Neuf Français sur dix estiment que la question des réseaux ne doit pas être « secondaire » dans la campagne municipale
Par Franck Lemarc
C’est un angle original qu’a choisi Terram dans l’étude publiée hier et intitulée Infrastructures invisibles : ce que les Français disent de leurs réseaux du quotidien. Voirie, réseau d’eau, fibre, quel regard portent les citoyens sur ces infrastructures, et dans quelle mesure estiment-ils que ces sujets, très concrets, doivent être présents dans la prochaine campagne municipale ? La question est d’importance car, comme l’écrit joliment l’auteur de l’étude, Victor Delage, « la France tient par des choses qui ne se voient pas ».
Réalisée en septembre auprès de 3 000 personnes, cette étude montre que ces sujets sont, en réalité, d’une importance majeure pour les citoyens, qui attendent presque unanimement qu’elle soit au cœur des prochaines municipales.
L’état de la voirie, préoccupation principale
La première partie de l’enquête est consacrée au regard que posent les Français sur les infrastructures de réseau. Il apparaît que, de très loin, ce sont les problèmes de voirie qui sont le plus largement constatés : 55 % des personnes interrogées disent avoir constaté « des dégradations sur les routes » de leur commune dans les 12 derniers mois, « souvent ou de temps en temps », contre 28 % qui ont constaté des coupures ou pannes liées aux réseaux enterrés, 26 % des problèmes d’assainissement, 23 % des affaissements ou fissures des murs de bâtiment et seulement 21 % des problèmes sur le réseau d’eau potable.
Cette perception est différente dans les villes ou dans les campagnes, et selon les catégories sociales. C’est en ville que les problèmes de voirie sont le plus souvent constatés, par 59 % des sondés dans les grandes villes contre 53 % dans les territoires ruraux. Cette différence, pour Terram, ne signifie pas forcément que les routes sont plus abîmées en ville qu’à la campagne – mais plutôt que les habitants de la ruralité ont sans doute « des attentes moins élevées et une plus forte résilience face aux contraintes matérielles » . Cette différence de perception se voit très bien lorsque l’on croise ces réponses avec la catégorie sociale : les plus aisés sont davantage exigeants que les plus modestes. Ainsi, quand 46 % des commerçants et chefs d’entreprise se disent concernés par les pannes sur les réseaux enterrés, ce chiffre tombe à 27 % chez les ouvriers.
Le « brouillage des compétences »
Sans surprise, une majorité de Français ne sait pas qui gère les différents réseaux. S’estimant globalement « mal informés » sur l’état des réseaux (à 61 %), les sondés ne savent souvent pas qui fait quoi. Exemple le plus frappant, parce que la question semble pourtant simple en apparence : « Qui s’occupe de l’entretien des routes communales ? ». Seuls 39 % des sondés répondent « la commune », les autres réponses se répartissant entre l’intercommunalité, le département, la région et l’État. C’est le résultat, insiste Terram, d’un paysage qui s’est « complexifié », et où « un même linéaire peut changer de compétences en quelques kilomètres ».
Notons d’ailleurs que la question des compétences, en matière de réseaux, est tellement complexe que même l’Institut Terram se trompe – lorsqu’il écrit dans son étude que « la compétence eau et assainissement (…) a été progressivement transférée aux intercommunalités » et que ce transfert « sera entièrement généralisé en 2026 » . Ce n’est pas tout à fait exact, puisque le gouvernement Barnier, rappelons-le, a autorisé les communes qui n’ont pas encore transféré la compétence à ne pas le faire en 2026. Rien d’étonnant, donc, à ce que les citoyens ne s’y retrouvent pas.
