Laure de la Raudière : « Un tiers des raccordements finaux à la fibre se passe mal, c'est insupportable pour les citoyens »
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Où en est-on des déploiements de la 4G programmés dans le New Deal Mobile (2018). Les opérateurs tiennent-ils les délais ?
Les sites « en propre » des opérateurs ont quasiment intégralement basculé en 4G fin 2020 ; pour ce qui est des sites des anciens programmes Zones blanches - Centres bourgs, près de 80 % d'entre eux étaient équipés en 4G au 31 décembre 2020, contre 10 % à 16 % des sites à fin décembre 2019. Le dispositif de couverture ciblée du New Deal Mobile [chapeauté par des équipes projets locales composées la plupart du temps d’un sous-préfet et d’élus locaux, ndlr] fonctionne très bien. 522 des 556 sites qui devaient être mis en service en 2020 l’ont été : nous suivons précisément le cas des 34 sites restants. Ce n’est pas toujours la faute des opérateurs, il peut y avoir, par exemple, un retard de livraison du raccordement électrique.
Dans tous les cas, les maires ne doivent pas hésiter à nous écrire s’ils constatent que l’opérateur ne leur transmet pas le Dossier information mairie (Dim) un mois avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme pour les nouvelles installations et un mois avant le début des travaux pour les modifications substantielles nécessitant une nouvelle demande d’accord ou d’avis de l’Agence nationale des fréquences (ANFR). C’est par le dialogue qu’il sera possible de favoriser l’acceptabilité sociale des pylônes.
Pour le dispositif de couverture ciblée, ce seront au total 5 000 nouveaux sites, dont un grand nombre seront mutualisés par les opérateurs, qui devront être installés d’ici 2027. Ils viennent s’ajouter aux autres volets du New Deal comme la couverture des axes routiers, la 4G fixe, l’amélioration de la qualité de service, avec des échéances s’étalant jusqu’à 2030. Nous voulons assurer un maximum de transparence sur l’avancée du New Deal, c’est pourquoi nous publions le Tableau de bord du New Deal, mis à jour tous les trimestres.
Quelles sont les prévisions pour la 5G ?
Le cahier des charges prévoit une trajectoire exigeante pour soutenir les déploiements des équipements en bande 3,4-3,8GHz au cours des années suivantes : 3 000 sites en 2022, 8 000 sites en 2024, 10 500 sites en 2025. L’Arcep prévoit également un mécanisme de concomitance pour s’assurer que les zones non urbaines bénéficieront aussi de ces déploiements. Ainsi, 25 % des sites en bande 3,4-3,8GHz des deux derniers jalons (2024 et 2025) devront être déployés dans une zone rassemblant les communes des zones peu denses et celles des territoires d’industrie, hors des principales agglomérations. Ces secteurs rassemblant les « zones peu denses » et les « zones des territoires d’industrie » est appelée « zone de déploiement concomitant » : elle représente 26 000 communes.
Le cahier des charges inclut également une obligation de montée en débit, qui pourra se faire en 5G ou en « 4G+ », et qui sera au bénéfice de tous les territoires, y compris ruraux, avec un premier jalon dès fin 2022. Là encore, pour suivre les déploiements de cette nouvelle technologie sur tous les territoires, l’Arcep publie tous les mois un observatoire de la 5G, incluant des cartes et des statistiques au niveau national et régional.
Zone Amii : « au gouvernement de dire si le compte y est ou non »
Quid du plan France très haut débit ? SFR et Orange devaient avoir raccordé, fin 2020 en zone Amii, au moins 92 % des locaux, le complément devant être « raccordable à la demande »...
L’année 2020 a été une année record pour les télécoms ; le niveau d’investissement et de déploiement n’a jamais été aussi important. Dans le contexte de la crise sanitaire, six millions de lignes ont été déployées, c’est un million de plus par rapport à 2019, qui était déjà une année record. En zone Amii, les opérateurs ont pris des engagements de déploiement. Après avis favorable de l’Arcep, ces engagements ont été rendus opposables par le gouvernement. L’Arcep en assure le suivi et le contrôle, mais c’est avant tout au gouvernement de dire, au vu du suivi factuel établi et publié par l’Arcep, si le « compte y est » ou non et s’il souhaite que l’Arcep engage des procédures formelles. À la fin de l’année 2020, en zone Amii, environ 76 % des locaux des communes sur lesquelles Orange s’est engagé et 91 % de ceux des communes sur lesquelles SFR s’est engagé ont été rendus raccordables.
