Vie chère en Outre-mer : les sénateurs veulent lancer un dispositif d'encadrement des loyers ultramarins
Par A.W.
Encadrer les loyers en zone tendue et adapter les normes de construction. Le Sénat a adopté, mercredi, à l’unanimité, une proposition de loi visant à améliorer l'habitat dans les outre-mer et à y proposer des logements plus abordables, alors que le sujet très sensible de la vie chère dans ces territoires frappe aussi durement ce secteur.
Et si ce texte a été soutenu par le gouvernement, il doit encore être adopté par les députés pour voir définitivement le jour.
À la main des élus locaux
Il instaure donc, en premier lieu, une expérimentation d'encadrement des loyers spécifique aux territoires ultramarins, et plus précisément dans les communes tendues des cinq départements et régions d'outre-mer (Drom). « Une réelle avancée, mais pas une solution magique pour faire baisser le coût du logement », a estimé le ministre des Outre-mer Manuel Valls, dans l’hémicycle.
Bien que ce dispositif soit distinct de celui mis en place par la loi Elan de 2018, il accordera aux communes éligibles les mêmes délais pour candidater et expérimenter afin de leur laisser « un temps suffisant ». Deux années seraient donc laissées pour y postuler et cinq pour l’expérimenter dans les communes volontaires de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de La Réunion et de Mayotte.
Un dispositif qui serait facultatif et « à la main des élus locaux », ceux-ci souhaitant visiblement s’en emparer rapidement dans un contexte de coût élevé des logements. « De nombreuses collectivités nous ont fait savoir qu’elles auraient souhaité expérimenter l’encadrement des loyers. [...] De Mayotte à la Guyane, en passant par la Guadeloupe, l’expérimentation dans les communes volontaires est ardemment souhaitée », a ainsi expliqué, en séance, la sénatrice socialiste de La Réunion, Audrey Bélim, à l’origine de ce texte.
Si elles n’ont pas pu y participer jusque-là, c’est que la liste des communes situées en zone tendue n'incluait aucune commune ultramarine avant son actualisation en août 2023… date à laquelle « les candidatures à l'expérimentation étaient déjà closes ». Les 38 nouvelles communes ultramarines en zone tendue n'ont donc pas pu prendre part au dispositif créé par la loi Elan.
Jusqu’à 10 % plus cher qu’en métropole
Pourtant, « la vie chère en outre-mer n’épargne pas les loyers ». « Ils sont plus élevés dans ces collectivités que dans l’Hexagone et représentent une part significative du budget des ménages, plus encore que dans l’Hexagone, compte tenu du moindre niveau de revenus des ultramarins, [...] même si le poste le plus emblématique reste celui de l’alimentation », a rappelé la rapporteure du texte et sénatrice LR de Saint-Barthélemy, Micheline Jacques, qui a par ailleurs évalué « à 110 000 » le déficit de logements dans les outre-mer.
« Les chiffres sont incontestables : 80 % des foyers ultramarins sont éligibles au logement social », a également fait valoir Audrey Bélim pour justifier le dépôt de son texte, alors que l'écart de coût des loyers entre l'Hexagone et les territoires d'outre-mer peut être élevé.
Il est ainsi « de 3 % en Martinique, de près de 5 % en Guadeloupe et même de quasiment 10 % en Guyane », a appuyé Manuel Valls, rappelant que l’enjeu est « beaucoup plus large » puisque « toutes les réussites de nos politiques publiques sont conditionnées, en grande partie et au préalable, à l’accès au logement ».
Dérogation sur les normes de construction
Alors que le Parlement européen a exempté, l’an passé, les territoires ultramarins de l’obligation du marquage « CE » pour les matériaux de construction, les sénateurs ont décidé de créer des « comités référentiels construction » compétents dans la mise en œuvre de l'exemption de ce marquage.
Ces comités seraient, en outre, chargés de soutenir et d'accompagner l'innovation locale dans le domaine des matériaux de construction et des procédés de construction, tout en définissant des référentiels de construction adaptés aux contraintes climatiques, géographiques et culturelles locales.
« Il y a urgence à disposer de référentiels propres aux outre-mer tant du point de vue des matériaux que des modes de construction. [...] Il faut rompre avec un modèle infantilisant et parfois ubuesque », a lancé Audrey Bélim, citant le cas de Mayotte qui « importe son bois de Lettonie alors qu’il existe des alternatives en Afrique du sud ». « Limitons les importations très coûteuses depuis l’Hexagone ou l’UE à ce qui est strictement indispensable », a ainsi réclamé la sénatrice de La Réunion, pour qui « l'adaptation des normes dans les outre-mer n’est plus une option, mais une nécessité ».
C’est « une priorité de bon sens. Surtout pour en finir avec la vie chère. Il faut en finir avec l'économie de comptoir et le tout importation depuis l'Hexagone, cela nuit au développement de filières locales et renchérit les coûts », a aussi défendu l’ancien Premier ministre de François Hollande.
Celui-ci espère d’ailleurs signer « d’ici cet été » le nouveau plan logement Outre-mer (Plom 3) qui permettra de fixer les priorités « territoire par territoire ». Un troisième plan qui sera sûrement scruté de près alors que Micheline Jacques a pointé « l'échec » des précédents plans, « largement conçus et pilotés depuis Paris ».
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