L'exécutif détaille les aides d'urgence pour la Nouvelle-Calédonie mais ne recule pas sur le projet de loi
Par Franck Lemarc
Les opérations de police continuent dans l’agglomération du Grand Nouméa, où les forces de l’ordre, dans les dernières heures encore, continuent de reprendre les barrages – plus d’une centaine ont été démantelées depuis le week-end dernier. Mais les écoles et l’aéroport restent fermés, l’approvisionnement et la collecte des déchets sont toujours difficiles, tout comme l’accès aux établissements de santé. La situation, malgré un retour au calme progressif, reste tendue. On a appris en fin de matinée (heure de la métropole), qu'un homme a été tué par le tir d'un policier dans la commune de Dumbéa. Selon le procureur de la République, Yves Dupas, le fonctionnaire en voiture de service aurait été « pris à partie par une quinzaine d'individus » et aurait fait usage de son arme « pour s'extraire de cette altercation », atteignant mortellement un homme de 48 ans. Le policier a été placé en garde à vue.
Fonds de solidarité
Emmanuel Macron, qui a passé une vingtaine d’heures dans l’archipel hier, a détaillé un certain nombre de mesures de soutien économique pour aider la Nouvelle-Calédonie à réparer des dégâts d’une ampleur « inédite » – ces dégâts sont déjà estimés à plus d’un milliard d’euros. On sait désormais à quoi sera consacrée la « mission » que devait installer le chef de l’État à Nouméa : il s’agira d’une mission dédiée à la « reconstruction » , pilotée par un haut fonctionnaire de Bercy. Elle aura pour première tâche de « chiffrer les dégâts » , puis de « décliner les modalités opérationnelles de mise en place des mesures d’urgence et proposer (…) la gouvernance et les pistes pour la reconstruction et la diversification de l’économie ».
L’État compte immédiatement aider les entreprises , notamment pour leur permettre de payer les salaires et les coûts fixes, alors plus de 400 d’entre elles ont été dégradées voire détruites. Conformément aux demandes des entrepreneurs locaux, un « fonds de solidarité » va être créé, et l’État « accompagnera les collectivités locales, qui ont la compétence en matière économique en Nouvelle-Calédonie, pour la mise en œuvre de dispositifs d’activité partielle et d’exonération de charges en veillant à une juste répartition des efforts entre l’Etat et les collectivités ».
Mesures dérogatoires pour les collectivités
Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a également réuni le 22 mai les banques et les assurances à Bercy, et celles-ci se sont engagées sur plusieurs points. De façon exceptionnelle, la durée de déclaration des sinistres, « normalement de 5 jours, sera portée à 30 jours » . Les assureurs se sont engagés à « verser des acomptes sur indemnisation dans les meilleurs délais » , et vont envoyer sur place « un contingent d’experts ».
Du côté des banques, on s’engage à « soutenir la trésorerie et l’investissement des TPE et PME néo-calédoniennes » . Les échéances de remboursement de prêts bancaires pourront faire l’objet d’un report de trois mois. L’État et l’Agence française de développement vont lancer « un prêt garanti pour la reconstruction ».
Pour ce qui concerne enfin les bâtiments publics (État et collectivités), « des mesures d’exception seront prises pour permettre (leur) reconstruction dans les meilleurs délais » , avec une attention toute particulière portée aux écoles – une quarantaine d’entre elles ont été endommagées ou détruites. On peut penser que le gouvernement mettra en œuvre les mêmes mesures que celles qu’il a prises après les émeutes de l’été dernier en métropole (dérogations au Code des marchés publics notamment).
« Ni retrait ni suspension »
Sur le plan politique, Emmanuel Macron a cherché à se montrer ferme. S’il n’a pas annoncé de retrait du projet de loi constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres, il a affirmé « ne pas vouloir passer en force » et essayer, « pendant quelques semaines » , de réengager le dialogue. Est-ce un recul ? Non. Dès l’adoption du projet de loi par l’Assemblée nationale, le chef de l’État avait indiqué qu’il donnait aux acteurs locaux jusqu’à la « fin juin » pour trouver un accord, faute de quoi, il convoquerait le Congrès à Versailles pour entériner la réforme constitutionnelle. Le délai de « quelques semaines » évoqué hier correspond à ce délai. Les porte-parole du camp loyaliste l’ont bien compris, comme Sonia Backès, présidente de la région Sud, qui a déclaré après ces annonces : « On est rassurés qu’il n’y ait pas d’abandon de cette réforme, ni suspension ni report » . Ou le député Nicolas Metzdorf : « Sur le texte, il respecte le calendrier initial, puisqu’il a dit qu’il n’y aurait pas de passage en force dans un premier temps. Il n’y a ni retrait ni suspension. On essaie de trouver un accord, et on fait le point dans un mois. Dans un mois, on voit si y’a accord ou pas et le président prendra ses responsabilités. »
Du côté indépendantiste, il n’y a pas eu de réaction officielle pour l’instant.
Le chef de l’État a par ailleurs suspendu la reprise du dialogue à un « retour au calme » . Il a exigé des responsables indépendantistes qu’il a rencontré « la levée immédiate de tous les barrages » et demande notamment au FLNKS et à la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) « un appel clair à ces levées » . Ce n’est qu’un tel appel, qui plus est suivi d’effet, qui pourrait conduire à la levée de l’état d’urgence, a indiqué le chef de l’État.
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