Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du lundi 25 mars 2019
Numérique

Comment le gouvernement veut lutter contre le « désenclavement numérique »

En déplacement dans un lycée agricole à Mirande (Gers) vendredi, le Premier ministre Édouard Philippe a annoncé le lancement du « Pass numérique »  et l’ouverture du « Guichet cohésion numérique », prévue dans un premier temps pour le 1er janvier 2019. Évoqués depuis plusieurs mois, ces deux dispositifs, respectivement intégrés dans le plan national pour un numérique inclusif pour le premier et le plan France Très haut débit pour le second, participent à la lutte contre « le désenclavement numérique », érigé en « priorité »  par le gouvernement.

Des Pass numériques financés entre 20 % et 65 % par l’État
S’agissant du volet « usages »  de la stratégie de « désenclavement numérique », le gouvernement mise beaucoup sur les « Pass numériques ». L’idée : lutter contre « l’illectronnisme »  en donnant « une capacité numérique à ceux qui en manquent », promet le Premier ministre. Ces derniers bénéficieront ainsi d’une « formation de dix à vingt heures aux usages de base : se connecter à internet ou utiliser un login et un mot de passe », expliquait, au Sénat le mois dernier, Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État au Numérique (lire Maire info du 26 février). Après une formation spécifique, les agents de Pôle Emploi seront chargés de détecter les publics en difficulté avec les outils numériques. En zone rurale, en revanche, « la médiation numérique passera souvent par une association, par un prestataire, voire par les services de la mairie, pour quelques heures par semaine », assurait Mounir Mahjoubi.
Édouard Philippe a précisé vendredi qu’une enveloppe de 10 millions d’euros « est mobilisée »  en 2019. Un appel à projets visant « à soutenir l’achat par des collectivités territoriales de pass numériques grâce à un co-financement de l’État »  court jusqu’au 31 mai. Autrement dit, l’État compte beaucoup sur les collectivités pour la réussite de ce projet.
« L’évaluation du financement de l’État repose sur deux critères qui permettent d’atteindre un co-financement du projet global à hauteur de 35 %, est-il indiqué sur le site de la Mission société numérique. Un système de primes permettra de maximiser davantage le financement de l’État (qui pourra varier entre 20 % et 65 %). Ces critères sont uniquement valables pour 2019 ». Un simulateur en ligne est ouvert aux collectivités. En septembre, Mounir Mahjoubi espérait que plus de 1,5 million de « Pass numériques »  soient distribués en 2019.

Un guichet de cohésion numérique pour les foyers non éligibles à la fibre
L’autre mesure évoquée par Édouard Philippe touche au volet « infrastructures »  de la stratégie de « désenclavement numérique ». Les objectifs de couverture - à savoir garantir d'ici à 2020 un accès au bon haut débit (a minima 8 Mbits) partout sur le territoire et le très haut débit pour tous dès 2022 – ne seront pas tenus dans « un certain nombre de foyers », du fait notamment de l'étendue du territoire, d'une densité de population parfois faible ou de reliefs compliqués.
En guise de compensation, un guichet de cohésion numérique, visant à « soutenir via les opérateurs l'équipement de ces foyers en solutions de réception hertzienne (4G fixe, satellite, très haut débit radio…) », a été lancé vendredi avec trois mois de retard. Les 100 millions d’euros dont il est doté seront répartis à raison de 150 euros par foyer.
De son côté, l’Avicca, l’association des villes et des collectivités pour les communications électroniques, appelle de ses vœux depuis plus d'un an la réouverture d’un autre guichet. Suspendu fin 2017 conséquemment au lancement des Appels à manifestation d'engagements locaux (lire Maire info du 26 octobre 2018), le Fonds pour la société numérique (FSN) avait pour objet de financer les Réseaux d'inititative publique (Rip). Julien Denormandie, ministre chargé de la Ville et du Logement, étudiera la question de sa réouverture à la fin de l’année.
Toujours est-il que le défi est colossal pour le gouvernement. Selon une enquête de l’UFC-Que choisir, publiée le 21 mars, « 6,8 millions de personnes sont privées d’un accès de qualité minimale à Internet »  et 12,8 millions de personnes « sont privées de bon débit ». Sans surprise, les habitants des zones rurales seraient les plus représentés dans ces deux chiffres. « Par exemple, près du tiers (31 %) des habitants des communes de moins de 1000 habitants (soit 73 % des communes en France) ne peut pas accéder à un Internet de qualité minimale, et près de la moitié d’entre eux (47 %) est privée de bon haut débit ».
L’UFC-Que choisir balaie, ainsi, d’un revers de main les objectifs de déploiement de la fibre optique Ftth affichés par le gouvernement. « Cet horizon (2022, ndlr) paraît illusoire, le déploiement devrait s’étirer jusqu’en 2029 ». Dans une interview accordée vendredi à La Gazette des communes, Sébastien Soriano, président de l’Arcep, chargée de veiller au respect des engagements des opérateurs, se montre plus optimiste. « La dynamique du déploiement se confirme ! Nous arrivons dans des ordres de grandeur qui répondent au défi : un million de locaux ont été rendus éligibles au 4eme trimestre, soit 3,3 millions de nouveaux locaux sur 2018 », a-t-il déclaré.
Ludovic Galtier

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