Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 17 mai 2024
Outre-mer

Ce que les élus mahorais attendent de leur rencontre avec le chef de l'État

Une délégation d'élus mahorais va rencontrer aujourd'hui le président de la République et se faire présenter deux projets de loi relatifs à Mayotte, dont un texte constitutionnel. Madi Madi Souf, maire de Pamandzi et président de l'association des maires de Mayotte, a expliqué à Maire info ce que les élus attendaient de cette réunion.

Par Franck Lemarc

Vous dénoncez depuis deux ans une situation sécuritaire catastrophique à Mayotte, et il y deux mois, une partie de la population était dans la rue pour protester contre cette situation. Les choses se sont-elles améliorées ?

Oui. La situation sécuritaire s’est améliorée. Depuis notre mobilisation de 2022 avec l’aide de l’AMF, le gouvernement a fait des annonces fortes, un nouveau préfet a été envoyé qui est constamment sur le terrain, et l’État est peu à peu en train de reprendre la main. Des arrestations ont eu lieu. Il y a encore quelques caillassages mais ce n’est heureusement plus la situation que nous avons connue. 

Pour autant les problèmes demeurent, notamment sur le plan de l’eau, sur le plan sanitaire, avec l’apparition récente de cas de choléra ?

Oui, les crises sont multiples à Mayotte : sécurité, eau, et en effet la santé, avec non seulement le choléra mais aussi le retour de la dengue. Ces maladies avaient totalement disparu de l’île depuis les années 1960. Elles sont aujourd’hui importées et sont le résultat de cette immigration incontrôlée, immense. Et les clandestins vivant dans des conditions insalubres, dans des bidonvilles, sans eau courante, cela ne fait qu’aggraver la situation.

La situation sanitaire à Mayotte est catastrophique, en grande partie à cause du manque de personnel médical. C’est, encore une fois, lié à l’insécurité : les médecins et les autres personnels médicaux ne restent pas à Mayotte, ils s’en vont dès qu’ils le peuvent. Résultat, toutes les structures manquent de personnel. C’est ainsi que la maternité du sud a dû fermer, par manque de personnel, après celle du nord. Tout est aujourd’hui concentré sur la dernière maternité, située à Mamoudzou. 

Comme a pu le constater David Lisnard en passant devant l’hôpital lorsqu'il est venu à notre rencontre les 28 et 29 avril dernier, on voit une foule qui fait la queue, en permanence. Si l’on veut une consultation dans un hôpital de Mayotte, il faut se lever à 4 heures du matin et attendre longtemps. 

C’est une autre conséquence de l’immigration clandestine. Les étrangers viennent à Mayotte en particulier pour bénéficier de notre système de santé. 

Vous estimez que la plupart des problèmes sont donc le résultat de l’immigration clandestine ?

À Mayotte, tout est lié à l’immigration. Dans les écoles, 40 % des enfants inscrits sont étrangers. Dans les prisons, 80 % des détenus sont étrangers. Et sur les 12 000 naissances que nous avons chaque année, 80 % concernent des étrangères en situation irrégulière. L’immigration engendre une pression sur le territoire par exemple en dehors des périodes de sécheresse la ressource en eau n’est déjà pas suffisante pour l’ensemble des habitants. L’accueil des populations dans des conditions décentes est donc très difficile et le développement de l’ile est gelé. Il est nécessaire de sécuriser l’Ile pour avancer sur les sujets de développement pour répondre aux besoins de la population.

Il y a bien sûr l’immigration des Comores toutes proches, avec tous les jours des bateaux qui arrivent avec 10, 20, 50 personnes. Le gouvernement avait promis de mettre en place un « rideau de fer »  autour de l’île, mais cela tarde à se mettre en place. 

Mais maintenant, il y a en plus une immigration venue d’Afrique de l’Est et de la région des Grands lacs. Ces personnes demandent immédiatement l’asile, ce qui les rend inexpulsables pendant l’instruction de leur dossier. Et comme il n’y a pas d’OFRPA sur place, cela peut prendre des mois, parfois des années. Alors que les Comoriens sont souvent hébergés par leur famille, les personnes venues d’Afrique n’ont nulle part où aller, elles squattent des équipements publics ou vivent dans la rue, le long des routes, dans des conditions indignes. 

Qu’attendez-vous des deux projets de loi qui vont vous être présentés demain ? Il s’agit bien d’un projet de loi ordinaire sur Mayotte, et d’un projet de loi constitutionnel sur la question du droit du sol ?

Oui, en effet. Je rappelle qu’il y a deux ans, un premier projet de loi Mayotte nous avait été présenté, mais que nous l’avions rejeté, car il ne répondait pas à nos attentes, sur le plan social notamment. Aujourd’hui, nous ne savons pas ce que contiennent les textes qui nous serons présentés vendredi par le chef de l’État. Mais nos attentes sont claires. D’abord, le gouvernement a promis de revenir sur le titre de séjour territorialisé. Il s’agit d’une exception mahoraise qui fait que quand une personne obtient un titre de séjour chez nous, ce titre n’est valable qu’à Mayotte ! Autrement dit, elle ne peut pas quitter l’île pour aller à La Réunion ou en métropole. Elle ne peut pas être expulsée, puisqu’elle est en règle, et elle est obligée de rester dans l’île. Ce n’est plus possible. 

L’autre grand sujet est la question du droit du sol. Le gouvernement a annoncé qu’il allait supprimer le droit du sol à Mayotte, ce qui suppose une révision de la Constitution. Nous savons qu’une grande partie notamment des femmes qui viennent accoucher à Mayotte le font parce que si l’enfant naît à Mayotte, il prend automatiquement la nationalité française. C’est pourquoi nous demandons une exception au droit du sol à Mayotte.

Je sais qu’il y a des réticences en métropole, chez certains, sur ce sujet, car ils craignent que cela crée un précédent et que d’autres disent que si le droit du sol a été supprimé à Mayotte, il peut l’être ailleurs. Ce sera compliqué, d’autant qu’il faudra réunir une majorité des trois cinquièmes du Congrès [Assemblée nationale et Sénat réunis à Versailles]. 

Mais nous allons déjà voir demain ce que le chef de l’État va nous dire. Les textes vont nous être présentés, et nous aurons un mois pour les amender, éventuellement, et les valider ou non, avant toute discussion au Parlement. 

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2