes les communes, quelle que soit leur taille. Autrement dit, il met fin à l’exception encore en vigueur dans les communes de moins de 1000 habitants, où les scrutins municipaux se déroulent encore au scrutin plurinominal aux deux tours, avec possibilité de panachage. 

Point crucial : vu la proximité du prochain scrutin municipal (onze mois), il a semblé essentiel à la commission des lois et au gouvernement que ce texte soit adopté « conforme », hier, c’est-à-dire sans modifications par rapport à la version adoptée par le Sénat. Une telle adoption conforme garantit en effet une adoption définitive et une promulgation immédiate. L’adoption d’un texte modifié – sans parler d’un rejet du texte par les députés – aurait signifié une nouvelle lecture au Sénat et plusieurs mois de perdus, alors qu’en théorie, il n’est pas possible d’adopter un texte modifiant les règles électorales à moins d’un an du scrutin. 

Sans revenir ici sur le contenu précis de ce texte, décrit dans notre édition d’hier, disons que tout s’est passé comme on pouvait s’y attendre jusqu’à la quasi-fin des débats : les groupes opposés à cette réforme – Les Républicains et le Rassemblement national – ont tenté, en vain, de faire voter des amendements pour modifier ou supprimer les articles successifs de la loi. Les arguments sont les mêmes, de chaque côté. Du côté des adversaires de la réforme, on a opposé la difficulté qu’il y aurait à trouver des femmes candidates dans les petites communes ; et, de façon plus convaincante sans doute, les craintes des maires ruraux. Beaucoup de députés ont raconté que sur le terrain, de nombreux maires de communes rurales sont opposés à cette réforme, craignant qu’elle les confronte à des difficultés supplémentaires – et qu’y compris des présidents d’associations départementales de maires ont publiquement exprimé leur désaccord. 

Ces députés ne sont pas convaincus par le fait que tant l’AMF et que l'Association des maires ruraux de France militent pour cette réforme depuis plusieurs années.

Du côté des partisans de la réforme, on a répété que chaque évolution de la loi sur la question de la parité, depuis 25 ans, a suscité les mêmes résistances et les mêmes arguments, avant de s’appliquer, une fois la loi votée, sans résistance particulière. Rappelons que la première loi sur la parité aux élections municipales date de 2000 – elle ne s’appliquait alors qu’aux communes de plus de 3 500 habitants. En 2013, la réforme a été étendue aux communes de plus de 1 000 habitants. La proposition de loi débattue cette année est donc le dernier étage de la fusée, en supprimant tout seuil. Les partisans de cette réforme gagent qu’il ne sera pas plus difficile de trouver des femmes candidates dans les petites que dans les grandes, voire moins, quand on connait l’engagement des femmes notamment dans la vie associative des communes rurales. 

Coups de théâtre

Tout au long de l’après-midi, les votes se sont dessinés assez clairement : tous les amendements proposés ont été rejetés avec une assez large majorité. 

Mais c’est en début de soirée qu’un premier coup de théâtre a eu lieu, avec un ultime amendement sur l’article 5, qui précise que l’entrée en vigueur de la nouvelle loi était fixée au prochain renouvellement des conseils municipaux, c’est-à-dire l’année prochaine. Plusieurs amendements identiques ont été déposés pour décaler cette entrée en vigueur aux municipales suivantes, c’est-à-dire 2032, voire 2033 si le scrutin est décalé pour cause d’élection présidentielle en 2032. 

Ces amendements venaient à la fois de la droite, du RN et du Parti communiste qui, s’il s’est dit tout au long des débats favorable à la réforme, s’est opposé à ce qu’elle entre en vigueur si près des prochaines échéances. Les débats, avant le vote de ces amendements, ont été âpres : les uns tentant de démontrer qu’il est bien trop tard pour construire des listes avec de nouvelles règles pour 2026 ; les autres répondant que les listes sont constituées en général à l’automne. La rapporteure du texte, Delphine Lingemannn (MoDem), a rappelé que la loi de 2013 qui a étendu le scrutin de liste aux communes entre 1000 et 3500 habitants a été adoptée « en mai 2013 », soit dix mois avant les municipales de 2014, et que tout s’est néanmoins bien passé. Françoise Gatel, ministre chargée de la Ruralité, a apostrophé les députés : « Je connaissais les calendes grecques, vous inventez les calendes françaises ! Vous essayez de repousser cette réforme aux calendes ! » , estimant que depuis 2000, suffisamment de temps avait été donné à la réflexion. Et surtout, plusieurs députés ne se sont pas privés de rappeler que cette proposition de loi a été votée initialement en février 2022, et que sa non-adoption tient uniquement au fait que le Sénat ne l’a pas mise à l’ordre du jour pendant trois ans. 

Au moment du vote, ce sont néanmoins les partisans du report qui l’ont emporté… à une voix près : 142 députés ont voté le report, 141 ont voté contre. 

À ce moment, la messe était dite : l’adoption d’un seul amendement suffisait à renvoyer le texte devant le Sénat et relancer la navette parlementaire. 

Seconde délibération

Mais, deuxième coup de théâtre, la ministre Françoise Gatel a alors demandé une seconde délibération, c’est-à-dire un deuxième vote sur cet amendement. Cette démarche, bien que souvent critiquée parce qu’elle remet en cause le vote des députés, est conforme au règlement de l’Assemblée et de droit pour le gouvernement. 

Avant cette deuxième délibération, le député communiste Stéphane Peu, au nom de son groupe, a annoncé que finalement, son groupe voterait contre le report. Il a peut-être été sensible aux arguments de la rapporteure, qui a rappelé que c’était un député communiste, en 1944, qui a déposé la première proposition de loi ouvrant le droit de vote aux femmes. « Et la marche était, tout de même, un peu plus haute ! » , a rappelé la députée. 

Ce changement de pied du groupe communiste a suffi pour retourner la situation : lors de la deuxième délibération, le report a été rejeté, et la réforme s’appliquera bien dès les prochaines élections municipales. Un peu plus tard dans la soirée, le texte dans son ensemble a été adopté conforme, donc définitivement. Il sera probablement promulgué dans les tout prochains jours.

L’adoption de ce texte est évidemment une bonne nouvelle pour tous ceux qui souhaitaient cette réforme. Mais cette adoption s’est jouée dans des conditions qui pourront laisser à certains l’impression d’un texte mal voté. Cela gâchera un peu la fête de tous ceux qui souhaitaient ardemment l’adoption d’une telle réforme, et laissera un goût amer aux adversaires de ce texte. 

Il faudra donc, dans les mois qui viennent, redoubler de pédagogie et de communication pour convaincre les hésitants et faire de cette réforme une réussite et une avancée démocratique, comme cela a été le cas pour toutes les autres réformes permettant de faciliter l’accès des femmes à la vie politique. 

Pour commencer, Maire info reviendra, dans son édition de demain, sur le contenu précis du texte définitivement adopté et qui vient d'être publié

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2

S'ABONNER GRATUITEMENT NOUS ÉCRIRE
PARTAGER
IMPRIMER
Retrouver une édition

  • avril 2025
    lumamejevesadi
    31123456
    78910111213
    14151617181920
    21222324252627
    2829301234
    567891011
  • 00:00
Accéder au site