Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 18 mars 2022
Sécurité

Ministère de l'Intérieur : un projet de loi de programmation aux allures de programme électoral

Le gouvernement a présenté mercredi en Conseil des ministres un vaste projet de loi de programmation du ministère de l'Intérieur, qui ressemble à un programme pour les années à venir en cas de réélection d'Emmanuel Macron. Tour d'horizon de ce qui concerne les communes et les EPCI. 

Par Franck Lemarc

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Un projet de loi d’orientation et de programmation présenté moins d’un mois avant la fin du quinquennat, voilà qui n’est pas banal. Le texte présenté par Gérald Darmanin mercredi devant le Conseil des ministres, et aussitôt déposé à l’Assemblée nationale, fixe notamment la trajectoire budgétaire du ministère de l’Intérieur pour la période 2023-2027. Il suppose donc, pour être appliqué, un petit détail : la réélection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République. Dans l’exposé des motifs du texte, le ministre de l’Intérieur, saute d’ailleurs gaillardement par-dessus cette condition puisqu’il écrit, après avoir fait le bilan du quinquennat qui se termine : « Ces cinq années de réparation se prolongeront pendant les cinq suivantes. » 

La méthode peut surprendre, mais le texte existe, a été examiné par le Conseil national d’évaluation des normes et le Conseil d’État, et est maintenant en attente de discussion à l’Assemblée nationale.

« Effort augmenté » 

Le projet de loi commence par fixer une ligne de programmation pour les cinq prochaines années. Après une augmentation de 10 milliards d’euros du budget du ministère de l’Intérieur pendant la période 2017-2022, il est proposé « un effort augmenté »  pour le prochain quinquennat, avec 15 milliards d’euros de plus sur cinq ans. 

Le titre suivant du texte est consacré à « la révolution numérique du ministère », avec notamment des moyens très fortement accrus pour lutter contre la cybercriminalité – évolution que Gérald Darmanin compare à la création de la police judiciaire par Georges Clemenceau. 

Le titre III est relatif à « la proximité » : le ministère de l’Intérieur entend « se rapprocher des citoyens et des territoires ruraux ». Pas moins de « 200 brigades de gendarmerie seront créées »  et « la présence de l’État dans les territoires sera renforcée notamment dans les zones périurbaines et rurales ». On notera cependant que ces renforcements, s’ils sont annoncés dans l’exposé des motifs, ne figurent pas dans le texte. Étrangement, le chapitre II du titre III, qui s’intitule « Doublement de la présence et accueil des victimes », ne contient en effet aucun article relatif au « doublement de la présence »  ou aux effectifs.

Le titre IV, enfin, comporte un certain nombre de mesures d’organisation interne et de « réponses aux crises ».

Ce qui concerne les collectivités

Les élus locaux devront retenir de ce texte, d’abord, l’article 9, qui permet notamment à une collectivité territoriale de se porter partie civile lorsqu’un de ses membres élu (ou son conjoint, ses enfants ou ses parents) est victime d’un crime ou d’un délit. 

Lors de l’examen du texte par le Conseil national d’évaluation des normes (Cnen), le 22 février, les représentants des élus ont salué cette évolution « opportune », tout en s’interrogeant sur la possibilité pour les associations représentatives d’élus de se porter également partie civile. Les représentants du ministère ont rappelé qu’il n’était actuellement possible qu’aux associations départementales de l’AMF de se porter partie civile. Les élus ont demandé qu’une réflexion soit engagée pour permettre aux associations nationales de faire de même. 

Autre article concernant directement les maires : l’article 14, qui modifie le droit funéraire. En l’état actuel du droit, les opérations de surveillance de la fermeture et du scellement des cercueils, en cas de crémation et en cas de transport du corps du défunt en dehors de la commune de décès ou de dépôt (lorsqu’aucun membre de la famille n’est présent au moment de ses opérations), s’effectuent sous la responsabilité de la police en zone police nationale, et sous celle du maire en zone gendarmerie. Le projet de loi prévoit de passer ces opérations partout sous responsabilité des maires, y compris en zone police. Les opérations se dérouleraient donc partout en présence d’un garde champêtre, d’un agent de la police municipale ou, à défaut, « d’autres agents communaux ». Ces agents communaux, qui agiront sous responsabilité du maire, devront nécessairement être agréés par le préfet. Ces compétences pourraient être transférées, le cas échéant, aux EPCI compétents.  

Cette réforme, si elle est adoptée, concernerait 1574 communes, actuellement en zone police nationale. Il s’agit clairement d’alléger la tâche des agents de police. L’étude d’impact du texte indique que la réforme amènera « un surplus d’opérations »  pour les communes concernées estimé au total à 140 000 heures par an. Ce transfert de compétence doit être intégralement compensé dans la prochaine loi de finances, pour une entrée en vigueur prévue au 1er janvier 2023.

Journée de la résilience

Enfin, il faut retenir de ce texte son article 28, qui prévoit la création d’une « journée nationale de la résilience », visant à « assurer la préparation de la population face aux risques naturels ou technologiques », et qui instaurerait l’obligation pour les employeurs privés et publics d’organiser « au moins une fois par an une information relative aux conduites à tenir, incluant les gestes qui sauvent, en cas d’évènement mettant en danger la vie des personnes et résultant de la survenance d’un risque majeur ». 

L’impact de ces dispositions sur les collectivités locales n’a pas pu être mesuré avec précision par les services de l’État. Selon les estimations, les agents pourraient être mobilisés entre deux heures et une demi-journée. Par ailleurs, ont reconnu les représentants de l’État au Cnen, « les maires devront, en plus de la réalisation du document de planification, compléter l’information préventive qui sera faite auprès de la population de manière générale ». 

Il reste maintenant à attendre les élections présidentielle et législatives pour savoir ce qu’il adviendra de ce texte qui peut, d’ores et déjà, être considéré comme le programme officiel du candidat Macron en matière de sécurité. S’il est réélu et pourvu d’une majorité à l’Assemblée nationale, nul doute que ce texte sera l’un des premiers à être débattu au Parlement, puisqu’il est prévu qu’il soit adopté avant la loi de finances pour 2023, donc d’ici à la rentrée prochaine. 

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