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Édition du lundi 5 septembre 2022
Outre-mer

En Guyane, le défi de l'accès à l'école

En Guyane, tous les enfants ne pourront pas être accueillis à l'école lors de la rentrée : dans ce département où un habitant sur trois est en âge d'être scolarisé, la construction de nouveaux établissements peine à suivre la croissance démographique.

Par Guillaume Reuge (AFP)

Ce lundi, 89 000 élèves font leur rentrée dans le premier et le second degré. Mais nombre d'entre eux sont privés d’accès à l’éducation.

Un « phénomène réel mais difficile à traiter sans chiffres précis », analyse le recteur du département, Philippe Dulbecco, « nous sommes en grande difficulté face à lui car nous ne le connaissons pas assez bien ». Selon la Cour des comptes, 10 000 jeunes sont restés aux portes des écoles en 2020 en raison du manque de places dans les établissements et du maillage du territoire.

Au dernier recensement de l’Insee en 2017, plus de 84 000 étrangers étaient présents sur le sol guyanais sur 252 338 habitants, soit le tiers de la population. Aujourd’hui la population est estimée à 300 000 habitants. « Dans les centres urbains, la proportion d’élèves allophones peut atteindre 80% dans certaines écoles », estimait la Cour des comptes. Des élèves qui ont absolument besoin d’être scolarisés pour apprendre le français.

La vitalité démographique guyanaise (le taux de natalité y a atteint 26,4 pour 1 000 habitants, contre 11,1 dans l’Hexagone) a fait grandir sa population de 30 % entre 2009 et 2019. Résultat, le taux de remplissage a dépassé les 100 % « dans la quasi-totalité des établissements », relève Annie Robinson-Chocho, la vice-présidente de la collectivité territoriale de Guyane en charge de l’Éducation.

« Il y a un goulot d’étranglement à l’entrée à l’école. Toutes les mairies ont des listes d’attente », assure Florent Hennion, le secrétaire académique du Snes-FSU. « Mais cette problématique touche aussi le second degré ». En 2019, la Guyane comptait 169 écoles et 44 collèges et lycées publics. Insuffisant pour Florent Hennion, alors que « chaque année 3% d’élèves en plus sont à scolariser »  et 4,7 % dans l’ouest du département.

Communes isolées

« À Saint-Laurent, la plus grande ville du bassin du Maroni, une école élémentaire est construite tous les dix-huit mois. Les collèges n’ont pas le temps d’être nommés et sont appelés par des numéros: collège 1, 2… », raconte-t-il.

Autre problème, « les élèves sont scolarisés là où il y a de la place, pas forcément dans leur secteur défini par la carte scolaire. Sauf qu’il faut des moyens pour prendre le car. Et beaucoup de familles ne les ont pas », explique Pascal Briquet, secrétaire général de l’Unsa.

La situation est encore plus dégradée pour les habitants des communes isolées de l’intérieur du territoire. Passé le premier degré, les élèves doivent quitter leur village pour aller étudier, la plupart du temps sur le littoral. « Les problématiques d’éloignement de la cellule familiale, de transport, d’hébergement, de restauration, de rupture territoriale contribuent largement au décrochage scolaire », reconnaît Annie Robinson-Chocho. « La création de nouveaux établissements dans les communes éloignées, comme la cité scolaire de Saint-Georges, nous permettra de réduire ce phénomène », ajoute-t-elle. 

Prévue pour cette rentrée, l’ouverture du collège-lycée dans cette commune de l’est de la Guyane a été repoussée à 2023. 

Quatre lycées et trois collèges sont également en cours de construction en Guyane. D’ici 2025, 5 320 places vont être créées dans le second degré, prévoit la collectivité territoriale, pour un investissement de 470 millions d’euros.  

Issues en partie des engagements gravés dans l’Accord de Guyane signé après les mouvements sociaux de mars-avril 2017, ces projets tardent toutefois à sortir de terre. 

« Ces établissements seront déjà trop petits à peine ouverts. Nous sommes déjà en train de perdre la course contre la démographie », s’alarme Florent Hennion. « En attendant, on fait du provisoire, on pousse les murs », renchérit Pascal Briquet.

Rien que pour la rentrée 2022, « 40 classes supplémentaires ont été ouvertes durant l’été dans le second degré, soit plus de 500 places », indique le recteur Philippe Dulbecco. Grâce à la transformation d’un bâtiment en lycée et la location de préfabriqués de chantier.

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