Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 10 novembre 2025
Nouvelle-Calédonie

La Nouvelle-Calédonie confrontée à une crise budgétaire sans précédent

Alors que la loi décalant une nouvelle fois la date des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie a été publiée vendredi, la ministre des Outre-mer, Naïma Moutchou, se rend dans l'archipel où les maires font face à une situation financière gravissime.

Par Franck Lemarc

Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision : le troisième report des élections des membres du congrès et des assemblées de province, en Nouvelle-Calédonie, acté par le Parlement, est « conforme à la Constitution ». Même si ce report au mois de juin 2026 « a pour effet de porter à 25 mois la durée cumulée du report des élections », il conserve un caractère « exceptionnel et transitoire »  et n’est pas « inapproprié » … à condition d’être le dernier : cette durée « ne saurait être étendue au-delà », préviennent les Sages. 

Les élections reportées au mois de juin 2026

La loi organique a été publiée au Journal officiel du vendredi 7 novembre : les élections qui devaient avoir lieu avant le 30 novembre auront lieu « au plus tard le 28 juin 2026 », et les mandats des élus sont prorogés jusqu’à cette date. Ce nouveau report vise à donner aux acteurs du temps pour « poursuivre la discussion en vue d’un accord consensuel sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ». Ce qui relève de la gageure : pour l’instant, la situation est bloquée. Si l’on avait pu croire, avant l’été, qu’un début d’accord avait été trouvé avec la conclusion des discussions dites de Bougival, les indépendantistes du FLNKS, qui avaient signé le document final, ont depuis retiré leur signature : ils estiment avoir été trompés, le document qu’ils ont signé n’étant, selon eux, qu’un « document de travail »  qui aurait été présenté par le gouvernement, après coup, comme un accord. 

La ministre des Outre-mer, Naïma Moutchou, va donc tenter de remettre les acteurs autour de la table, avec l’objectif de parvenir, d’ici l’été prochain, à un accord, non seulement sur la question cruciale de la définition du corps électoral – on se rappelle que c’est cette question qui a mis le feu aux poudres à l’été 2024 – mais aussi, plus largement, sur l’avenir de l’archipel. La solution proposée par le gouvernement, à savoir la création d’un État de la Nouvelle-Calédonie au sein de l’État français, ne satisfait pas les indépendantistes, qui réclament toujours une séparation complète. 

Endettement : 360 %

Mais avant même que commencent d’éventuelles négociations, des questions plus urgentes encore se posent : la Nouvelle-Calédonie doit éviter la banqueroute économique. L’archipel n’arrive pas à se remettre des émeutes de l’été 2024, dont les dégâts se chiffrent en milliards d’euros, et qui ont eu pour conséquence un ralentissement sans précédent de l’activité économique : le PIB de la Nouvelle-Calédonie a chuté de 13 %, 11 000 emplois ont été détruits et les rentrées fiscales ont diminué de 26 % par rapport à la période d’avant-crise. 

Selon un porte-parole du groupe Calédonie ensemble, il manque 500 millions d’euros pour boucler le budget 2026. Et la Nouvelle-Calédonie est étranglée par la perspective (à partir de l’an prochain) du remboursement du PGE (prêt garanti par l’État) d’un milliard d’euros contracté auprès de l’Agence française de développement, à un taux très élevé de 4,54 %. Les élus de l’île, indépendantistes comme non indépendantistes, demandent à l’État de transformer au moins une partie de ce prêt en subvention – ce que le gouvernement ne semble, pour l’instant, pas prêt à faire. Pourtant, le taux d’endettement de l’archipel, du seul fait de ce PGE, est aujourd’hui de 360 %. 

Garrot sur les collectivités locales

Quant aux maires, ils subissent de plein fouet à la fois l’appauvrissement dramatique de la population et la diminution des moyens dont ils disposent. 

Dans la seule commune de Dumbéa, par exemple, en banlieue de Nouméa, le maire Yoann Lecourieux explique à l’AFP avoir « 800 élèves de moins dans les cantines, parce que les gens ne peuvent plus payer ». 

L’effondrement des finances publiques dans l’archipel a d’innombrables conséquences, dans l’enseignement, les transports, la santé. « La Nouvelle-Calédonie est dans une situation aujourd’hui où tout est urgent », expliquait, en septembre, le président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, Alcide Ponga, devant les maires. « Et l’an prochain, les contraintes financières, sociales et institutionnelles se feront ressentir avec plus d’intensité encore. » 

Déjà, en 2025, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a dû amputer son budget de quelque 84 millions d’euros (10 milliards de francs pacifiques), en conséquence de la diminution des rentrées fiscales. Parmi les victimes de ces coupes budgétaires : les collectivités, qui se voient privées de près de 40 millions d’euros par rapport à ce qu’elles devaient toucher cette année. 

Lors de la réunion des maires organisées par le gouvernement néo-calédonien en septembre, ces coupes claires ont fait bondir les maires, qui refusent d’être « toujours la variable d’ajustement » , et qui craignent d’être dans l’incapacité de boucler leur budget pour 2026. Et même de ne pas être en mesure de pouvoir verser les aides qu’ils ont pu promettre aux entreprises mises à mal par la crise. 

Mais le problème ne semble pas soluble à l’échelle de la seule Nouvelle-Calédonie, où le gouvernement ne peut pas verser de l’argent qu’il n’a pas, et où tout recours à l’endettement supplémentaire semble exclu – sauf à des taux encore plus faramineux. C’est pourquoi Pascal Vittori, président de l’une des deux associations de maires de Nouvelle-Calédonie (l’Association française des maires) estime que « seul l’État pourra nous aider ». Même son de cloche au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, dont le ministre chargé du Budget et des Finances, Christopher Gygès, expliquait encore il y a deux jours : « On ne pourra pas boucler le budget 2026 sans le soutien de l’État. On a la volonté de tout mettre en œuvre pour réduire la dépense publique, mais ce ne sera pas suffisant ». 

Pour l’instant, en métropole, le gouvernement fait la sourde oreille : pas la moindre aide directe à la Nouvelle-Calédonie n’est prévue dans le projet de loi de finances pour 2026. Il reste à savoir si Naïma Moutchou, qui va rester quatre jours dans l’archipel et va rencontrer les associations d’élus au dernier jour de sa visite, apportera d’autres nouvelles. 

La semaine prochaine, en clôture du congrès de l’AMF, Pascal Vittori, le président de l’Association française des maires de Nouvelle-Calédonie, s’adressera aux congressistes par message vidéo, peu avant l’intervention du Premier ministre, Sébastien Lecornu, qui ne pourra, de ce fait, probablement pas éviter le sujet. 

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