Accueil des migrants : le gouvernement reçoit les maires mais n'apporte pas de réponse à leur « cri d'alarme »
Il y a une semaine, treize maires de grandes villes – dont les présidents de l’AMF et de France urbaine, François Baroin et Jean-Luc Moudenc – s’adressaient une nouvelle fois à l’État, par le biais d’une tribune publiée dans la presse, pour l’interpeller sur la situation alarmante des migrants à la rue. Le ministère de l’Intérieur les a reçus sur cette question, hier, place Beauvau.
« Dans les campements de fortune qui se sont installés au cœur de nos villes, on compte chaque jour plus d’hommes, de femmes et d’enfants. Il n’est pas rare d’y voir des nourrissons et des familles entières en attente d’une solution. Livrées à elles-mêmes, exposées à toutes les difficultés qu’implique la vie dans la rue, ces personnes sont dans une situation d’extrême vulnérabilité. » C’est ce qu’écrivaient la semaine dernière les maires de grandes villes, dénonçant le fait que l’État refuse de prendre ses responsabilités en la matière et laisse les collectivités seules pour « prendre en charge celles et ceux que la carence de l’État contraint à vivre dans des conditions indignes ».
Au moment même où paraissait cette tribune, une vingtaine de maires de grandes villes et les associations d’élus concernées recevaient une invitation de Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, et Julien Denormandie, ministre chargé de la Ville et du Logement, à venir « échanger » sur ces questions et « construire ensemble des réponses pragmatiques et adaptées ». Dans leur invitation, les deux ministres reconnaissaient l’existence de « campements formés dans des conditions indignes » impliquant « de forts enjeux en termes de tranquillité et de salubrité publique ».
« Secourir, accueillir, intégrer »
Hier, ce sont 21 élus qui ont été reçus place Beauvau (1). Les échanges, indique un communiqué du ministère publié dans la foulée, ont permis « de souligner la complexité des enjeux et la nécessité d’avoir des réponses coordonnées » – ce qui signifie qu’aucune annonce concrète n’a été faite aux maires concernés.
La suite du communiqué le prouve : après s’être félicités de la mobilisation du gouvernement (« augmentation de 14 % des capacités d’accueil des demandeurs d’asile », « multiplication par plus de trois des capacités dédiées aux réfugiés en deux ans » ), les ministres ont finalement expliqué aux maires que c’était à eux d’agir : « L’État continuera de prendre ses responsabilités mais il ne peut agir seul. Les ministres ont invité les collectivités à poursuivre/intensifier leur engagement, notamment en fixant des objectifs à la hauteur du défi de la crise migratoire. (…) La mobilisation ne sera efficace que si elle est collective ».
Une réponse qui ne pouvait satisfaire les maires présents. François Baroin, au nom de l’AMF, a notamment rappelé une fois encore que cette question relevait d’une compétence régalienne, et que si les maires sont en première ligne pour agir, ils « demandent de manière pressante de la concertation et de l’information », et surtout « des moyens financiers et des places d’hébergement ». Rappelons que l’AMF demande également une répartition territoriale équilibrée des demandeurs d’asile et des réfugiés, qui doit s’appuyer sur un diagnostic prenant en compte les données économiques, sociales et financières des territoires et leurs capacités à prendre en charge ce type de public.
Interrogé ce matin sur ce sujet, François Baroin a rappelé pour Maire info qu’il ne s’agit « pas seulement d’une problématique de grandes villes mais d’une problématique nationale ». « Ce que nous demandons, c’est que l’État soit à la hauteur. Ce sont des sujets d’une extraordinaire douleur – il y a des morts, il y a des femmes violées ! Nous avons envoyé deux courriers au gouvernement sur ce sujet, sans réponse pendant 18 mois, sans même un accusé de réception. » Pour le président de l’AMF, les deux ministres n’ont apporté aucune réponse concrète au « cri d’alarme » des maires. « La plupart du temps, c’est nous, avec nos CCAS, qui mettons en place les mesures d’urgence dans nos communes, avec un triple objectif : secourir, accueillir, intégrer. Nous jouons notre rôle en étant aux côtés de l’État, mais nous demandons une politique adaptée à la réalité de chaque territoire. »
Seul élément chiffré livré par les ministres lors de cette réunion : une enveloppe « de 101 millions d’euros » prévue dans le projet de loi de finances pour construire de nouveaux hébergements. Mais cela reste encore très insuffisants face à la thrombose des structures existantes, d'autant que, a fait remarquer François Baroin, cette enveloppe servira également à reloger les femmes victimes de violence.
F.L.
(1) Représentant les villes ou agglomérations de Paris, Rennes, Lille, Grande-Synthe, Clermont Auvergne, Beauvais, Brest métropole, Aubervilliers, Bordeaux, Grand Besançon métropole, Metz, Toulouse, Grenoble, Dijon métropole, Strasbourg, Annecy, Nantes métropole, Grand Nancy métropole, Saint-Denis, Montpellier Méditerranée métropole.
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