Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 9 février 2015
Mobilité durable

Bornes de recharge pour voitures électriques : toujours très loin du compte

Le projet de déploiement de bornes de recharge pour les voitures électriques déposé le 8 décembre dernier par le groupe privé Bolloré a été agréé par les ministres de l’Écologie et de l’Économie. Le projet est reconnu « de dimension nationale », ce qui lui vaut une exemption totale de toute redevance d’occupation du domaine public.
Le projet de Bolloré, baptisé « 16K », consiste à installer en quatre ans 16 000 bornes sur l’ensemble du territoire (précisément, dans 4 000 communes sur 94 départements). Le coût d’installation de ces 16 000 appareils étant de 150 millions d’euros, il paraissait indispensable pour le groupe de bénéficier de l’exonération de la redevance d’occupation du domaine public. Or, un décret du 4 novembre dernier fixait les règles en la matière : tout projet reconnu « de dimension nationale »  devait être exempté de redevance. Et le gouvernement avait alors mis la barre assez bas : pour être reconnu de dimension nationale, il suffisait à un projet de concerner « au moins deux régions ». Le projet Bolloré en concernant 22, il n’avait donc pas de souci à se faire sur son agrément au titre de projet de dimension nationale.
Reste à trancher l'épineuse question des autorisations d'occupation du domaine public : car si le groupe est exempté de redevance, il lui faudra néanmoins obtenir ces autorisations, ce qui n'est pas anodin lorsque l'on parle de 4 000 communes. Comment les choses se dérouleront-elles ? L'État lui-même se pose la question, et il va lancer une concertation sur ce sujet avec l'Association des maires de France. 
Le projet se déroulera en deux phases, la première se terminant le 31 décembre 2016 et la seconde le 30 juin 2019. Selon la décision parue au Journal officiel de vendredi dernier, « la totalité des communes concernées par le projet a vocation a été couverte dès la première phase ». La décision intervient au moment où – depuis le 10 janvier – Bolloré inaugure son troisième réseau de voitures électriques en libre-service, après Autolib à Paris et Bluely à Lyon, avec BlueCub à Bordeaux.
Pour ambitieux qu’il soit, le projet Bolloré ne permettra de réaliser qu’une part infime des projets gouvernementaux : rappelons que l’objectif officiel, confirmé encore dans le projet de loi de transition énergétique, est l’installation à terme de 7 millions de points de charge dans tout le pays. Le projet Bolloré représente donc à peine un peu plus de 0,2% du total de bornes à installer !
Le dossier porté par Bolloré étant le plus important reçu par l’État jusqu’à présent, on comprend que les ministères concernés ont quelques raisons de s’inquiéter, et que le développement des infrastructures de recharge n’est pas vraiment en train de décoller. L’État compte donc, une fois de plus, sur les collectivités pour compléter la carte. Rappelons qu’en juillet dernier (lire Maire info du 18 juillet 2014), des aides de l’Ademe ont été ouvertes à toutes les collectivités souhaitant installer un réseau de bornes de recharge sur la base minimale « d’un point de charge pour 3000 habitants ».
Le gouvernement doit, dans ce dossier, faire face à une difficulté qui semble difficile à résoudre : le principal frein au décollage des ventes de voitures électriques est le manque de bornes de recharge. Mais à l’inverse, bien peu d’opérateurs privés sont prêts à se lancer dans le déploiement massif de bornes en l’absence d’un marché réel (les voitures électriques ont représenté 0,6 % des immatriculations l’an dernier) Voilà qui ressemble à la quadrature du cercle. On comprend que de nombreux observateurs pensent que seule une initiative très ambitieuse de l’État lui-même peut permettre de sortir de l’ornière.

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