Renouvellement des flottes de véhicules des collectivités : le gouvernement veut imposer des objectifs « intenables » selon les associations d'élus
Par Franck Lemarc
Quatre projets de décrets et un projet d’ordonnance ont été soumis à la consultation publique par le ministère de la Transition écologique. Le projet d’ordonnance – prévue pour entrer en vigueur dès le mois d’août prochain – a provoqué la surprise des associations d’élus : en effet, il y apparaît de nouvelles normes, non prévues dans la LOM (loi d’orientation des mobilités), et tellement contraignantes pour les collectivités qu’elles apparaissent « intenables » aux associations d’élus.
Rappelons qu’on parle ici des obligations qui vont s’imposer aux collectivités (et à l’État) en matière de « verdissement » de leur flotte de véhicules. La Lom, en décembre 2019, impose à l'article 76 que les collectivités locales et leurs groupements gérant un parc de plus de 20 véhicules acquièrent, lors du renouvellement de ce parc, au moins 20 % de véhicules à faibles émissions jusqu’au 30 juin 2021, puis 30 % ensuite. Les véhicules « à très faibles émissions » devront représenter 37,4 % des véhicules acquis ou utilisés à partir du 1er janvier 2026.
Concernant les autobus et les autocars, la loi impose l’achat de 50 % de véhicules à faibles émissions à partir du 1er janvier 2020, puis de 100 % au 1er janvier 2025.
Nouvelles catégories, nouveaux seuils
Dans les textes mis en consultation, une nouvelle « étape intermédiaire » est créée entre les 50 % et les 100 % : un seuil de 80 % devrait être atteint à partir du 1er janvier 2024. Par ailleurs, les nouveaux textes introduisent, pour l’achat des bus et cars toujours, une obligation d’achat d’une part de véhicules à très faibles émissions (VTFE), c’est-à-dire des véhicules électriques ou hydrogène. L’association Agir Transport, dans une contribution au débat, explique que « en 2024, avec ce seuil intermédiaire de 80% et cette obligation de renouvellement par des véhicules à très faibles émissions (VTFE), sur 100 autobus renouvelés, 40 autobus seront des VFE et 40 des VTFE ».
Or il faut rappeler que le coût des VTFE est aujourd’hui prohibitif. Pour mémoire, Agir Transport rappelle que si un bus thermique diesel coûte en moyenne 195 000 euros, un bus électrique en coûte plus du double (477 000 euros) et un bus hydrogène plus du triple (618 000 euros).
Agir Transport plaide pour que, contrairement à ce que souhaite le gouvernement, la filière biogaz et les carburants dits de transition ne soient pas abandonnés, puisqu’ils permettent « de réduire les émissions polluantes à un coût supportable pour les collectivités ».
Stratégie « contreproductive »
Dans un communiqué de presse publié ce matin, l’AMF et Agir Transport développent une position commune : si les deux associations sont naturellement d’accord avec l’objectif de verdissement des flottes de transport, elles demandent « que les nouveaux objectifs affichés par l’État prennent en compte la réalité des territoires ainsi que celle de l’offre de véhicules et d’énergies, et en particulier les véhicules de transport en commun ». Les nouvelles normes voulues par l’État en matière de bus et cars induirait « un surcoût de l’ordre de 30 % aujourd’hui et 50 % en 2024 ». Quant au seuil intermédiaire de 80 %, il apparaît aux associations « intenable financièrement pour les collectivités, qui n’ont pu l’anticiper ».
Pire, ces nouvelles normes pourraient s’avérer « contreproductives », dans la mesure où elles coûteraient tellement cher aux collectivités que celles-ci ne seraient plus en mesure de procéder aux renouvellements nécessaires, ce qui contraindrait les collectivités « à augmenter la durée de vie des véhicules les plus anciens et les plus polluants ».
Les associations en appellent donc, à demi-mot, au respect de la libre administration des collectivités, en rappelant que « communes et intercommunalités sont le meilleur échelon pour choisir des solutions optimales en matière de transports et d’énergie verte grâce à leur connaissance des paramètres locaux. Là où il existe des filières énergétiques locales, les collectivités font des choix raisonnés, indépendamment de toute doctrine ». Elles demandent aussi que les filières « de transition » ne soient pas « négligées », qu’il s’agisse des moteurs diesel à faibles émissions (norme Euro VI) ou des carburants alternatifs.
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