Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 27 juin 2017
Biodiversité

Néonicotinoïdes : où en est-on ?

Plusieurs avis contradictoires ont circulé hier parmi les membres du gouvernement à propos des néonicotinoïdes, dont la loi sur la biodiversité a prévu l’interdiction dès l’an prochain. Le point sur les positions des uns et des autres.
Tout est parti d’un « document de travail interministériel »  qui a fuité et a été publié hier matin par RMC. Dans ce document, il est évoqué – au titre d’hypothèses de travail – la possibilité de revenir, par ordonnances, sur certaines interdictions prévues dans des lois votées sous la précédente législature : celle de l’épandage aérien de pesticides (loi de transition énergétique) et celle des pesticides néonicotinoïdes (surnommés « néonics »  dans le jargon des spécialistes de l’environnement).
Ces molécules ont été introduites massivement dans l’agriculture depuis le début des années 1990, et elles sont soupçonnées d’avoir des effets catastrophiques sur les insectes pollinisateurs, en particulier les abeilles – d’où leur surnom de « molécules tueuses d’abeilles ». Toutes les études montrent que la mortalité des abeilles grimpe en flèche depuis une vingtaine d’années – l’année 2016 a par exemple été particulièrement catastrophique en termes de production de miel en France. Si, selon France Agrimer (ministère de l’Agriculture), cela est dû pour partie à des conditions climatiques défavorables, il y a également « un taux de mortalité [des abeilles] particulièrement élevé dans certaines zones ». Les « néonics »  ne sont donc pas seuls en cause – les scientifiques pointent également le développement du frelon asiatique, prédateur des abeilles – mais ils jouent un rôle suffisamment néfaste pour que les parlementaires aient choisi d’en introduire l’interdiction dans la loi de biodiversité de l’été 2016. À l’époque, le premier des ministres de l’Agriculture du gouvernement Macron, Jacques Mézard, s’y était d’ailleurs opposé au Sénat… tout comme le député Édouard Philippe à l’Assemblée.
Autres opposants à cette interdiction : les industriels producteurs de ces pesticides, naturellement, mais aussi les syndicats agricoles, qui estiment que sans ces pesticides, certaines productions, comme la betterave, serait menacée.
Interrogé hier sur le « document de travail », Stéphane Travert, le ministre de l’Agriculture, a nié que le gouvernement réfléchisse à revenir sur l’interdiction d’épandage aérien, sauf « en cas de crise sanitaire majeure », mais il s’est montré beaucoup plus prudent sur les néonicotinoïdes : cette interdiction, a-t-il déclaré, serait en contradiction avec le droit européen et, vu qu’il n’existe « pas de produits de substitution », il faudrait réfléchir « à des dérogations (…) afin que nos producteurs continuent à travailler dans de bonnes conditions ».
À peine prononcés, ces mots ont provoqué un tollé, par exemple de la part de Joël Labbé, sénateur du Morbihan et maire de Saint-Nolff, auteur de la loi sur l’interdiction des pesticides dans les collectivités, qui s’est dit « très choqué »  que l’on imagine de revenir sur « une des avancées majeures de la loi biodiversité ». Deux anciennes ministres de l’Environnement, Delphine Batho et Ségolène Royal, ont eu des réactions similaires. Mais c’est surtout l’actuel ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, qui s’est chargé de contrer son collègue de l’Agriculture, dans un tweet publié dans la foulée : selon lui, les arbitrages ont été faits et « on ne va pas revenir sur la loi ».
En milieu de journée hier, devant la montée de la polémique, c’est le Premier ministre lui-même, Édouard Philippe, qui a pris la plume pour aller en partie dans le sens de Nicolas Hulot. Dans un communiqué, il écrit que « le gouvernement a décidé de ne pas revenir sur les dispositions de la loi de 2016. Cet arbitrage a été pris à l’occasion d’une réunion tenue à Matignon le 21 juin dernier ».
Fin du débat, donc ? Pas tout à fait. Parce que la fin du même communiqué de Matignon entrouvre quand même la porte à une possibilité d’évolution ultérieure : « La Commission européenne ayant émis certaines observations sur la réglementation française afin de s’assurer de la conformité du droit français, un travail est en cours avec les autorités européennes. »  Ce « travail »  vise-t-il à convaincre la Commission que la France a raison d’être en avance sur le droit européen, ou au contraire ira-t-il, comme semble le penser Stéphane Travert, vers un alignement de la France sur les positions, moins radicales, de la Commission ? Impossible de la savoir aujourd’hui. Voilà un dossier dont on a certainement pas fini de parler.
F.L.

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