La loi Risques du 30 juillet 2003 a vingt ans. C’est cette loi, deux ans après la terrible catastrophe d’AZF qui fit 31 morts et des milliers de blessés, qui a instauré les Plans de protection des risques technologiques ou PPRT.
Vingt ans plus tard, ils sont au nombre de 378, concernant 800 communes. Ces plans concernent les sites Seveso seuil haut qui existaient déjà au moment du vote de la loi Risques. On entre aujourd’hui, rappelle Amaris, dans une nouvelle période, puisque « l’État se désengage de cette politique publique et va mettre un terme aux principaux financements », ce qui implique que les collectivités « se trouvent au milieu du gué, sans visibilité sur les conditions futures ».
Amaris a donc décidé de dresser le bilan de cette politique. L’association présidée par Alban Bruneau, maire de Gonfreville-l’Orcher où se situe la plus grande raffinerie du pays, estime que les PPRT ont conduit à quelques « réussites indéniables », au premier rang desquelles « la réduction des risques à la source », qualifiée « d’avancée fondamentale ». Selon les données collectées par Amaris, 90 % des PPRT ont conduit à une réduction des risques sur les sites industriels concernés : « L’État n’a pas lésiné et les industriels n’ont pas eu le choix. »
Autre avancée permise par les PPRT : l’ouverture de la concertation aux collectivités. La loi Risques a en effet imposé la création de « comités locaux d’information et de concertation sur les risques » incluant les collectivités. Ce dispositif a permis « l’acculturation » des élus et des agents, dans un domaine qu’ils ne connaissaient auparavant que très peu.
Amaris cite ensuite les points « plus mitigés ». Parmi eux, les mesures foncières touchant les habitants, en général « mal comprises et mal perçues ». Rappelons que la loi Risques a imposé des mesures radicales dans les zones où le danger est considéré comme mortel – l’expropriation ou le délaissement. Les collectivités interrogées par Amaris estiment avoir été transformées en « exécutrices de mesures impopulaires, sans soutien de l’État ». L’association rappelle en effet que « la mise en œuvre des mesures foncière a été portée exclusivement par les collectivités », alors qu’elles ont provoqué une grande « détresse » chez les habitants, voire « un traumatisme » notamment chez « des personnes âgées contraintes de quitter leur habitation ». Cette politique a en outre conduit à l’apparition de « quartiers en déshérence, sans projet », et sans « qu’aucune réflexion nationale ne (soit) venue accompagner et outiller les collectivités ».
Le plus long chapitre du rapport d’Amaris est hélas celui qui est consacré aux « échecs patents » du dispositif.
« Principal objectif et principal raté » de la loi Risques : la protection des habitants dans leur logement. À ce jour, selon Amaris, 75 % des logements privés concernés n’ont pas fait l’objet de travaux de mise en sécurité et « 30 000 personnes sont encore exposées aux risques industriels dans leurs habitations ». Pourtant, à partir du 31 janvier prochain, l’accompagnement financier de l’État sur ce sujet va peu à peu s’éteindre. Dispositif complexe, soutiens de l’État insuffisant, reste à charge « rédhibitoire » pour les habitants, non revalorisation des aides en 20 ans, absence totale de moyens financiers alloués aux collectivités pour engager l’information des habitants… Les mots des élus interrogés sont durs. Amaris estime même que « les faibles résultats obtenus tiennent de la prouesse pour les collectivités qui se sont saisies du sujet ». Pour l’association, les PPRT « ont creusé les inégalités face aux risques ».
Autre « rendez-vous manqué » : l’association et l’information de la population. « L’État a interpellé les habitants mais ne s’est pas donné les moyens de les écouter », juge Amaris, qui ajoute que « l’indigence des moyens affectés à l’accompagnement informationnel des PPRT n’a pas permis d’être à la hauteur de cet enjeu ».
Au-delà des habitations, un autre échec a été celui de mise en sécurité des usagers des ERP. Rappelons que les règles d’expropriation ou de délaissement ne s’appliquent pas aux bâtiments publics, ce qui signifie que les collectivités qui ont souhaité « délocaliser » des équipements situés en zone dangereuse ont dû le faire sans aide de l’État. « Comment un préfet a-t-il pu signer un PPRT en prescrivant la fermeture d’équipements publics, sans poser au préalable les conditions financières de leurs reconstructions ? », s’indigne Amaris.
L’association pointe enfin « l’angle mort des PPRT » que représente l’accompagnement des entreprises riveraines des sites Seveso. Dans les zones les plus dangereuses (zones rouges), « 60 % des mesures foncières impactant des biens d’activités économiques n’ont pas été mises en œuvre », ce qui veut dire que les salariés de ces entreprises ne sont pas protégés. « Aucun accompagnement à la relocalisation des entreprises n’a été proposé par l’État. Certaines entreprises, fragilisées, n’ont pas eu d’autres choix que de mettre un terme à leurs activités. »
Amaris conclut son rapport par une liste de propositions, au premier rang desquelles la demande insistante d’une « remobilisation » de l’État, au moment où « les principaux dispositifs d’accompagnement et de financement des PPRT arrivent à leur terme ». « Il n’est pas acceptable de laisser les habitants face au risque sans agir », plaide l’association.
Elle demande également l’élaboration de « feuilles de route locales », sous l’autorité des préfets, pour intégrer « les besoins et les attentes » spécifiques de chaque territoire.
La question financière n’est évidemment pas absente des préoccupations d’Amaris, qui demande que les ressources financières nécessaires soient enfin mobilisées. Ce qui pourrait passer par la création d’un « fonds national pour la prévention des risques industriels », sur le modèle du Fonds Barnier pour les risques naturels, dont l’association propose qu’il soit financé par une taxe sur les 1 300 sites Seveso. De plus, la réalisation financière des programmes PPRT n’atteignant que 50 %, il reste 500 millions d’euros dans les caisses qui pourraient être « directement fléchés » vers ce fonds.
Amaris demande par ailleurs que le plafond d’aides aux propriétaires de logements pour la mise en protection soit réévaluée.
« L’État est et doit rester responsable », conclut Amaris, qui appelle « l’État, le gouvernement et les parlementaires à écrire, avec l’ensemble des acteurs concernés, une nouvelle page sur la mise en sécurité des populations permettant de s’engager dans une action durable. »
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