Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 13 octobre 2022
Sécurité

Nouvelles brigades de gendarmerie : le Sénat adopte des dispositions favorables aux futures communes d'accueil

À l'occasion de l'examen par le Sénat du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (Lopmi), plusieurs amendements ont été adoptés sur la question de l'implantation des nouvelles brigades de gendarmerie, permettant notamment d'aider les collectivités locales à construire des casernes. 

Par Franck Lemarc

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C’est l’un des aspects de la Lopmi qui intéresse le plus les élus locaux : il est prévu, dans le rapport annexé au projet de loi, la création de 200 brigades de gendarmerie. 

Si cette annonce est apparue à de nombreux élus comme une bonne nouvelle, au regard des 450 brigades qui ont fermé ces dix dernières années, celle-ci provoque de nombreuses questions. Comment s’effectuera le choix d’implantation de ces nouvelles brigades ? De quelle façon se déroulera la concertation ? Et, surtout, la question financière : comment communes et EPCI vont-ils financer la construction des bâtiments nécessaires ?

Une autre question concerne la définition même des « brigades ». Il semble que celle-ci, dans l'esprit du gouvernement, soit quelque peu extensive, puisqu'il pourrait être question de seulement placer, ici, quelques hommes dans des France services ou de mettre en place, ailleurs, des camions mobiles pour recueillir les plaintes. Ces « 200 brigades »  ne signifieront donc pas forcément, in fine, 200 gendarmeries supplémentaires. 

Des conséquences parfois délétères

Concernant les modalités de concertation, l'AMF n'a pas été consultée. Le gouvernement a semble-t-il décidé que la discussion se jouerait à l’échelle de chaque département, entre les préfets, les groupements de gendarmerie et les élus. Quant aux critères choisis pour implanter, ou non, une nouvelle caserne, ils ne sont pas précisément indiqués dans le rapport annexe qui accompagne le projet de loi. Un écueil semble se profiler, qu’il serait souhaitable d’éviter : que le choix se fasse sur un critère financier, autrement dit, que les brigades ne s’installent que dans les communes qui ont les moyens de les accueillir. Cela apparaîtrait totalement contre-productif, dans la mesure où les communes qui ont le plus de moyens ne sont pas forcément celles où le besoin est le plus important – au contraire. 

Quant à la question du financement elle-même, elle pose un certain nombre de problèmes. Plusieurs dispositifs ont été mis en place ces dernières années pour permettre aux collectivités territoriales de participer au financement de l’immobilier de la gendarmerie nationale, avec à la clé une subvention spécifique de l’État. Un autre dispositif permet à plusieurs EPCI de s’associer pour bâtir une caserne. 

Le mécanisme actuellement en vigueur prévoit que l’État paye, pendant neuf ans, un loyer à la collectivité concernée, calculé de façon à tenir compte des investissements. Puis, au bout de neuf ans, le loyer est abaissé de façon significative. Résultat, au bout d’une dizaine d’année, les communes peuvent se retrouver en difficulté, d’autant qu’au fil des années, les frais d’entretien augmentent… et que l’État ne se prive pas de réviser les loyers à la baisse. 

Cette situation peut mettre des communes en grande difficulté, d’autant qu’elles sont souvent amenées à lourdement s’endetter pour financer l’investissement. Un exemple souvent cité est celui de la commune de Lorrez-le-Bocage-Préaux, en Seine-et-Marne, qui s’est endettée à hauteur de presque 3 millions d’euros pour bâtir une gendarmerie et des logements pour les militaires, dans les années 2000. Dans un premier temps, le loyer payé par l’État couvrait à peu près le remboursement des annuités de l’emprunt. Mais au moment du renouvellement du bail, le maire a eu la surprise d’apprendre que l’État imposait un loyer en baisse de… 20 000 euros par an. De quoi mettre les finances de la commune dans le rouge. 

« Déroger aux règles comptables » 

C’est, entre autres, pour s’attaquer à ces difficultés que le sénateur du Finistère Philippe Paul a fait adopter plusieurs amendements au projet de Lopmi. Le sénateur a dit en séance craindre que « les collectivités soient sollicitées alors que certaines ne peuvent pas se permettre un tel investissement ». 

Le premier amendement qu’a fait adopter le sénateur porte sur les critères de répartition : « La répartition territoriale entre police et gendarmerie sera adaptée selon des critères qualitatifs, afin de mieux correspondre à la réalité des territoires et à la nécessité d'améliorer le service rendu à la population. Cette adaptation sera réalisée après un processus de concertation avec les représentants des acteurs de chaque territoire, en particulier les associations départementales de maires et les conseils départementaux. »  En effet, explique le sénateur, les critères actuels sont « partiellement obsolètes », et « ne tiennent pas toujours compte de l'évolution de la démographie, des formes de délinquance et des attentes des habitants ». Par ailleurs, un second amendement, lui aussi adopté, dispose que « le choix des territoires d'implantation de ces nouvelles brigades sera effectué selon des critères objectifs liés à la population, aux flux, aux risques locaux, à la délinquance et délais d’intervention, à l'issue d'un diagnostic partagé avec les autorités administratives et judiciaires ainsi que les élus. » 

Sur les questions financières, le sénateur Paul a fait voter une subvention de 200 millions d’euros par an pour « la reconstruction de casernes et les réhabilitations et restructurations de grande envergure », et une autre de 100 millions d’euros pour « les travaux de maintenance ». 

Enfin – et c’est peut-être le plus important – le sénateur a fait adopter un amendement visant à améliorer la soutenabilité financière des dépenses de construction de nouvelles brigades de gendarmerie : les modalités de financement de ces dépenses « seront adaptées, le cas échéant par l’adoption de dérogations aux règles comptables et budgétaires des collectivités territoriales ». Le dispositif de soutien sera par ailleurs « renforcé ». 

Les modalités précises de ces « dérogations »  aux règles budgétaires des collectivités restent maintenant à préciser, tout comme le montant du « renforcement »  des dispositifs de soutien. 

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