Situation chaotique à Mayotte, où explose la colère des habitants
Par Franck Lemarc
Depuis deux ans, Mayotte s’enfonce dans la violence et l’insécurité, comme en avaient témoigné avec force les maires de l’île lors du congrès de l’AMF en 2022. Depuis, malgré une opération très médiatisée de démantèlement des bidonvilles et le renforcement des forces de police, la situation ne s’est pas améliorée.
Les raisons de la colère
Depuis le mois de janvier, c’est maintenant la population qui se mobilise directement pour protester contre l’insécurité et dénoncer l’immigration clandestine. Un collectif dénommé « Forces vives » a installé des barrages routiers qui paralysent presque totalement l’île depuis le 22 janvier – barrage qui n’ont été levés provisoirement que le 6 février, pour permettre à la population de participer à une manifestation à Mamoudzou. L’économie de Mayotte est à l’arrêt du fait de ces barrages, le port est bloqué, les chantiers du bâtiment stoppés, les écoles se vident de leurs élèves, du fait de l’impossibilité de circuler. Les magasins et les pharmacies font face à de sérieuses pénuries et même les professionnels de santé sont bloqués sur les barrages.
La situation s’est encore crispée cette semaine, avec des face à face tendus entre habitants et force de l’ordre qui ont fait usage de gaz lacrymogène. Les manifestants ont notamment tenté de pénétrer de force dans le tribunal de Mamoudzou.
La population dénonce pêle-mêle la pauvreté et la différence de traitement entre Mayotte et les autres départements français, mais surtout l’insécurité née de l’activité de gangs de jeunes qui attaquent et rackettent les habitants ; et l’immigration clandestine, en particulier venue d’Afrique. Dans le viseur des manifestants, les titres de séjour « territorialisés » , une exception mahoraise qui exaspère la population : les titres de séjour délivrés à Mayotte par les autorités ne sont valables qu’à Mayotte, ce qui interdit à leurs titulaires de quitter le département.
Ils réclament également le démantèlement du camp de Cavani, qui abrite plusieurs centaines de demandeurs d’asile africains arrivés illégalement.
Interpellé sur ce dernier sujet à l’Assemblée nationale, mercredi, le Premier ministre, Gabriel Attal, a demandé « l’accélération » du démantèlement de ce camp. « Je le dis très clairement et très fermement, je le redis : le démantèlement de ce camp est en cours et sera mené à son terme ».
La situation est tellement tendue sur l’île que, ce matin, La Poste a annoncé la suspension du service de courrier. Tous les envois en provenance ou à destination du 101e département français sont « suspendus dans l’attente d’une amélioration de la situation ».
Les maires de Mayotte appellent à la retenue
L’association des maires de Mayotte a appelé, dans un communiqué du 29 janvier, « toutes les parties à la plus grande retenue » – non seulement la population donc, mais également les forces de l’ordre, rappelant que l’État a su faire preuve d’une telle « retenue » face aux agriculteurs, en métropole : « L’envoi massif des forces de l’ordre pour démanteler les points de blocages n’a fait que renforcer le mouvement et radicaliser les positions. L’État doit, à l’image de la grève des agriculteurs français, comprendre la souffrance des Mahorais. C’est une souffrance légitime. »
Les maires mahorais appellent l’État à « faire pleinement jouer la solidarité nationale » notamment sur la question de l’immigration illégale, rappelant que les communes de l’île « ne sont pas en capacité d’accueillir ces réfugiés ». Ils demandent à l’État de « les répartir dans l’Hexagone en attendant l’examen de leur dossier par l’Ofpra ».
« Soutien » de l’AMF
Dans ce contexte, l’AMF a publié ce matin un communiqué de presse pour « alerter l’État » et apporter « son soutien aux élus et à la population ». David Lisnard, président de l’AMF, estime en effet que « l’État ne peut rester défaillant dans ses domaines régaliens, la sécurité et la politique migratoire. Cela amplifie le sentiment d’impuissance publique et de désespérance chez nos concitoyens. Il faut rompre avec cette spirale sans fin d’insécurité sur l’île de Mayotte ».
L’association regrette que l’opération Wambushu de démantèlement des bidonvilles, si elle a « apporté un apaisement » , n’ait pas été suivie d’effet à long terme : « L’effort s’est relâché » , écrit l’AMF, et la situation s’avère aujourd’hui « proche du chaos ».
L’AMF veut donc « se faire le relais des élus mahorais pour demander à l’État de mener les efforts nécessaires dans la protection des frontières, de déployer plus de présence de toutes les forces de l’ordre sur le terrain et de garantir la sécurité des établissements et des transports scolaires et, enfin, de doter la justice des moyens lui permettant d’affirmer son autorité et faire cesser l’impunité qui règne aujourd’hui. » Il est « urgent » , conclut l’association, que le gouvernement « mette en œuvre les mesures appropriées à la gravité de la situation pour rétablir la sécurité et favoriser le retour au calme, en concertation étroite avec les maires et élus du département ».
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