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Édition du mercredi 17 mars 2021
Numérique

Service universel : l'Arcep en appelle à « une politique globale de soutien à l'inclusion numérique »

Créé historiquement pour fournir un raccordement au réseau téléphonique et une offre de service téléphonique, le service universel doit être étendu à l'accès haut débit à internet, après l'entrée en vigueur de la transposition du nouveau Code européen des communications électroniques. Cette extension ne suffira pas pour résorber la fracture numérique, prévient l'Arcep.

« D’ici 2025, on veut faire en sorte que la fibre soit un bien vital auquel tout le monde ait accès »  au même titre « que le téléphone, l’eau, le gaz et l’électricité », appelait de ses vœux, dimanche sur Public Sénat, le secrétaire d’État à la Transition numérique et aux Communications électroniques, Cédric O. Depuis la loi Ddadue du 3 décembre 2020, qui a transposé le service universel dans le droit français, son périmètre doit, en effet, être étendu à l’accès haut débit à internet. « Trop de personnes demeurent aujourd’hui déconnectées », déplore le texte européen. 
Consultée par le gouvernement sur la stratégie de déploiement de cette nouvelle branche du service universel, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) a rendu public, hier, son avis daté du 1er décembre 2020. Rédigé avant l'adoption de la loi Ddadue, cet avis fait exclusivement référence à la directive de 2018 établissant le Code des communications électroniques européen.

Dissocier les prestations téléphonie fixe et haut débit ?

Alors que les périodes de confinement ont exacerbé la fracture numérique en France, la directive impose notamment aux États membres de « veill[er] à ce que tous les consommateurs sur leur territoire aient accès, à un tarif abordable, compte tenu des circonstances nationales spécifiques, à un service d’accès adéquat à l’internet haut débit disponible et à des services de communications vocales à un niveau de qualité spécifié sur le territoire, y compris au raccordement sous-jacent, en position déterminée ». 
« Le Code européen laisse le soin aux États membres de déterminer l’approche la plus efficace et la plus adaptée pour assurer la disponibilité d’un service d’accès adéquat », précise l’Arcep. Parmi ces approches, les États membres peuvent « désigner un ou plusieurs opérateurs chargés de fournir le service universel, après un appel à candidatures lancé sur la base d’un cahier des charges ».
La mission de service universel d’Orange, pour rappel, s’est achevée le 3 décembre 2020. « L’urgence actuelle est de répondre aux besoins ressentis et exprimés sur le terrain et de sécuriser les populations tributaires du cuivre. Le fait de confier au même prestataire les prestations raccordement et service téléphonique du paquet téléphonie fixe a induit une confusion sur ses obligations et ses manquements. L’extension du service universel à l’internet haut débit ainsi que sa territorialisation doivent fournir l’occasion de séparer ces deux prestations, selon la députée Célia de Lavergne (Drôme, La République en marche). Auteure du rapport pour un service universel qui porte son nom, effectif sur tous les territoires, publié le 10 février, la députée propose, en effet, de « dissocier la téléphonie fixe d’un côté, et le haut débit internet de l’autre, en procédant rapidement à la désignation d’un opérateur pour le service de téléphonie fixe. » 

Quel débit ?

L’article 84, paragraphe 3 du Code européen précise, par ailleurs, que les États membres doivent définir un service adéquat « capable de fournir le débit nécessaire pour prendre en charge au moins l’ensemble minimal des services essentiels ». Encore faut-il fixer ce débit nécessaire. La France étant « bien engagée pour apporter massivement des débits élevés dans les territoires », dixit l’ancien président de l’Arcep, Sébastien Soriano, le gendarme des télécoms recommande au gouvernement de fixer dans « un premier temps » « un débit descendant de 8 Mbit/s ». Dans le « futur », il pourrait « être revu à la hausse par le gouvernement, pour être fixé à 30 Mbit/s puis, le cas échéant, à 100 Mbit/s ». La France n'a pas encore tranché, nous sommes dans l'attente de la publication des décrets d'application de la loi Ddadue.
S’agissant de la qualité de service, « il conviendrait que la définition du service adéquat comporte un volet qualité de service pour l’accès à internet mais aussi pour le service téléphonique », plaide l’Arcep. « Si le raccordement à la fibre doit continuer d’être préféré en règle générale, insiste, de son côté, Célia de Lavergne, les améliorations des solutions alternatives peuvent rendre acceptable de proposer, au moins durant la période que prend une action plus structurelle, le recours à l’installation d’un boîtier 4G ou d’une antenne satellitaire ».

Des tarifs sociaux ?

Jusque-là, Orange, seul opérateur de service universel, proposait « une réduction tarifaire de 4,21 € HT/mois, fixée par arrêté ministériel, complétée par un abondement volontaire d’Orange de 5,35 € HT/mois, (ce qui revenait) en pratique à un tarif social fixe et homogène sur le territoire national de 6,49 € TTC/mois ».
La formule actuelle ayant montré ses limites (55 600 abonnés seulement en décembre 2018 alors que la population éligible est d’environ 3,7 millions de bénéficiaires potentiels), l’Arcep propose deux mécanismes au gouvernement : « Dans le cadre d’une réduction fixe, une différenciation sans doute nécessaire de cette réduction entre certaines zones géographiques pour limiter les effets d’aubaine dans les zones où les prix sont déjà très compétitifs, et un système d’aide s’appuyant au maximum sur les organismes sociaux et les mécanismes déjà en place ; - dans le cadre d’un tarif social fixe, la désignation de préférence d’un unique opérateur en charge de fournir ce dispositif ».

Le service universel ne pourra pas faciliter l’inclusion numérique à lui tout seul

Le nouveau service universel, enfin, l’Arcep en est persuadée, « pourra contribuer aux politiques nationales en faveur de l’inclusion numérique : d’une part, en garantissant la ''disponibilité'' du service, ce qui participe à la réduction de la fracture territoriale ; d’autre part, en faisant en sorte que ce service soit abordable, y compris pour des personnes ayant de faibles revenus, ce qui participe à la réduction de la fracture sociale ». 
Toutefois, l’inclusion numérique ne saurait « se résumer à la seule disponibilité du service universel des communications électroniques, poursuit l’Arcep. Parmi les personnes qui renoncent à s’abonner à internet, seuls 5 % déclarent que cela est dû à une absence d’offre. Le coût des terminaux peut lui-même constituer une barrière pour les personnes aux revenus les plus modestes. Par ailleurs, le service universel ne permet pas de répondre aux enjeux de sensibilisation et de formation des utilisateurs au numérique. Il apparaît donc important que le service universel puisse trouver sa place au sein d’une politique en faveur de l’inclusion numérique qui intègre l’ensemble des problématiques liés à l’accès au numérique ».

Ludovic Galtier

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