Maire-info
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Édition du lundi 13 février 2023
Urbanisme

Opposition de l'ABF : les modalités de recours prévues par le Code du patrimoine sont constitutionnelles

Par une décision du 27 janvier dernier, les Sages ont jugé conformes à la Constitution les dispositions législatives du Code du patrimoine relatives au recours contre l'avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France. 

Par Caroline Reinhart

Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dans le cadre d’un contentieux opposant un pétitionnaire à la commune de Megève, le Conseil constitutionnel vient de valider la rédaction des dispositions législatives du Code du patrimoine soumettant à l’accord de l’architecte des Bâtiments de France (ABF) les travaux situés dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable ou aux abords de monuments historiques. Le pétitionnaire a dans ce cas besoin de deux autorisations : l’une au titre du Code du patrimoine, l’autre au titre du Code de l’urbanisme. 

Étaient plus précisément en cause les paragraphes I et III de l’article L. 632-2 du Code dans sa rédaction issue de la loi Élan du 23 novembre 2018. Ces dispositions prévoient notamment que l’ABF « s’assure du respect de l’intérêt public attaché au patrimoine, à l’architecture, au paysage naturel ou urbain, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant », mais aussi « du respect des règles du plan de sauvegarde et de mise en valeur ou du plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine. ». Le texte prévoit également que « tout avis défavorable de l’ABF (…) comporte une mention informative sur les possibilités de recours à son encontre et sur les modalités de ce recours ». Il indique par ailleurs qu’un recours contre l’avis de l’ABF « peut être exercé par le demandeur à l’occasion du refus d’autorisation de travaux ».
À l’appui de son recours devant les Sages, un particulier faisait valoir une forme « d’incompétence négative »  du législateur, n’ayant pas précisé « si le recours administratif prévu contre l’avis négatif de l’ABF doit obligatoirement être exercé préalablement au recours contentieux contre le refus d’autorisation d’urbanisme faisant suite à cet avis ».
Un vide « de nature à affecter le droit à un recours juridictionnel effectif », et méconnaissant « l’objectif à valeur constitutionnelle d’intelligibilité et de clarté de la loi »  selon le requérant.

Pas d’entorse au droit à un recours effectif 

La question du requérant était donc de savoir si ce recours contre l’avis négatif de l’ABF devait être exercé avant le recours contre le refus de permis de construire, ou s’il pouvait être introduit indépendamment. Or depuis l’avis du Conseil d’État du 30 juin 2020, « SARL Château d’Épinay » , la jurisprudence est établie : « Un pétitionnaire n’est pas recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision de refus de permis de construire faisant suite à un avis négatif de l’ABF sur cette demande de permis, s’il n’a pas, préalablement, saisi le préfet de région d’une contestation de cet avis (…) ». 

Dans leur décision du 27 janvier, les Sages de la rue de Montpensier rappellent, en premier lieu, le périmètre du recours en QPC : « La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l’appui d’une QPC que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit ». Or, citant les articles 34 et 37 de la Constitution, fixant le domaine de la loi et celui du règlement, le Conseil indique que « les dispositions de la procédure à suivre devant les juridictions administratives relèvent de la compétence réglementaire dès lors qu’elles ne mettent pas en cause les règles ou les principes fondamentaux placés par la Constitution dans le domaine de la loi. ». Ainsi, estiment les Sages, les dispositions contestées, « relatives à la procédure administrative, ne mettent pas en cause l’exercice, par les administrés, du droit d’agir en justice ». Par conséquent, « en ne déterminant pas lui-même les conséquences de l’absence d’exercice de ce recours administratif sur la recevabilité d’un recours contentieux, le législateur n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence ». 

Ce faisant, le Conseil constitutionnel valide implicitement la défense de la commune de Megève, ayant fait valoir, à l’audience, le problème juridique sous-tendant ce recours en QPC, « dirigé non pas contre les dispositions législatives du Code du patrimoine, mais contre les dispositions réglementaires du Code de l’urbanisme, en particulier l’article R 424-14 qui précise les modalités de recours du demandeur contre l’avis de l’ABF. »  Cette procédure prévoit que lorsque l’accord de l’ABF est requis, son avis lie la commune compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme. Le maire ou le ministre peut faire un recours contre le refus de l’ABF. Mais la commune n’a pas à rappeler les règles de recours contre la décision de l’ABF puisqu’elle n’est pas de son ressort. C’est donc au pétitionnaire de faire le recours administratif contre le refus de l’ABF avant son recours contre le refus de permis, a fait valoir le conseil de la commune de Megève devant les Sages. Qui concluent leur décision par ces mots : « Au demeurant, l’exigence d’un recours administratif préalable, à peine d’irrecevabilité d’un recours contentieux, ne méconnaît pas le droit à un recours effectif ». 

Décision n° 2022-1032 QPC du 27 janvier 2023.

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