Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du lundi 8 avril 2024
Énergies renouvelables

Observatoire sur les impacts des éoliennes : une initiative intéressante, mais sans moyens dédiés

Conformément à la loi relative à l'accélération de la production des énergies renouvelables, le gouvernement a acté ce week-end la création d'un « observatoire des énergies renouvelables et de la biodiversité », chargé d'étudier, notamment, les « incidences » de l'installation des éoliennes. 

Par Franck Lemarc

La loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production des énergies renouvelables prévoyait, à l’article 20, la création d’un « observatoire des énergies renouvelables et de la diversité », un an « au plus tard »  après promulgation de la loi. C’est donc avec un petit mois de retard sur le calendrier que la création de cet observatoire a été actée par décret, au Journal officiel d’hier. 

Aider les porteurs de projet

Lors des débats sur ce texte, plusieurs amendements ont été adoptés pour aller vers la création de cet observatoire, la mesure ne figurant pas dans le texte initial. Le gouvernement s’y est d’ailleurs rallié, puisqu’il a fini par déposer lui-même un amendement dans ce sens. 

Les auteurs de ces différents amendements ont mis en avant le manque de connaissances scientifiques sur les impacts des installations de production d’énergie renouvelable (notamment les éoliennes) sur la biodiversité. Comme l’a par exemple souligné le député écologiste Charles Fournier, « actuellement, les données scientifiques sur l'impact des filières d'énergie renouvelable terrestres sont incomplètes : l'acquisition de connaissances quant aux enjeux de biodiversité n’est pas organisée pour toutes les filières terrestres (pas de remontée systématique des données, données hétérogènes faute de protocole, pas de valorisation scientifique, pas de valorisation sous formes de retours d’expérience). »  La création d’un tel observatoire, poursuit le député, permettrait « de disposer d’une connaissance fine des impacts des ENR sur la biodiversité, de constituer des retours d’expérience solides et de préparer l’évaluation de l’impact des projets ». Elle serait donc fort utile aux collectivités, notamment, en leur permettant « de disposer d’une connaissance scientifique et technique qui puisse alimenter les réflexions de planification cohérentes pour progresser dans l’élaboration des projets ». 

L’amendement déposé par le député Fournier était plus précis que celui qui a été finalement adopté : il prévoyait, d’une part, d’associer les associations d’élus à cet observatoire, ce qui paraît de bon sens. Il listait également de façon assez précise les missions du futur observatoire : identifier les potentiels d’implantation des projets d’EnR, « suivre et évaluer la cohérence des projets de développement des énergies renouvelables avec les objectifs fixés dans la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie et la stratégie nationale bas carbone », « identifier et prévenir les impacts de la mise en œuvre des projets de production et de consommation d’énergies renouvelables sur la biodiversité, sur les espaces naturels et sur la santé des populations », mettre à disposition du public les données collectées, « fournir un appui dans la prise de décision et la mise en œuvre des politiques publiques des collectivités ». 

Dans un autre amendement demandant, lui aussi, la création d’un tel observatoire, les députés LFI notaient que, faute de connaissances scientifiques solides sur les impacts de ces installations, « les Dreal en charge d’instruire les dossiers ne sont pas en mesure d’évaluer la pertinence des mesures de suivi, de contrôler leur mise en place, ni de procéder à une compilation des données. Or ces informations sont nécessaires pour abonder par exemple aux réflexions des Comités régionaux de l’énergie, des révisions des Sraddet, et notamment aux réflexions qui mèneront aux modifications des SCoT et PLU(i) et contribuer au bon pilotage des filières énergies renouvelables. (…) Disposer de telles informations permettra aux porteurs de projets de bien mieux calibrer leurs projets, ce qui accéléra efficacement les procédures par la suite et évitera des oppositions ».

Un observatoire, mais pas de moyens

Finalement, c’est un amendement plus concis, moins précis, qui a été adopté, présenté dans les mêmes termes par le gouvernement et le groupe écologiste : cet amendement donne pour mission au futur observatoire de « réaliser un état des lieux de la connaissance des impacts des énergies renouvelables sur la biodiversité, les sols et les paysages, des moyens d’évaluation de ces impacts et des moyens d’amélioration de cette connaissance ».  Il prévoit également que les « missions »  et « modes d’organisation »  de cet observatoire soient définis par décret.

C’est ce décret qui est paru hier. Il précise que l’observatoire est chargé de « la synthèse des connaissances disponibles au travers des études et données existantes sur les incidences des énergies renouvelables terrestres sur la biodiversité, les sols et les paysages ainsi que sur l'efficacité des dispositifs d'évitement, de réduction, ou de compensation accompagnant le développement des énergies renouvelables », ainsi que de la diffusion « auprès du public et des parties prenantes »  de ces données. L’observatoire « peut également réaliser ou solliciter la réalisation, de manière ponctuelle et ciblée, des études et expertises spécifiques sur des sujets d'intérêt, en lien avec ses missions ».

Cet observatoire est mis en œuvre « conjointement »  par l’OFB (Observatoire français de la biodiversité) et l’Ademe, et co-présidé par les ministres chargés de l’énergie et de l’environnement. 

Et c’est tout. Le décret ne mentionne pas les collectivités ni leur participation à cet observatoire. Et, surtout, il ne dit pas un mot des moyens qui seront alloués à cette nouvelle structure pour une mission pourtant essentielle – ce qui laisse à penser qu’il n’y en aura pas. 

Voilà qui semble malheureusement aller dans le sens des craintes émises par certains députés pendant les débats. Clémence Guetté, par exemple, du groupe LFI, avait demandé à la ministre chargée de la Transition énergétique « d’en dire plus sur les moyens consacrés à l’observatoire ». Car, ajoutait-elle, « si l’on ne veut pas créer des instances supplémentaires qui soient des coquilles vides, des moyens humains et financiers sont nécessaires. Sinon les belles missions que nous leur attribuons resteront lettre morte ». 

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2