Pyrénées : mettre en place des mesures d'effarouchement de l'ours brun est désormais possible
Par Lucile Bonnin
70 ours ont été recensés dans les Pyrénées en 2021, selon le rapport annuel du Réseau Ours Brun. Le nombre d’ours est également en augmentation de 9 % sur un an. Pour rappel, François Mitterrand avait lancé en 1984 un premier plan de sauvegarde de l’ours brun dans les Pyrénées. Depuis, de nombreux ours ont été introduits dont deux ours slovènes assez récemment, en 2018, dans les Pyrénées-Atlantiques.
Cette politique de réintroduction de l’ours ne s’est pas faite sans conséquences. De nombreux élus locaux et plus spécialement les maires des communes alertent depuis plusieurs années sur les risques d’attaques que font courir ces animaux aux hommes et particulièrement aux bergers et à leurs troupeaux.
Alban Dubois, maire de Melles, première commune où fut introduit l’ours il y a 25 ans, alertait en septembre dernier sur les attaques d’ours qui ne cessent d'augmenter envers les troupeaux de brebis. « Nous devons trouver une réponse à l’équation ours et élevage », pouvait-on lire dans le communiqué de presse de la mairie. Il demandait alors à ce que les éleveurs et bergers puissent avoir « les moyens légaux et techniques de pouvoir “éduquer” les ours lorsqu’ils s’approchent des troupeaux avec des méthodes dures. »
Un arrêté a été publié ce matin au Journal officiel, allant dans le sens de cette demande. Ce texte fixe « les conditions et limites dans lesquelles des dérogations à l'interdiction de perturbation intentionnelle des ours bruns peuvent être accordées par les préfets dans le cadre de mesures d'effarouchement visant à la protection des troupeaux domestiques pour prévenir les dommages par prédation. »
L’effarouchement : un compromis
Cet arrêté a été pris dans le cadre du plan d’action ours brun 2018-2028 et fixe de manière pérenne les conditions et limites dans lesquelles des mesures d’effarouchement de l’ours brun (mesures dérogatoires) peuvent être accordées par les préfets, lorsqu’elles visent la prévention des dommages aux troupeaux domestiques par prédation. Il est important de rappeler que l’ours est une espèce strictement protégée et que, toute perturbation intentionnelle des spécimens d’ours est par conséquent interdite. Mais des demandes de dérogations sont prévues dans les cas où l'animal serait à l'origine de trop de dégâts.
Des mesures d’effarouchement ont été testées dans la région à la suite de la parution en juin 2019 d’un arrêté et ce jusqu’en 2021. Cette période de test a permis de montrer « une certaine efficacité concernant l’évitement de la prédation, selon le ministère de la Transition écologique. Ces bilans témoignent, d’une part, de l’absence d’effets négatifs apparents sur la population ursine et sa répartition et, d’autre part, d’une certaine efficacité concernant l’évitement de la prédation, particulièrement s’agissant de l’effarouchement renforcé. »
Une consultation publique a d’ailleurs été ouverte jusqu'au 19 mai dernier sur ce sujet complexe qui intéresse aussi les citoyens. De nombreuses voix se sont élevées contre la pérennisation de ce dispositif jugé « inefficace » ou encore « dangereux pour l’espèce » .
Pourtant, l’arrêté a bel et bien été pris, prévoyant un cadre plus strict que celui utilisé lors des expérimentations, mais qui permet quand même aux éleveurs, groupements pastoraux ou gestionnaires d'estives de faire une demande au préfet pour utiliser des moyens d’effarouchement.
Effarouchement simple
Deux méthodes sont prévues par l’arrêté : l’effarouchement « simple » et l’effarouchement « renforcé ».
Pour le premier, qualifié de « simple » ; il s’agit de « l'utilisation de moyens d'effarouchement olfactifs et des moyens d'effarouchement sonores et lumineux suivants : torches, phares, signaux lumineux de toute nature, guirlandes lumineuses, cloches, sifflets, pétards, cornes de brume, sirènes, avertisseurs ou encore porte-voix. »
Il est précisé que les « dispositifs utilisant des systèmes pyrotechniques tels que les lance-fusées et les canons à gaz » sont prohibés.
Pour pouvoir mettre en place ces moyens il faut déposer une demande de dérogation auprès du préfet du département précisant l’identité de la personne qui va mettre en place ce système et la justification « d'au moins une attaque sur l'estive dans les 12 derniers mois, ou d'au moins quatre attaques cumulées sur l'estive au cours des deux années précédant la demande, ou de plus de dix attaques par an en moyenne lors des trois saisons d'estive précédentes ».
La mise en œuvre de ces mesures est strictement encadrée : cette dérogation est accordée « pour une durée maximale de 8 mois ne pouvant s'étendre au-delà de la saison d'estive en cours » et les opérations d’effarouchement ne doivent être déclenchées « qu'à proximité du troupeau » et uniquement « lorsque des indices témoignant de la présence récente de l'ours brun à proximité. »
Un compte-rendu de réalisation détaillant pour chaque opération d'effarouchement réalisée les moyens mis en œuvre, le lieu, la date et les résultats obtenus, est envoyé au préfet par le bénéficiaire avant le 30 novembre de chaque année.
Effarouchement renforcé
Deuxième cas de figure : pour la mise en œuvre de l'effarouchement dit « renforcé », la demande doit être aussi formulée auprès de la préfecture et doit s’accompagner « du compte-rendu (…) permettant le recours à l'effarouchement par tirs non létaux à l'aide d'un fusil de calibre 12 chargé de cartouches à double détonation, ou, pour la protection des personnes réalisant l'opération face au comportement menaçant d'un ours, de cartouches à munitions en caoutchouc. »
Le Conseil d’État avait pourtant annulé l’expérimentation des tirs non létaux pour effrayer les ours bruns le 8 février 2021 considérant que « le recours à l’effarouchement à l’aide de tirs non létaux autorisés par le préfet, n’est pas suffisamment encadré et pourrait avoir des effets sur le maintien des populations d’ours sur leur territoire naturel et l'amélioration de l'état de l'espèce. »
L’arrêté autorise pourtant cette mesure mais fixe davantage d’exigences pour accéder à ce type d’effarouchement qui « ne peut être réalisé en zone cœur du parc national des Pyrénées. » C’est d’abord un ultime recours, car l’effarouchement simple doit être d’abord mis en place. Les conditions sont aussi bien plus nombreuses puisque les tirs ne peuvent être, par exemple, effectués que la nuit, en binôme et depuis un poste fixe. L’arrêté liste aussi de nombreuses conditions liées aux munitions. Il est également précisé que « les personnes effectuant ces tirs doivent être titulaires du permis de chasser valable pour l'année en cours » et qu’une formation préalable est obligatoire pour pouvoir effectuer ce type d’opération.
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