France urbaine demande à la fois plus d'État et plus de décentralisation
Par Franck Lemarc
« Nous sommes pour un État fort, un État stratège, mais la France a besoin de rallumer la flamme de la décentralisation. L’État doit nous faire confiance. Nous l’avons prouvé pendant le covid : nos collectivités sont réactives et opérationnelles. Nous le prouvons encore en jouant un rôle déterminant d’amortisseur face à la précarité. » C’est par ces mots que Johanna Rolland, maire de Nantes et présidente de France urbaine, a conclu les travaux du congrès de l’association, vendredi à Angers.
Tout au long de ces deux journées, les élus des grandes villes et des métropoles ont rappelé « l’exposition » de celles-ci aux grands enjeux sociaux et environnementaux : crise du logement, désertification médicale, insécurité, financement de la transition énergétique.
Deux tiers du Fonds vert pour les grandes villes ?
Sur chacun de ces sujets, l’association a appelé en même temps à la mobilisation de l’État et à davantage de liberté laissée aux élus pour agir. C’est le cas, en particulier, sur le logement : France urbaine appelle l’État à « un effort massif pour la construction de logement social et très social », tout en affirmant « la nécessité de faire davantage confiance aux territoires en engageant des expérimentations, notamment sur les zonages, les meublés de tourisme et la maîtrise du foncier, mais aussi en leur délégant les crédits destinés aux aides à la rénovation énergétique » . France urbaine demande une large décentralisation de la politique de l’habitat et la création d’un rôle d’autorités organisatrices de l’habitat pour les intercommunalités.
Sur le financement de la rénovation énergétique, les grandes villes sont claires : puisqu’elles concentrent « les deux tiers des émissions de gaz à effet de serre » , elle réclament « les deux tiers des financements », c’est-à-dire les deux tiers du Fonds vert.
Elles souhaitent que la planification écologique s’appuie sur les CRTE (Contrats de relance et de transition écologique), dans la mesure où ces outils ont le mérite de déjà exister (même si « ils n’ont pas produit jusqu’ici beaucoup de proposition concrètes » , a regretté le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc). France urbaine demande que le CRTE soient abondés « par des enveloppes pluriannuelles fongibles ».
Par ailleurs, elles appellent à « des décisions rapides » sur le sujet des transports collectifs, estimant que « le modèle de financement actuel est à bout de souffle » et demandant que soit mis fin à la différence de traitement entre l’Île-de-France et les autres réseaux : « Deux poids deux mesures serait inacceptable » . Il s’agit d’une allusion au versement mobilité (VM), qui est actuellement plafonné à 2 % de la masse salariale dans toutes les autorités organisatrices, sauf l’Île-de-France, où le plafond est à 2,9 %. France urbaine demande un déplafonnement du VM dans tout le pays.
Premières réponses gouvernementales
Le ministre Christophe Béchu, venu clôturer le congrès, a apporté quelques réponses à ces demandes. Sur les CRTE en particulier, il ne s’est pas montré fermé à la proposition de France urbaine : il juge envisageable que « les CRTE fassent l'objet de financements qui permettent de crédibiliser les engagements avec deux principes, la prévisibilité et la pluriannualité » . L’ancien maire d’Angers a rappelé la volonté du gouvernement de « territorialiser la planification écologique » , notamment à travers l’organisation de ces encore mystérieuses « COP régionales » évoquées par Élisabeth Borne la semaine dernière (lire Maire info du 20 septembre).
Le ministre n'a, en revanche, pas paru emballé par la demande de France urbaine de récupérer les deux tiers du Fonds vert, rappelant que ce fonds n'a pas seulement pour objectif de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, mais également de financer d'autres actions (eau, renaturation, recul du trait de côte, etc.).
Si Christophe Béchu n’a pas donné sa position sur l’éventualité d’un déplafonnement du VM, il s’est en revanche montré ouvert sur une démarche de décentralisation de la politique du logement, et a laissé entendre que des décisions seraient annoncées à l’occasion du congrès HLM, qui se tiendra à Nantes du 3 au 5 octobre. L’occasion, selon le ministre, de « passer à l’acte » : « Personne ne peut croire que c'est depuis Paris qu'on est capables d'arrêter les zonages. Le sujet des meublés de tourisme ou de l'évolution des loyers, la question des attributions de logements sociaux - on est passés de trop d'opacité à trop d'automaticité. Ce sont autant de sujets qui sont un territoire de décentralisation ».
Les premières réponses viendront donc, peut-être, dès la semaine prochaine lors du congrès de l’USH.
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