Instauration du scrutin de liste paritaire dans toutes les communes : séance décisive au Sénat aujourd'hui
Par Franck Lemarc

C’est une étape décisive qui va se jouer aujourd’hui au Sénat, qui va décider de l’adoption ou du rejet d’un texte extrêmement important pour les communes rurales : la proposition de loi d’Élodie Jacquier-Laforge, adoptée par les députés le 3 février 2022, qui instaurerait – dès les élections municipales de l’an prochain – une vraie petite révolution : la fin du scrutin plurinominal avec possibilité de panachage, encore en vigueur dans les communes de moins de 1 000 habitants, et la généralisation à toutes les communes du scrutin de liste paritaire.
Listes incomplètes et « complétude » du conseil municipal
Ce texte a déjà passé une étape importante au Sénat, avec son adoption par la commission des lois, le 5 mars. Depuis hier, le rapport de la commission des lois est disponible, signé du sénateur socialiste Éric Kerrouche et de la sénatrice LR Nadine Bellurot. Ce dernier détail est d’importance, parce qu’une partie des parlementaires LR s'est montrée réservée, ces dernières années, sur cette évolution. Nadine Bellurot, comme elle l’a exprimé pendant l’examen en commission, est favorable à ce texte, et a demandé aux sénateurs « d’approuver ces propositions », estimant notamment qu’il est « difficilement concevable que les communes de moins de 1 000 habitants demeurent les seules collectivités à ne pas être soumises à la règle constitutionnelle de la parité ». Si une majorité de parlementaires LR partagent ce point de vue, la partie sera gagnée pour ce texte.
Rappelons le contenu de la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale. Premier élément, le plus spectaculaire : l’extension du scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants. Mais pour rendre cette mesure « opérationnelle », trois adaptations ont été adoptées. Cette proposition de loi scinde la strate démographique des communes de 500 à 1 499 habitants et créé une nouvelle strate : celle des communes entre 500 à 999 habitants. Ensuite: « Seraient ainsi permis les dépôts de listes comportant au moins cinq candidats dans les communes de moins de 100 habitants, au moins neuf candidats dans les communes comptant entre 100 et 499 habitants, et au moins onze candidats dans les communes comptant entre 500 et 999 habitants », a rappelé Nadine Bellurot en commission. Par ailleurs, la « présomption de complétude », qui ne concerne aujourd’hui que les communes de moins de 500 habitants, serait étendue jusqu’à 1 000 habitants. Le conseil municipal serait « réputé complet » avec 5 membres dans les communes de moins de 100 habitants, 9 membres dans ceux de 100 à 499 habitants, et 11 dans celles de 500 à 999 habitants.
Les apports de la commission de lois du Sénat
Le point essentiel à retenir est que la commission des lois a bien validé l’extension du scrutin de liste à toutes les communes. Mais elle a assez profondément remanié le texte afin d’en garantir « l’opérationnalité ».
Point entièrement nouveau : la commission a créé un nouveau dispositif d’élections complémentaires dans les communes de moins de 1000 habitants. Les élections complémentaires, pour rappel, ont lieu notamment lorsque le conseil municipal a perdu le tiers de ses membres. Le dispositif proposé aboutirait à ce que dans ce cas, l’élection se fasse bien au scrutin de liste, mais que la liste ne comporte que le nombre d’élu nécessaire pour compléter le conseil municipal.
Les sénateurs ont ajouté une disposition concernant l’élection des adjoints au maire : comme dans les communes de plus de 1000 habitants, ils seraient élus au scrutin de liste paritaire. Mais pour tenir compte des contraintes inhérentes aux petites communes, les sénateurs ont introduit une dérogation permettant de remplacer un adjoint, en cas de vacance, « sans tenir compte de son sexe ».
Afin de tenir compte de la généralisation du scrutin de liste, les sénateurs ont également aligné les conditions d’élection des conseillers communautaires, dans les communes de moins de 1000 habitants, sur celles qui existent dans les autres communes : ceux-ci seraient élus au suffrage universel direct, par fléchage.
Enfin – et c’est un point essentiel –, la commission des lois du Sénat a validé l’idée d’appliquer ces règles dès les élections municipales de 2026. Les sénateurs ont pris acte que l’adoption définitive de ce texte ne se fera pas avant le mois d’avril, au moins, ce qui déroge à la loi du 2 décembre 2019 portée par Alain Richard, qui prévoit qu’aucune modification du mode de scrutin ne peut intervenir à moins d’un an de celui-ci. « Ce principe étant de valeur législative », et non constitutionnelle, « le législateur est libre d'y déroger au cas par cas », notent les sénateurs.
Rien n’est joué
Il ne reste plus qu’à savoir ce qui va se passer en séance publique – et l’on sera fixé dans la journée. Une chose est claire : le gouvernement est pleinement favorable à cette évolution : les amendements qu’il a déposés n’ont pour objectif que d’adapter le texte aux évolutions proposées par la commission des lois et ne sont que d’ordre « technique ».
En revanche, un certain nombre d’amendements ont été déposés par des sénateurs hostiles à l’évolution proposée. Certains sénateurs (de droite ou de centre-droit) demandent carrément la suppression de la mesure essentielle du texte, et le maintien du droit en l’état. L’un de ces amendements est signé par des sénateurs LR, ce qui indique que ce groupe est divisé sur la question. Rien n’est donc joué, vu le poids du groupe LR au Sénat.
D’autres sénateurs (centristes) proposent de n’appliquer les nouvelles règles qu’aux communes comprises entre 500 et 999 habitants, et de conserver l’existant dans les communes de moins de 500 habitants. D’autres encore de maintenir le scrutin plurinominal dans les seules communes de moins de 100 habitants.
Notons enfin que certains sénateurs ont profité de ce débat pour proposer des amendements relatifs aux communes nouvelles. Un amendement propose notamment de n’aligner les communes nouvelles sur le droit commun, en matière de nombre de conseillers municipaux, qu’au terme de « deux mandats pleins » au lieu d’un.
Ce débat essentiel sur le mode de scrutin dans les petites communes sera tranché aujourd’hui. Quoi qu’il arrive, le texte ne faisant hélas pas l’objet d’une procédure accélérée, il reviendra à l’Assemblée nationale en deuxième lecture, dès le mois d’avril, a souhaité le gouvernement.
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