Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 11 mai 2015
Outre-mer

Octroi de mer : vote du projet de loi de réforme au Sénat

C’est l’un des plus vieux impôts du pays : créé en 1670 – sous Louis XIV – l’octroi de mer est en train d’être réformé par le gouvernement, sous la pression de l’Europe. Le projet de loi portant réforme de l’octroi de mer a été adopté jeudi dernier au Sénat, augmentant notamment le nombre d’entreprises qui y sont soumises.
L’octroi de mer est une taxe destinée à financer les collectivités d’Outre-mer : tous les produits importés qui entrent en Martinique, en Guadeloupe, à Mayotte, à La Réunion et en Guyane sont taxés ; et la taxe est également acquittée par les entreprises locales, ou du moins, jusqu’à présent, celles qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 550 000 euros par an – mais à un taux moindre, le différentiel d’octroi de mer entre marchandises importées et marchandises produites localement étant censé favoriser l’emploi local. De plus, de nombreuses possibilités d’exonérations existent, ce qui permet de créer un effet de distorsion et de favoriser certaines entreprises ou secteurs : une entreprise exonérée de l’octroi de mer sera plus compétitive qu’une autre et donc favorisée.
Le produit de l’octroi de mer est entièrement perçu par les collectivités locales, et représente environ 1,2 milliard d’euros par an. Pour certaines communes ultramarines, il peut constituer 40 % à 45 % de leur budget annuel.
Si cette taxe paraît aujourd’hui indispensable aux collectivités locales, elle n’est pas toujours bien perçue par les consommateurs ultramarins puisqu’elle a pour effet de surenchérir mécaniquement les très nombreux produits importés indispensable à la consommation quotidienne.
La nécessité de réformer l’octroi de mer est imposée par l’Union européenne qui a même, pendant un temps, fait planer la menace de le supprimer. En effet, la différence de taux d’imposition entre marchandises importées et produites localement est assimilable à une aide d’État. Néanmoins, au fil des négociations menées par le ministère des Outre-mer, la Commission a accepté de que le dispositif soit prolongé jusqu’en 2020. Mais le seuil imposant aux entreprises de payer l’octroi de mer va être modifié : il passerait de 550 000 euros à 300 000 euros de chiffre d’affaires annuel.
Le projet de loi adopté au Sénat prévoit également de nouvelles exonérations, notamment sur les carburants.
Il ne règle pas, en revanche, plusieurs problèmes dénoncés de façon récurrente depuis des années par certaines collectivités, notamment la Guyane. En effet, dans les échanges entre les Antilles et la Guyane, cette dernière est largement défavorisée, parce que le taux de l’octroi de mer y ait supérieur. Et le principe de l’octroi de mer étant que la taxe est versée à la collectivité qui accueille la production et non à celle qui accueille la livraison, « la Guyane ne peut pas taxer sur son territoire les produits importés des Antilles », comme l’a souligné au Sénat sénateur-maire de Mana en Guyane, Georges Patient. Résultat : « Les consommateurs guyanais payent pour les collectivités antillaises ! » 
Les maires de Guyane sont par ailleurs en lutte ouverte contre l’État sur la question du reversement du produit de l’octroi de mer : comme l’a répété Georges Patient au Sénat, les communes guyanaises sont « lésées »  de 35 % de ce produit, de façon « illégale et discriminatoire ». Ce sont 22 millions d’euros par an que le gouvernement verse au conseil départemental alors qu’ils devraient revenir aux communes. Tout récemment – le 2 mai dernier – l’association des maires de Guyane et les 22 communes de la région ont décidé d’attaquer l’État en justice si le problème n’est pas réglé.
Georges Patient a été l’auteur, en 2014, d’un rapport sur la fiscalité locale dans les Dom-Com. Il y réclamait notamment la révision du dispositif de péréquation pour les collectivités ultramarines et demandait que les élus ultramarins soient mieux représentés dans les instances nationales de gestion de finances locales. Il abordait dans ce rapport, déjà, la question de la distribution du produit de l’octroi de mer en Guyane.
F.L.
Accéder au texte adopté par le Sénat.


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