Consensus au Sénat contre l'obligation du port du casque à vélo
Par Franck Lemarc
Un petit tour, et puis s’en va. La proposition de loi du sénateur centriste de la Charente, François Bonneau, n’a pas dépassé le stade de la discussion générale au Sénat, hier après-midi.
Ce texte avait pour but de rendre obligatoire le port du casque non seulement à vélo, mais également pour les usagers de trottinettes électriques, gyropodes, overboard et autres « engins de déplacement personnel » qui se multiplient exponentiellement dans les villes. Constatant – et saluant – cette montée en puissance, le sénateur a toutefois plaidé que les cyclistes représentent « 6 % de la mortalité routière », en augmentation de plus de 20 % depuis 2010. Or seuls les enfants de moins de douze ans sont contraints à porter un casque, aujourd’hui.
Les associations de promotion du vélo contre l’obligation
« Le port du casque à vélo réduit de 51 % le risque de blessure à la tête et au visage », a justifié le sénateur, citant une étude australienne (l’un des rares pays ayant rendu obligatoire le port du casque à vélo). Mais moins d’un tiers des usagers du vélo, en France, portent un casque. Il y a donc urgence, selon lui, à modifier le Code de la route. La proposition de loi, composée d’un seul article, étend l’obligation de port du casque faite aux motards aux usagers des « cycles ». Le texte prévoit également l’immobilisation et la mise en fourrière des vélos dont les conducteurs sont incriminés.
Il faut rappeler que les associations de promotion du vélo, en particulier la Fub (Fédération des usagers de la bicyclette) et le Club des villes et territoires cyclables, sont farouchement opposés à cette obligation. Ces structures estiment en effet qu’une telle obligation est « anxiogène », parce qu’elle met en avant le fait que le vélo serait dangereux, et que cela pourrait représenter un frein contreproductif à l’usage de la bicyclette.
La ministre chargée de la citoyenneté, Marlène Schiappa, qui représentait le gouvernement dans ce débat, a d’abord rappelé les initiatives de l’exécutif en faveur du vélo : plan Vélo en 2018, loi d’orientation des mobilités en 2019, avec la création des zones de circulation apaisée, « déploiement des mesures éducatives pour accompagner une pratique sécurisée chez les enfants ».
La ministre, si elle a salué « l’objectif légitime visé » par la proposition de loi, s’est opposée à l’obligation du port du casque pour les cyclistes. Raison principale : le gouvernement craint de « provoquer un rejet en adoptant une législation contraignante ». Le gouvernement, a ajouté Marlène Schiappa, « privilégie l’incitation à l’obligation ».
Consensus complet
La plupart des sénateurs se sont retrouvés d’accord sur cette position du gouvernement : oui à la sécurité, mais non à l’obligation. « Cette proposition de loi est une fausse bonne idée. Oui, le casque est efficace et doit être conseillé, mais une obligation freinerait l'essor du vélo », a par exemple défendu l’écologiste Jacques Fernique, ajoutant : « Les vrais leviers de sécurité concernent l'adaptation de la voirie, la limitation de la vitesse, l'apprentissage du savoir-rouler et le travail sur les angles morts ». « Incitons et convainquons, plutôt que de sanctionner ! », a abondé le radical Jean-Claude Requier. « Une obligation (…) entraînerait une surcharge de travail des forces de l’ordre et des fourrières et risque de désinciter à la pratique du vélo. » Le socialiste Olivier Jacquin a rappelé qu’une telle obligation avait déjà été rejetée « par deux fois » lors de l’examen de la loi sur l’orientation des mobilités, et estimé que « la priorité est d'éviter les collisions avec d'autres véhicules à moteur en aménageant des infrastructures et en réduisant la vitesse ». La sénatrice LR Béatrice Gosselin, enfin, a jugé que le texte « a le mérite de soulever un débat utile », mais « l'obligation du port du casque à vélo (lui) semble complexe à mettre en œuvre », et la mise en fourrière encore davantage, en l’absence de carte grise. « Laissons les cyclistes prendre leurs responsabilités. »
Devant ce consensus général contre sa proposition, le sénateur Bonneau a retiré son texte, dont l’article unique n’a donc pas été débattu.
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