Empreinte environnementale du numérique : une loi adoptée, des nouveaux enjeux pour les collectivités
Par Lucile Bonnin
L’empreinte numérique est responsable de 2 % des gaz à effet de serre en France et pourrait atteindre les 7 % d’ici 2040. La proposition de loi « REEN » a été adoptée par le Parlement mardi dernier en seconde lecture. Son but ? Responsabiliser l’ensemble des acteurs face à l’empreinte du numérique et construire une sobriété numérique sur l’ensemble du territoire. Les collectivités sont directement concernées par cette loi.
« Avec cette proposition de loi, nous avons voulu agir sur la totalité de la chaîne des valeurs et des acteurs, explique Patrick Chaize, sénateur LR de l’Ain et rapporteur de la loi. Les collectivités territoriales sont bien évidemment un fer de lance pour faire ce travail autour de l’empreinte numérique. »
Un parcours législatif fluide
L’objectif du texte : « faire prendre conscience aux utilisateurs du numérique de son impact environnemental ; limiter le renouvellement des terminaux, principaux responsables de l’empreinte carbone du numérique ; encourager le développement d’usages du numérique écologiquement vertueux ; aller vers des centres de données et des réseaux moins énergivores ; promouvoir une stratégie numérique responsable dans les territoires. »
La proposition de loi « REEN », adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 10 juin dernier, comprend 36 articles. Quelques dispositions ont vu leur portée fortement réduite ou ont été supprimées, notamment l’assujettissement des biens reconditionnés à la redevance pour copie privée.
« Cette mesure n’était pas la pierre angulaire du projet mais je trouve que c’est un mauvais signal donné par le gouvernement, confie Patrick Chaize. La question de la redevance est apparue dans les débats et, dans le texte initial, le matériel reconditionné devait être exonéré de cette redevance. C’est une incohérence totale car le matériel est indexé sur la capacité mémoire. »
Promouvoir une stratégie numérique responsable dans les territoires
Les communes de plus de 50 000 habitants devront définir, au plus tard le 1er janvier 2025, « une stratégie numérique responsable qui indique notamment les objectifs de réduction de l'empreinte environnementale du numérique et les mesures mises en place pour les atteindre », selon l'article 26.
Concrètement, les collectivités doivent élaborer, « au plus tard le 1er janvier 2023, un programme de travail préalable à l'élaboration de la stratégie, qui comporte notamment un état des lieux recensant les acteurs concernés et rappelant, le cas échéant, les mesures menées pour réduire l'empreinte environnementale du numérique. » Il est précisé dans la loi que la stratégie numérique responsable fait l'objet d'un bilan annuel, en amont du débat budgétaire, dans le cadre du rapport sur la situation en matière de développement durable prévu à l'article L.2311-1-1 du Code général des collectivités territoriales.
« L’objectif de ce texte est de réveiller, précise Patrick Chaize. J’ai eu l’occasion de traverser la Marche sur le climat et j’ai vu beaucoup de jeunes avec leurs smartphones à la main… Je me suis demandé alors s’ils étaient conscients de cette contradiction. Puis, je me suis dit : « on a raté quelque chose ». En réalité, il faut se poser les bonnes questions et, pour les collectivités, il faut qu’à chaque fois qu’elles mettent en place une utilisation, un concept, qu’elles se posent la question du bilan environnemental » . Une mesure qui vise donc à faire naître ou renaître un réflexe vert chez les élus.
Indice de réparabilité, réemploi, pylônes…
Les collectivités devront aussi privilégier l’achat de matériels et produits numériques présentant un indice de réparabilité, dès 2023, complété d’un indice de durabilité, qui entrera en vigueur à partir de janvier 2026. Elles devront également veiller à ce que les matériels informatiques dont elles se séparent soient systématiquement réutilisés. Les équipements informatiques de plus de dix ans ne sont pas concernés par cette obligation. Ils sont, eux, orientés vers le recyclage. Sont aussi ajoutés à la liste des structures éligibles (associations de parents d’élèves, associations de soutien scolaire, associations reconnues d’utilité publique, associations d’étudiants) les « organismes de réutilisation et de réemploi agréés « entreprises solidaires et d’utilité sociale » . La loi souligne les bonnes pratiques qui permettent de sensibiliser les élus et leurs services au sujet de l’empreinte environnementale. La faisabilité reste tout de même à vérifier sur le terrain notamment auprès des DSI.
Autre changement important : l’article 23 renforce les pouvoirs du maire dans les zones rurales face à l’aménagement numérique des territoires par les opérateurs : « Dans les zones rurales et à faible densité d’habitation et de population définies par un décret pris après avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, comprend également, pour information et à la demande du maire, la justification du choix de ne pas recourir à une solution de partage de site ou de pylône » . Pour Patrick Chaize, cette mesure est importante « car il y a parfois une surenchère dans certaines communes. Or ces pylônes peuvent être dommageables d’un point de vue environnemental, paysager, et peuvent être difficiles à accepter par les habitants. Ce renforcement des pouvoirs du maire permet d’encourager la mutualisation. »
Enfin, pour éviter le risque de spéculation foncière et l’implantation de pylône sans antenne, les sociétés foncières et les TowerCo devront systématiquement informer par écrit le maire ou le président d’EPCI de leur projet d’acquisition de terrain et fournir « un document attestant d’un mandat de l’opérateur de téléphonie mobile ayant vocation à exploiter ces installations ».
Pour le sénateur, la loi « REEN » est « un texte équilibré qui ne vient pas ajouter de contraintes pesantes aux collectivités. » Reste à savoir tout de même si les collectivités vont pouvoir suivre le calendrier qui leur est annoncé notamment concernant le travail d’élaboration d’une stratégie numérique responsable qui doit intervenir avant le 1er janvier 2023.
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