Le consentement à l’impôt local
Sur les questions budgétaires, le regard des citoyens est plutôt clément vis-à-vis des collectivités, moins vis-à-vis de l’État : à la question « les investissements budgétaires sont-ils suffisants en matière d’infrastructures publiques du quotidien », 63 % des sondés répondent « oui » pour ce qui concerne les investissements de leur commune et 60 % pour leurs intercommunalités… contre 39 % pour l’État. Mais il reste qu’un tiers des répondants (34 %) estiment que leur commune n’a « certainement » ou « probablement » pas les moyens de financer « la construction d’un kilomètre de route ».
Les personnes sondées, de façon logique lorsque l’on considère leurs réponses sur les dysfonctionnements constatés, mettent « la voirie communale » en tête des priorités d’investissement – et de loin : 51 % des répondants mettent cet item en première place (plusieurs réponses sont possibles). Derrière, 38 % mentionnent « le réseau de transport en commun », 36 % « les espaces publics » et 34 % le réseau d’eau potable. Il est à noter que 24 % mentionnent le réseau fibre comme investissement jugé « prioritaire », ce qui paraît considérable : cela signifie qu’une forte proportion de Français sont encore insatisfaits de leur réseau fibre, soit qu’ils en soient privés, soit qu’il dysfonctionne.
Quand on demande aux citoyens s’ils sont prêts à payer, temporairement, « un peu plus d’impôts pour financer un projet d’entretien et de modernisation des réseaux du quotidien dans (leur) ville, ils y sont, globalement, plutôt prêts : 53 % y sont favorables. Mais ce chiffre cache des disparités, logiques, entre les catégories sociales : parmi les plus aisés, 39 % se disent opposés à payer plus d’impôts pour entretenir les réseaux, tandis que ce chiffre monte à 47 % chez les ménages les plus modestes.
« République du maintien »
La dernière partie de l’étude est consacrée aux attentes des citoyens à l’approche des municipales. Si l’Institut Terram rappelle que le maire reste, de loin, l’élu qui suscite le plus de confiance, il note que « cette popularité s’accompagne d’une exigence accrue de résultats, mesurables dans la vie quotidienne ».
C’est ce qui explique que l’écrasante majorité des personnes interrogées (88 %) souhaite que les questions « d’eau, de réseaux, de voirie » ne doivent pas être « secondaires » dans la campagne des municipales, 44 % jugeant même ces questions « essentielles ».
On notera qu’une majorité de sondés met davantage l’accent sur l’entretien de l’existant que sur des grands projets pour adapter la commune « aux enjeux du réchauffement climatique ». Comme le conclut Terram, « le programme local est ainsi perçu comme un contrat de maintenance, garantissant la qualité du cadre de vie. L’entretien des infrastructures constitue le socle minimal de la confiance locale, celui sur lequel se fonde la légitimité des élus. » Néanmoins, la volonté de « renouvellement » et d’une « vision » pour l’avenir, eu égard notamment au changement climatique, est bien présente, notamment chez les jeunes, dont presque la moitié estime que cette « vision » doit être « prioritaire » dans le programme municipal.
Les auteurs de l’enquête estiment toutefois que l’on assiste à un changement important dans les attentes des citoyens : « Beaucoup de Français n’attendent plus des promesses de rupture mais des signes de fiabilité. Dans un contexte où les budgets, l’énergie et la confiance sont devenus des denrées rares, la stabilité apparaît comme une attente centrale. » D’où l’exigence de ce que l’auteur appelle « la République du maintien » , celle qui « assure, jour après jour, la continuité de la vie commune : routes, réseaux d’eau, d’assainissement, d’électricité » … Cette évolution, si elle existe bien, devra être prise en compte par les élus non seulement dans leur campagne mais dans leur pratique quotidienne, à l’avenir.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
Déficit : les derniers ajustements budgétaires de l'année 2025 touchent aussi les collectivités
54 % des Français jugent « essentielle » la présence d'équipements sportifs dans leur commune
Accès aux soins : les députés approuvent la création d'un « réseau France Santé »
Les régions s'opposent au déremboursement des cures thermales








