Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 4 mars 2025
Nouvelle-Calédonie

Une lueur d'espoir à l'issue du déplacement de Manuel Valls en Nouvelle-Calédonie

À l'issue d'une semaine de débats et d'un commencement de négociations en Nouvelle-Calédonie, le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, est reparti en métropole le 1er mars après avoir remis aux forces politiques un « document de travail » cadrant les négociations à venir. Et avoir, peut-être, obtenu un début de consensus sur la réforme du corps électoral. 

Par Franck Lemarc

Après des débuts plus que tendus, la visite de Manuel Valls en Nouvelle-Calédonie s’est soldée par un relatif succès, ne serait-ce que pour avoir réussi à mettre autour d’une même table tous les partis indépendantistes comme loyalistes. 

« Peuple premier » 

La visite avait pourtant mal commencé : à peine arrivé, le 22 février, Manuel Valls était confronté à une manifestation très hostile des militants loyalistes caldoches les plus radicaux. Motif de leur colère : l’emploi par Manuel Valls, devant le Sénat coutumier, du terme « peuple premier »  pour qualifier les Kanaks. Ce terme, pourtant très couramment utilisé pour désigner les peuples autochtones, c’est-à-dire ceux qui étaient là avant la colonisation, a particulièrement déplu au député caldoche Nicolas Metzdorf, qui l’a jugé « insultant », puisque « s’il y a des peuples premiers, cela veut dire qu’il y a des seconds ». Le 22 février, Manuel Valls a donc dû faire face à plusieurs centaines de manifestants lui criant « Tu ne nous respectes pas ! ». Il est à noter que, par la suite, tous les documents produits par le ministère ont remplacé cette expression par « peuple autochtone », pour lever toute ambiguïté. 

Le dialogue « renoué » 

La situation s’est améliorée entre le 22 et le 25 février, après que le ministre eut présenté aux différents partis un « cadre de discussions »  qui a été validé par tous. Pour la première fois depuis des années, les six principaux partis politiques de Nouvelle-Calédonie, y compris le FLNKS, ont donc accepté de se mettre autour de la table et de discuter – ce qui s’est produit entre le 26 et le 1er mars. Durant ces discussions, les forces en présence ont pu donner leur point de vue et leurs attentes, et une discussion s’est ouverte. Ce seul événement fait de la visite du ministre un succès, après les très graves émeutes qui ont ravagé le Caillou au printemps dernier et fait, rappelons-le, 14 morts. 

À l’issue de ces journées de discussion, les services du ministre ont produit un « document de synthèse »  de 11 pages, qui présente les « orientations du gouvernement ». Les forces en présence – partis politiques et représentants du gouvernement – se sont « retrouvées dans un même élan », peut-on lire en préambule de ce document : « Éclairer l’avenir de la Nouvelle-Calédonie et tracer ensemble les contours d’un avenir partagé. » 

Se félicitant d’avoir réussi à « renouer les fils du dialogue », Manuel Valls a écouté « les attentes de chacun, sans détour ni tabou », et « chacun a pu faire valoir ses principes, ses aspirations, ses convictions, avec force mais dans la reconnaissance de l’autre, sans exclusive ». Le temps est maintenant venu, poursuit le ministre, de « bâtir un compromis politique ». Ce compromis pourrait se faire en trouvant des réponses à trois questions « essentielles » : « Le lien avec la France et l’autodétermination, la citoyenneté calédonienne et le corps électoral, la gouvernance et les institutions calédoniennes ». 

Quel degré d’autonomie ?

Le document de synthèse, contrairement à ce que son titre laisse entendre, ne présente pas réellement les « orientations du gouvernement », mais plutôt un certain nombre « d’hypothèses », précisément listées, qui serviront de base à une discussion. Ce document, il faut le souligner, a été approuvé par les partis en présence. 

Sur la question de l’autodétermination, il est ainsi acté que toutes les forces en présence reconnaissent le droit à l’autodétermination comme « inaliénable ». « Certains »  souhaitent l’exercer, tandis que « d’autres »  jugent que les trois référendums passés ont tranché la question. Un élément de compromis pourrait être l’adoption « d’une loi fondamentale calédonienne »  – c’est-à-dire d’une forme de Constitution, même si ce terme est réservé à la Constitution de la république française. Cette « loi fondamentale », qui serait votée par « le peuple calédonien », pourrait intégrer « une charte des valeurs calédoniennes, un code de la citoyenneté », une revue des compétences et de leurs attributaires, les règles de fonctionnement des institutions locales, etc. 

Plusieurs hypothèses sont, par ailleurs, évoquées, sur le statut futur de la Nouvelle-Calédonie, avec ou sans nouvelle consultation, avec ou sans « transfert des compétences régaliennes », qui pourraient ensuite, ou pas, être « déléguées »  à la France. 

Début de consensus sur le corps électoral

La question du corps électoral est celle qui, on s’en souvient, a mis le feu aux poudres l’an dernier, quand le gouvernement français, sans concertation, a décidé de de le « dégeler »  et de l’ouvrir à environ 40 000 habitants supplémentaires (lire Maire info du 14 mai 2024). 

Point très important : le document de synthèse indique qu’un « premier jalon »  pourrait faire « consensus » : ouvrir la citoyenneté « aux natifs inscrits sur le tableau annexe de 1998 à 2010 », soit environ « 12 441 personnes ». Cette question est l’une de celles qui devra être le plus urgemment tranchée, dans la mesure où les élections provinciales doivent avoir lieu au mois de novembre prochain.

Par la suite, un certain nombre d’hypothèses, là encore, sont posées sur la table : faut-il ouvrir la citoyenneté à tous les natifs ? à leurs conjoints ? Sous condition de durée de résidence pour ces derniers ?

Sur le troisième axe – les institutions –, la encore un consensus minimum s’est dégagé, sur « les pouvoirs des provinces, comme échelon essentiel de proximité et d’efficacité de l’action publique ». Ce principe très général étant admis, il restera à prendre des décisions sur la répartition des compétences entre tous les échelons (Congrès, gouvernement, provinces, communes, Sénat coutumier ». 

Concernant les communes, les débats ont fait apparaître deux hypothèses : soit un « statu quo sur leur niveau de compétences », soit un renforcement de celui-ci, « en garantissant une libre administration et une autonomie financière, et en transférant la compétence en matière d’urbanisme »  (aujourd’hui partagée entre provinces et communes). 

Les débats vont se poursuivre. Manuel Valls a annoncé son intention de revenir sur le Caillou le 22 mars pour « avancer dans la construction du compromis ». « Les questions économiques, fiscales et sociales, celle du nickel, le contrat social calédonien, (…) figureront aussi parmi les questions à instruire de manière plus approfondie ». 

Le document de synthèse se conclut par ces mots : « Des premiers échanges qui se sont déroulés ces dernières semaines, et plus encore ces derniers jours dans le cadre des réunions plénières, on peut tirer raisonnablement des motifs d’espérance pour la Nouvelle-Calédonie. Formons le vœu collectivement que l’esprit qui a régné ces derniers jours à Nouméa puisse demeurer le ciment de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. » 

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