Obligation vaccinale : ce que contient l'avant-projet de loi du gouvernement
Par Franck Lemarc
Ce sont des annonces particulièrement clivantes qui ont été faites par Emmanuel Macron lundi (lire Maire info du mardi 13 juillet) : une partie de l’opinion et l’essentiel de la classe politique les applaudit des deux mains, tandis que d’autres y voient une grave atteinte aux libertés : hier, près de 20 000 personnes ont manifesté, dans différentes villes du pays, contre les mesures annoncées.
L’avant-projet de loi envoyé par le gouvernement au Conseil d’État – qui devrait être présenté dès lundi en Conseil des ministres – reprend la quasi-totalité des annonces du chef de l’État. Sauf une : la fin de la gratuité des tests PCR sans ordonnance à partir de l’automne, à ce stade, ne figure pas dans le texte. À l’inverse, une mesure figure dans le texte sans avoir été annoncée par le chef de l’État : l’isolement forcé des personnes contaminées.
Pass sanitaire
Assez logiquement, le gouvernement a choisi comme vecteur de ses mesures la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de la crise sanitaire – autrement dit, le texte qui a organisé la fin de l’état d’urgence. Ce texte, on s’en souvient, prévoyait une « période de transition » courant jusqu’au 30 septembre prochain, pendant laquelle il reste loisible au Premier ministre de prendre des mesures de restriction de circulation ou d’ouverture des établissements recevant du public.
Premier point de l’avant-projet de loi : cette période transitoire serait prolongée jusqu’au 31 décembre 2021.
Les prérogatives du Premier ministre, pendant cette période, sont largement étendues : il lui deviendrait possible d’exiger la présentation du pass sanitaire pour « les déplacements de longue distance par transport public au sein du territoire hexagonal » ; ainsi que pour l’accès « aux activités de loisirs, de restauration, de débit de boisson, les foires et les salons professionnels, les services et établissements accueillant des personnes vulnérables, les grands établissements et centres commerciaux ».
Il est à noter le caractère volontairement imprécis de ces formulations : « déplacements de longue distance », cela commence à combien de kilomètres ? « Grands établissements », qu’est-ce que cela signifie ? L’idée du gouvernement est d’ouvrir la possibilité légale pour le Premier ministre de prendre un décret, lequel donnera des précisions au cas par cas sur les situations concernées (kilométrage des déplacements, surface des « centres commerciaux », etc.)
L’avant-projet de loi autorise également le Premier ministre à imposer le pass sanitaire « aux personnes intervenant dans les services de transport, lieux, établissements et événements concernés ». Ce qui va potentiellement toucher des centaines de milliers de salariés : employés de la restauration et des bars, des centres commerciaux, de la SNCF, d’un grand nombre d’établissements recevant du public, etc. Attention, il n’est pas question ici de vaccination obligatoire mais de pass sanitaire : autrement dit, une personne non vaccinée serait en droit de présenter, toutes les 48 h, le résultat d’un test négatif. Ce qui paraît contraignant mais supportable financièrement… tant que le test reste gratuit.
Le texte est très clair en revanche sur les sanctions encourues par les salariés qui ne respecteraient pas ces obligations : en cas de non-présentation du pass sanitaire, les salariés concernés « ne peuvent plus exercer leur activité » – autrement dit, ils sont automatiquement mis à pied. Le ministre de la Santé et la ministre du Travail ont indiqué que cette mise à pied serait sans solde, mais cela ne figure pas dans le texte. Si au bout de deux mois, le salarié est toujours mis à pied pour non présentation de son pass sanitaire, cela « justifie son licenciement ».
Pour les usagers, le fait de prendre un moyen de transport ou de se rendre dans un établissement concerné par ces mesures sans pass sanitaire serait puni d’une amende de 135 euros.
Quant aux exploitants d’établissements ou aux gestionnaires de services de transport, le gouvernement souhaite faire en sorte de leur passer toute envie de ne pas procéder aux contrôles : une telle attitude serait punie d’un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
État d’urgence
Conformément aux annonces d’Emmanuel Macron, l’état d’urgence sanitaire a été instauré mardi, par décret, en Martinique et La Réunion. L’avant-projet de loi proroge directement cet état d’urgence jusqu’au 30 septembre. Les conditions en sont décidées par les préfets : en Martinique, le couvre-feu a été instauré de 21 h à 5 h du matin ; à La Réunion, de 23 h à 5 h.
Isolement
L’avant-projet de loi prévoit la possibilité de « placer et maintenir en isolement » les personnes ayant fait l’objet d’un test positif. Les personnes seraient isolées à leur domicile (« lieu d’hébergement déclaré lors de l’examen » ), avec interdiction de sortie sauf en 10 h et midi. Le texte prévoit que le préfet pourra prendre des mesures particulières pour les personnes susceptibles de risquer des violences conjugales.
Vaccination obligatoire des soignants
Enfin, l’article 5 de l’avant-projet de loi impose la vaccination (et non la seule présentation d’un pass sanitaire) à un certain nombre de professionnels : ceux des établissements de santé (privés et publics), des centres de santé, des maisons de santé ; des centres et équipes mobiles de soins ; des services de la médecine scolaire et de la médecine du travail ; des établissements et services médico-sociaux (dont les Ehpad et établissements accueillant des personnes handicapées) ; les professionnels de santé libéraux ; les aides à domicile ; les sapeurs-pompiers et ambulanciers.
Seules seront exemptées de cette obligation de présenter un certificat de vaccination complète les personnes pouvant justifier, par certificat médical, « d’une contre-indication à la vaccination ».
Les choses devraient se passer en deux temps : entre la publication de la loi (début août) et le 15 septembre, les personnes concernées devront présenter les résultats d’un test virologique négatif pour pouvoir travailler ; à partir du 15 septembre, il faudra présenter un certificat de vaccination complète (c’est-à-dire, rappelons-le, injection des deux doses plus 14 jours). Faute de quoi, une « interdiction de travailler » sera prononcée par l’employeur, l’assurance maladie ou l’ARS de rattachement ; puis au bout de deux mois, le licenciement.
Il faut maintenant attendre l’avis du Conseil d’État sur ce texte avant sa présentation en Conseil des ministres, puis le débat parlementaire qui débutera en commission, à l’Assemblée nationale, mardi prochain, puis en séance publique dès le lendemain. L'avant-projet de loi sera également examiné « en extrême urgence » par le Conseil national d'évaluation des normes avant demain 16 heures.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2