« Pour financer l'inclusion numérique », les sénateurs réclament un milliard d'euros d'ici 2022
La mission sénatoriale d’information sur la lutte contre l’illectronisme et pour l’inclusion numérique estime que les 250 millions d’euros (sur deux ans) mobilisés par le gouvernement dans le cadre du plan de relance « seront probablement insuffisants pour atteindre le nouvel objectif de 4 millions de formés d’ici 2022 ». Elle avance 45 propositions, parmi lesquelles plusieurs concernent les territoires.
« Dans une société toujours plus numérisée », dans laquelle les accès aux droits sociaux et au monde du travail sont conditionnés à la maîtrise du numérique, 14 millions de Français, parmi lesquels les personnes en situation de handicap, les personnes détenues ou hospitalisées, n’ont, paradoxalement, pas cette compétence et près d’un Français sur deux n’est pas à l’aise avec les outils numériques, observe, dans un rapport présenté à la presse jeudi, le sénateur Raymond Vall (Gers, RDSE). Un constat problématique au moment où « le numérique envahit toute l'économie, y compris les métiers traditionnels et pas seulement dans l’industrie du futur ». Le rapporteur de la mission d’information sur la lutte contre l’illectronisme et pour l’inclusion numérique égratigne, dans ce contexte, « la dématérialisation généralisée des services publics, à marche forcée » : prévue pour 2022, celle-ci permettrait d’économiser 450 millions d’euros chaque année à l’État mais laisserait « sur le bord de la route trois Français sur cinq », incapables de réaliser des démarches administratives en ligne ». Le sénateur lui préférerait une dématérialisation « 100 % accessible » qui comprendrait notamment le maintien d’un accès physique et/ou d’un accueil téléphonique pour l’ensemble des démarches dématérialisées des services publics.
Un « manque d’ambition financière »
Le Gersois pointe surtout le « manque d’ambition financière » de la stratégie nationale pour un numérique inclusif, lancée par le gouvernement en 2018. « Alors que France Stratégie met en valeur, dans un rapport de 2018, les bénéfices attendus d’une meilleure autonomie numérique, chiffrés à 1,6 milliard par an si la fracture numérique se résorbait », le gouvernement n’a alloué que 10 millions d’euros en 2018 et 30 millions d’euros en 2019 au déploiement du fer de lance de cette stratégie, le pass numérique. « Le plan de relance, présenté en septembre 2020, acte d’ailleurs l’insuffisance des moyens initialement alloués à la Stratégie et sa faible ambition : le gouvernement entend désormais consacrer 250 millions d’euros d’ici 2022 à la formation de 4 millions de Français », écrit Raymond Vall, pour qui « un milliard d’euros doit être mobilisé d’ici 2022 pour financer l’inclusion numérique, soit quatre fois plus que le montant alloué par le gouvernement dans le cadre du plan de relance ».
Un fonds de lutte contre l’exclusion numérique
Ce milliard d’euros devrait ensuite être pérennisé « dans un fonds de lutte contre l’exclusion numérique, poursuit le rapporteur de la mission d’information. Le fonds pourrait être abondé par les gains budgétaires réalisés grâce à la dématérialisation des services publics, la taxe sur les services numériques (taxe GAFA) et une taxe sur le streaming, préconisée par la mission d’information du Sénat sur l’empreinte environnementale du numérique ». L’un de ses objectifs serait de « garantir une montée en puissance du pass numérique, qui devra être généralisé sur l’ensemble du territoire ». De façon plus générale, la mission d’information souhaite « proclamer l’inclusion numérique comme priorité nationale et service d’intérêt économique général » afin « d’accélérer le déploiement du pass numérique par les collectivités ». Trop longtemps, « la priorité a été la couverture numérique du territoire, et non la maîtrise des usages par les personnes. »
209 000 pass numériques « achetés »
Preuve que l’on est encore loin du compte, pour l’heure, seulement 209 000 pass numériques « ont été achetés ». Cédric O en a convenu lui-même, le jour de son audition par la mission d’information : le problème « majeur » est « le manque de formateurs » (lire Maire info du 16 septembre). La faute, pour le sénateur, revient au mauvais calibrage de « l’équilibre économique de la formation ». « Le pass numérique semble avoir été fixé à une valeur trop faible (10 euros), si bien que les heures de formation et leur rémunération sont insuffisantes pour solvabiliser les prestataires, associations ou start-ups ».
Le rapport préconise donc d’augmenter cette valeur du pass mais surtout de faire de l’inclusion numérique « une priorité de l’action publique locale, pilotée par les territoires ». « Une conférence des financeurs doit coordonner, dans chaque département, les interventions territoriales – publiques et privées – et permettre le déploiement du pass numérique dans l’ensemble des territoires », écrit la mission d’information. Un référent inclusion numérique pourrait être désigné à l’échelle intercommunale, « pour garantir l’infusion des offres d’inclusion numérique dans l’ensemble des territoires, y compris ruraux ». Une trentaine de départements ont, pour le moment, été exclus du dispositif. Un appel à projets est en cours.
Les offres de médiation numérique sous une même bannière
Autre point faible de cette stratégie, selon la mission d’information : « le manque de clarté » dans la structuration des lieux de formation au numérique. « Aux Hubs France Connectée, interdépartementaux mais ne couvrant que la moitié des départements, et aux Territoires d’Action pour un Numérique Inclusif, lancés par le secrétariat d’État au numérique, se sont ajoutés, en décembre 2018, les maisons France Service, qui seront déployées dans chaque canton d’ici 2022, puis, en février 2020, les tiers-lieux Fabriques de territoire ». La mission préconise plutôt de « regrouper sous une bannière unique toutes les offres publiques de médiation numérique » mais aussi que l’ensemble du territoire soit couvert par les Hubs France Connectée d’ici 2022 avec des moyens renforcés « pour leur permettre d’exercer pleinement leurs missions, notamment afin d’épauler les collectivités dans le déploiement du pass. »
Ludovic Galtier
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