Mode stoc : le respect des termes de la convention en question
Aujourd’hui, la machine industrielle tourne à plein, mais il y a des problèmes de formation des intervenants sur le terrain et des enjeux de procédure et de process à améliorer. Il faut régler ces problèmes. Le point sur lequel nous portons notre attention est la réussite du raccordement final de l’utilisateur à la fibre. C’est insupportable pour les citoyens, un tiers des raccordements finaux se passe mal parce qu’il y a un problème chez le client ou un problème de dimensionnement du réseau, de branchement ou des « plats de nouilles ». L’Arcep a mis la pression sur les opérateurs d’infrastructures (Axione, Altitude…) et opérateurs commerciaux pour leur faire signer fin 2019 une convention précisant les missions de chacun. Il s’agit maintenant de savoir qui respecte les termes de la convention et qui ne les respecte pas ? On devrait y voir plus clair en juillet.
Le flou règne actuellement autour du nouveau service universel. On ignore encore si Orange sera de nouveau désigné opérateur national de ce service. Pouvez-vous nous dire comment il pourrait évoluer ?
Le service universel des communications électroniques que l’on connaissait depuis de nombreuses années s’est effectivement éteint en fin d’année dernière. Les contours du futur cadre ont été définis dans la loi Ddadue du 3 décembre 2020. Il doit permettre, en résumé, à tout utilisateur final d’avoir accès à un service téléphonique de qualité et à Internet haut débit partout sur le territoire. Cela s’accompagnera nécessairement d’un mix technologique (c’est-à-dire une alliance de technologies telles que la fibre, le cuivre et les technologies hertziennes ou satellites).
L’un des intérêts supplémentaires de ce service universel est que des objectifs de qualité de service pourront être déterminés territoire par territoire. Le pilotage sera-t-il départemental ? L’Arcep est dans l’attente de la définition des orientations du gouvernement.
« Je mets la pression sur Orange » pour l’entretien du réseau cuivre
En parallèle, c’est la fin du réseau cuivre, programmée en 2030, qui est en train de se jouer avec la généralisation de la fibre attendue pour 2025. D’ici là, le manque d’entretien de ce réseau entraîne des difficultés de connexion pour des millions d’habitants des territoires ruraux. Comment réagit l’Arcep ?
Il n’est pas acceptable aujourd’hui que des Français soient privés de réseau téléphonique et d’Internet pendant plusieurs semaines. Je mets la pression sur Orange pour des améliorations significatives. Le plus urgent est, bien sûr, de réparer les lignes qui devraient l’être, ou d’investir dans un service de remplacement. J’ai réalisé un déplacement en Drôme et en Ardèche aux côtés des élus : ils me disent que c’est très bien de déployer la fibre mais qu’il faut continuer à entretenir le réseau cuivre tant que la qualité des réseaux téléphoniques et Internet, pour ses habitants, en dépendra [une tribune avait été rédigée par 215 maires drômois en décembre 2020, ndlr].
Une première expérimentation de fermeture technique du réseau cuivre d’Orange, dont l’Arcep est chargée de veiller au bon déroulement, est en cours en coordination avec les quatre opérateurs à Lévis-Saint-Nom (Yvelines). D'autres expérimentations vont suivre. Nous en tirerons les enseignements mais ce qui est sûr, c’est que d’ici 2030 et la fin programmée du réseau cuivre, un cadre pour informer et accompagner vers la fibre les Français qui n'ont pas encore basculé devra être mis en place.
L'Arcep organisait ce matin sa (visio)conférence « Territoires connectés », conférence annuelle dédiée à l'aménagement numérique du territoire, et publiera son rapport annuel dédié aux collectivités territoriales. Quel message souhaitez-vous leur faire passer ?
L’enjeu de couverture numérique du territoire est, pour moi, essentiel pour la cohésion des citoyens français. La bonne connectivité à Internet est décisive pour l’avenir des territoires ruraux, de leurs habitants et du développement économique de ces territoires. Jamais, avant la crise sanitaire, nous n’avions fait autant de télé-éducation, de télétravail, de téléconsultation. Ces usages, qui ont explosé pendant les périodes de confinement, doivent être pérennisés partout. Car l’attractivité des territoires ruraux passera par un accès à l’Internet fixe et au mobile de qualité.
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