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Édition du vendredi 23 juin 2023
Numérique

La crise sanitaire a « nettement » fait baisser l'illectronisme en France

Si la fracture numérique s'est légèrement résorbée entre les générations, entre 2019 et 2021, elle s'est accentuée entre les plus modestes et les plus aisés, selon une étude de l'Insee, qui évalue encore à 15 % la part de la population en situation d'illectronisme.

Par A.W.

Un peu plus de 15 % des personnes de 15 ans et plus étaient toujours en situation d'illectronisme dans le pays en 2021, selon une étude de l'Insee parue hier. Pour rappel, on appelle « illectronisme »  la difficulté, voire l'incapacité, à utiliser les appareils numériques et les outils informatiques.

Dans le détail, ce sont près de 14 % des Français qui n'ont pas utilisé Internet au cours des trois mois précédant l'enquête et 1,5 % qui l'ont utilisé mais ne possèdent pas les compétences de base « dans au moins quatre domaines sur cinq »  (la recherche d’information, la communication en ligne, l'utilisation de logiciels, la protection de la vie privée et la résolution de problèmes en ligne).

Changement de comportements

Reste que la difficulté, si ce n’est l'incapacité, à utiliser les appareils numériques et les outils informatiques, a toutefois reculé de trois points depuis la période pré-covid, constatent les auteures de l’étude. Entre 2019 et 2021, les compétences liées à la recherche d'informations en ligne et l'utilisation de logiciels se sont ainsi « particulièrement diffusées ».

Et si cette diminution pourrait sembler relativement négligeable à première vue, il n’en est rien puisque les auteures considèrent que « l'illectronisme a baissé nettement »  durant ces deux années.

« Cette baisse n'est pas portée par un changement de structure de la population, la répartition par tranche d'âge ayant peu varié en deux ans, mais par un changement dans les comportements liés aux technologies de l’information et de la communication », explique l’Insee dont l'enquête, collectée au printemps 2021 durant le troisième confinement, inclut « les modifications de comportements engendrées par la crise sanitaire ».

Résultat, la fracture numérique s’est légèrement résorbée entre les générations. Durant ces deux années, l'illectronisme a diminué de 8 points pour les personnes de 75 ans ou plus et de 6 points pour les 60-74 ans… contre moins de 1 point pour les 15-24 ans. 

Un phénomène qui ne s’est, toutefois, pas répété entre les plus pauvres et les plus riches, l'illectronisme ayant cette fois « moins diminué pour les personnes les plus modestes »  que pour les plus aisées. Les inégalités se sont donc « accentuées en deux ans »  au sein de cette catégorie. En 2021, les personnes les plus modestes avaient ainsi « une probabilité d’illectronisme 6,5 fois plus grande que les personnes les plus aisées », contre 4,2 fois en 2019. 

Reste que « la pratique de toutes les activités en ligne a augmenté entre 2019 et 2021 », notamment en matière de communication (le fait de téléphoner par Internet est passé de 44 à 59 %, par exemple), et « le nombre de personnes sans aucune compétence a reculé dans [tous les] domaines », notent les auteurs de l’étude. 

Les plus âgés, les plus modestes et les moins diplômés

Mais de manière générale, l'illectronisme touche encore massivement les personnes âgées puisque plus d’une sur trois de plus de 60 ans en est victime et 62 % des 75 ans et plus. À l’inverse, seuls 2 % des 15-24 ans sont concernés, selon l'enquête.

D’un point de vue socio-professionnel, plus de la moitié des anciens agriculteurs, commerçants, artisans et ouvriers à la retraite sont concernés, contre 10 % des anciens cadres. Et les personnes sans diplôme ont sept fois plus de risque d'être en situation d'illectronisme que les personnes ayant au moins un bac + 3. 

Les ultramarins (20 %) sont également plus frappés par ce phénomène, tout comme les personnes vivant seules (30 %) ou en couple sans enfant (20 %). « Vivre avec des enfants favoriserait l'équipement et les compétences numériques », en conclut donc l'Insee.

À noter que les hommes ont « 1,3 fois plus de risques »  d’être en situation d’illectronisme que les femmes, tout en ayant aussi « une probabilité 1,2 fois plus grande d'avoir des capacités numériques avancées ». Ils se situent donc plus souvent que les femmes aux deux extrémités de l'échelle des compétences numériques.

On peut également souligner que, à côté des personnes en situation d’illectronisme, l’Insee recense 28 % des usagers d'Internet qui ont des « capacités numériques faibles »  (c'est-à-dire qu'ils ne maîtrisent pas une ou plusieurs des cinq compétences précitées) et autant qui sont « très à l'aise »  avec les outils numériques. Ceux-là sont « souvent jeunes », « plus aisées »  et « très diplômées ».

Normandie, Centre et Bourgogne davantage touchées

Quel que soit l'âge, la protection de la vie privée (refuser des cookies, restreindre la géolocalisation...) est la compétence la moins répandue, devant l'utilisation de logiciels (traitement de texte...), la recherche d'informations, la résolution de problèmes (accéder à son compte bancaire, cours en ligne...) et la communication (courriels…).

Dans une seconde étude (publiée également hier, mais qui fait un état des lieux de la situation en 2019, donc avant la crise sanitaire), l’Insee confirme que les habitants les plus éloignés des villes et ceux des petits pôles urbains sont davantage concernés par l’illectronisme (respectivement 22 % et 24 %) que ceux des plus grandes villes (13 %), tandis que les intercommunalités qui abritent les capitales régionales, avec une population plus jeune et plus diplômée, sont « moins exposées ». 

Dans les régions, en 2019, on retrouvait les taux d’illectronisme les plus élevés en Normandie, en Bourgogne-Franche-Comté et en Centre-Val-de-Loire. Des régions aux populations âgées. Avec leurs populations « plutôt jeunes », l’Île-de-France et les Pays-de-la-Loire avaient, elles, les taux les plus faibles.

Télécharger l’étude.
 

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