L'impact environnemental du numérique de plus en plus important en France
Par Lucile Bonnin
Alors qu’en 2020 le numérique représentait 2,5 % de l’empreinte carbone nationale, deux ans plus tard, selon les nouveaux chiffres de l’Ademe, cette part atteint 4,4 % soit 29,5 millions de tonnes en équivalent CO2 émises. Rappelons que la principale source d'émissions de gaz à effet de serre en France est le transport et que, à titre de comparaison, le secteur aérien représente 4 % des émissions de gaz à effet de serre des transports intérieurs.
L’empreinte environnementale du numérique est indéniablement forte et risque d’augmenter au fur et à mesure des années. Une évaluation prospective de l'impact environnemental du numérique en France à horizon 2030 et 2050 a été remise au gouvernement en 2023 par l’Arcep et l’Ademe, qui alertaient sur le risque d’une croissance exponentielle. « Si rien n’est fait pour réduire l’empreinte environnementale du numérique et que les usages continuent de progresser au rythme actuel », l’empreinte carbone du numérique en France augmenterait d’environ 45 % en 2030 et de 187 % en 2050.
Fabrication des équipements et data centers
Dans le détail, ce sont avant tout la fabrication des équipements numériques et le fonctionnement des terminaux (téléviseurs, ordinateurs, smartphones…) qui émettent le plus gaz à effet de serre. Selon l’Ademe, en 2022, c’est 17,8 millions de tonnes en équivalent CO2 émises en 2022 et 117 Mt/an de ressources mobilisées pour produire ces équipements : métaux, minerais, plastiques, eau, terres excavées, etc.
Par ailleurs, 46 % de l’empreinte carbone du numérique sont causés par les data centers (centre de données) ce qui est donc directement « lié à l’utilisation des services numériques (moteurs de recherche, clouds, vidéos à la demande, réseaux sociaux, IA…). » Cette part est en augmentation de 16 % par rapport à 2020, ce qui s’explique par le fait qu'« à l’époque, seuls les data centers implantés en France avaient été pris en compte » et « de nouveaux centres de données ont été mis en service entre les deux études. » L’Ademe précise que ces données datant de 2022, elles « ne reflètent pas encore la montée en puissance de l’IA générative. » La délégation à la prospective du Sénat mène actuellement des travaux sur le sujet et un rapport thématique sur l’IA et l’environnement devrait être publié courant 2025.
Les nouveaux chiffres de l’Ademe montrent enfin la recrudescence de la consommation en contenus audiovisuels en France (TV linéaire, streamings audio et vidéo à la demande) : 6 millions de tonnes en équivalent CO2 émises par la consommation de contenus audiovisuels en France en 2022, « soit autant que les émissions de 4 041 073 véhicules par an. » Si la tendance actuelle se confirme, c’est-à-dire moins d'usage de la télévison en direct et davantange de vidéos à la demande, ces chiffres pourraient augmenter de 29 % en 2030.
Les leviers d’action
En même temps que cette mise à jour, l’Ademe préconise, dans un avis publié en ce début d’année, « un développement plus responsable de ce secteur. » Un des leviers d’action est de promouvoir la « sobriété numérique » notamment en « prolongeant la durée de vie des appareils » et en résistant « aux sirènes de la nouveauté ». Du côté des fabricants notamment, il est précisé dans l’avis qu’un travail est à mener sur l’obsolescence : « Plutôt que de mettre chaque année de nouveaux modèles sur le marché, les marques devraient accompagner la montée en puissance du reconditionnement industriel, en améliorant la réparabilité de leurs produits. L’écoconception devrait, par ailleurs, contribuer à la fabrication d’appareils plus fiables, avec de meilleures performances énergétiques, et plus faciles à recycler. »
Cependant, les auteurs de l’avis précisent que « l’écoconception et l’allongement de la durée de vie des appareils ne suffiront pas à compenser notre consommation effrénée de services numériques. » Ainsi, l’Ademe indique qu’il est essentiel de prioriser les usages. « Certains sont des opportunités pour l’écologie : ils aident, par exemple, une collectivité à mieux gérer son éclairage, une industrie à faire de la maintenance préventive et un agriculteur à optimiser son arrosage. En revanche, il y a de fausses bonnes idées, susceptibles de retarder les efforts nécessaires à la transition écologique. Ainsi, dans l’industrie, ce n’est pas un nouvel outil de pilotage énergétique qui va réduire le bilan carbone d’une usine, si rien n’est fait pour en isoler les conduits de vapeur ou électrifier les chaînes de production. »
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