Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 10 octobre 2024
Eau et assainissement

Michel Barnier veut supprimer l'obligation de transfert de l'eau et l'assainissement en 2026

C'est un coup de théâtre, parfaitement inattendu, qui s'est produit hier au Sénat, avec l'annonce par le Premier ministre de son intention d'en finir avec le transfert obligatoire de l'eau et de l'assainissement aux intercommunalités en 2026. Reste à savoir si ce qui n'est, pour l'instant, qu'une déclaration d'intention, deviendra réalité.

Par Franck Lemarc

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© Sénat

C’est au détour d’une question au gouvernement sur « les économies demandées aux collectivités territoriales »  que le Premier ministre, Michel Barnier, a lâché sa petite bombe sur le transfert obligatoire de l’eau et de l’assainissement en 2026. Interrogé par la sénatrice Cécile Cukierman sur les 5 milliards d’euros qui vont être ponctionnés sur les collectivités territoriales dans le projet de loi de finances – ponction jugée « honteuse »  par la sénatrice qui demande à l’État « d’assumer sa dette »  –, Michel Barnier a pris la parole pour défendre sa politique. 

« Il n’y aura plus de transfert obligatoire » 

L’argent des collectivités a été « bien utilisé » , et « nombre de (leurs) dépenses sont subies ou contraintes » , a reconnu Michel Barnier. Mais ces dépenses ont « beaucoup trop augmenté »  et « elles contribuent aussi au déficit de la France » . C’est pourquoi « un effort »  sera demandé aux collectivités, « dans un esprit de partenariat ».

Mais Michel Barnier a aussitôt ajouté que cet effort doit s’accompagner d’un « allégement des contraintes qui pèsent »  sur les collectivités, de davantage de « libertés locales », ajoutant que « cela coûte souvent moins cher et peut rapporter beaucoup ». Et de poursuivre, comme en passant : « Je voudrais juste prendre un exemple, celui de l’eau et de l’assainissement » , question qui, dix ans après la loi Notre, reste « une difficulté, presque une blessure dans la confiance entre le gouvernement et le Sénat. Le gouvernement souhaite adopter une position de clarté. »  Et le Premier ministre a annoncé, déclenchant les applaudissements nourris du Sénat : « On ne va pas revenir sur les transferts déjà réalisés, mais il n’y aura plus de transfert obligatoire en 2026 ». 

Le Premier ministre, dans ses propos, n’a pas vraiment caché que cet engagement – indolore financièrement pour l’État – est une concession faite aux communes pour faire avaler la potion amère des restrictions budgétaires : il a dit espérer que cette orientation « permettra de faire comprendre aux communes, malgré l’engagement que nous avons de faire cet effort ensemble, que nous souhaitons leur donner plus de liberté et leur faire davantage confiance ».

Cette annonce reste néanmoins une excellente nouvelle pour de nombreux maires qui ne souhaitent absolument pas transférer leur compétence eau et assainissement – annonce en rupture totale avec la position des précédents gouvernements, depuis 10 ans. C'est également une bonne nouvelle pour l’AMF qui défend, depuis des années, l’idée d’un transfert au strict volontariat – au nom des maires comme à celui des présidents d'intercommunalité, souhaitant que les communes comme les intercos soient libres de décider de qui fait quoi. « Liberté »  et « confiance », les mots de Michel Barnier sont choisis – ils correspondent à ce que l’AMF ne cesse de demander. 

L’AMF satisfaite, IdF ulcérée

Le président de l’AMF, David Lisnard, a d’ailleurs aussitôt réagi sur X, saluant « la décision de Michel Barnier, (une) revendication de l’AMF pour que soient respectées la subsidiarité et la coopération au profit de la qualité du service » . L’AMF elle-même a également réagi sur X pour se réjouir d’une « mesure de liberté et d’efficacité » : « L’AMF a toujours porté cette proposition et salue cette mesure de liberté, respectueuse du principe de subsidiarité. Pour que le service de l’eau soit efficace et de qualité, les communes et leur intercommunalité doivent pouvoir choisir son mode d’organisation et déterminer librement du transfert ou non de cette compétence en fonction des réalités locales. » 

Sans surprise, la réaction est beaucoup plus glaciale du côté de l’association Intercommunalités de France dont le président, Sébastien Martin, dit avoir « rarement vu un tel niveau de mépris à l’encontre des intercommunalités » . Le président d’IdF rappelle que cette proposition devra passer par le Parlement. « Nous entendons bien agir auprès des députés pour que cette proposition n’aboutisse pas. » 

Une proposition de loi à compléter

Quel sera le vecteur législatif de la proposition du Premier ministre, justement ? Il existe déjà, et Michel Barnier ayant salué « l’engagement »  des sénateurs Jean-Michel Arnaud et Alain Marc sur ce sujet, auteur et rapporteur de ce texte, il ne fait pas de doute que c’est sur cette proposition de loi que le gouvernement va s’appuyer.

Il s’agit d’un texte « visant à assouplir la gestion des compétences eau et assainissement » , déposé le 29 avril 2024. Il est à noter que ce texte non seulement ne propose pas la suppression du transfert obligatoire en 2026, mais qu’au contraire de ce qu’a déclaré le Premier ministre, il propose de revenir sur certains transferts opérés. 

Le gouvernement devra donc rédiger ses propres amendements à ce texte pour mettre en musique les annonces du Premier ministre, sauf si d’autres sénateurs le font avant lui. On le saura très rapidement, puisque ce texte va être débattu au Sénat en séance publique jeudi prochain, le 17 octobre. 

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