En Outre-mer, la pauvreté est 5 à 15 fois « plus fréquente » qu'en métropole, selon l'Insee
Par A.W.
La pauvreté est « cinq à quinze fois plus fréquente » en Outre-mer qu'en métropole, d’après une étude de l'Institut national de la statistique (Insee), publiée la semaine dernière, qui a analysé la situation des personnes vivant en logements ordinaires (et non en habitat mobile ou sans domicile) en 2018 dans les quatre départements ultramarins dits « historiques » : la Guadeloupe, la Martinique, La Réunion et la Guyane.
Plus des deux tiers des Guyanais sont pauvres
Ce dernier département a les indicateurs les plus inquiétants puisque près de 70 % des Guyanais sont considérés comme pauvres, c’est-à-dire cumulant faibles revenus et privations de certains biens de première nécessité. Parmi eux, 29,1 % subissent une situation de grande pauvreté* et 40,2 % connaissent une situation de pauvreté*. Seul moins d’un Guyanais sur trois n’est donc pas considéré comme pauvre.
Dans les trois autres départements étudiés, la part des personnes vivant en situation de grande pauvreté est de 10 % en Martinique, de 12 % en Guadeloupe et atteint 14 % à La Réunion… contre 2 % en France métropolitaine. Dans chacun de ces départements, une minorité de personnes n’est pas considérée comme pauvre (moins de 50 % de la population), contre près de 80 % en France métropolitaine.
Au total, près de 18 % des Français en grande pauvreté résident dans ces DOM, alors que ces territoires ne représentent que 3 % de la population française, constate l'Insee.
Une précarité « plus intense » qu’ailleurs
La grande pauvreté est aussi « plus intense » dans les DOM historiques qu'en France métropolitaine, le niveau de vie des personnes dans cette situation étant plus bas, et là encore de manière particulièrement marquée en Guyane.
« En Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, la moitié des personnes vivant en logement ordinaire en situation de grande pauvreté ont un niveau de vie inférieur à 700 euros par mois, soit 1 400 euros de revenu disponible pour un couple avec deux enfants de moins de 14 ans », explique l’Insee, qui précise qu’en métropole, elles « ne sont qu’un quart dans ce cas ». En Guyane, le niveau de vie médian de ces personnes chute à 470 euros par mois, soit moins 1 000 euros de revenu disponible pour un couple avec deux enfants.
En matière de privation matérielle et sociale, près de la moitié des Guyanais en situation de grande pauvreté cumulent plus de 10 privations sur les 13 observées, contre moins d’une personne sur cinq en France métropolitaine et dans les autres DOM historiques.
Familles monoparentales, retraités et personnes seules
Là où les ultramarins et les métropolitains se rejoignent, ce sont sur les catégories de personnes touchées : les familles monoparentales, les ménages dits complexes (foyers regroupant plusieurs familles ou générations) et les personnes seules.
Mais en Outre-mer, la part de ces foyers considérée comme pauvre est bien plus importante. Ainsi, lorsque 32 % et 24 % des familles monoparentales de Guyane et de La Réunion sont en grande pauvreté, elles ne représentent « que » 5 % dans l'Hexagone.
À noter que les enfants sont « un peu plus souvent » en situation de grande pauvreté dans les DOM que l’ensemble de la population : de 12 % en Guadeloupe à 36 % en Guyane. « Ils vivent plus souvent dans une famille monoparentale ou un ménage complexe, contrairement à ceux de France métropolitaine qui vivent très majoritairement dans un ménage composé d’un couple », indiquent les auteurs de l’étude.
« Quel que soit le type de ménage, l’absence d’emploi d’un adulte aggrave fortement la situation », expliquent-t-ils, rappelant que « le chômage et l’inactivité (hors étudiants et retraités) sont très répandus dans les DOM ».
Par ailleurs, les retraités d'Outre-mer sont également davantage en situation de grande pauvreté qu'en métropole. Si 9 % des retraités martiniquais et 15 % des retraités guyanais sont pauvres, Il sont seulement 1 % en métropole.
Des privations de nourriture et de vêtements
La privation matérielle et sociale y est également « de trois à cinq fois » plus fréquente, « y compris pour des besoins fondamentaux comme la nourriture ou l’habillement pour quatre à huit personnes sur dix en situation de grande pauvreté », constate l’Insee.
Dans les foyers ultramarins les plus pauvres, l’impossibilité d’acheter des vêtements neufs touche ainsi six à huit personnes en grande pauvreté dix et la difficulté à pouvoir faire « un repas contenant des protéines » au moins tous les deux jours atteint quatre à cinq personnes sur dix en situation de grande pauvreté.
Cependant, à l’exception de la Guyane, le renoncement à la voiture est, lui, moins fréquent qu’en France métropolitaine. De la même manière, l'impossibilité de disposer à son domicile d'une connexion personnelle à internet par manque de moyens financiers est « l’une des privations les moins fréquentes, voire la moins fréquente en France métropolitaine, à La Réunion et en Martinique ».
*Une personne est en situation de grande pauvreté si elle est à la fois en situation sévère de pauvreté monétaire (niveau de vie inférieur à 50 % du niveau de vie médian français) et de privation matérielle et sociale (au moins sept privations sur 13). La pauvreté, elle, se définit par « une pauvreté monétaire à 60 % du niveau de vie médian et/ou au moins cinq privations matérielles et sociales sur 13, hors grande pauvreté ».
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