Meublés de tourisme : le Sénat ampute la niche fiscale et amende certains pouvoirs accordés aux mairesÂ
Par A.W.
Redonner du pouvoir aux maires et s'attaquer à la niche fiscale « Airbnb » afin de tenter de lutter contre la crise du logement. Les sénateurs ont adopté, hier soir, en séance et à l'unanimité, la proposition de loi transpartisane visant à « renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale », comme ils l'ont ainsi renommée.
Très attendu par les élus locaux, ce texte porté à l’origine par la députée Renaissance Annaïg Le Meur (Finistère) et son homologue socialiste Iñaki Echaniz (Pyrénées-Atlantiques) a longuement cheminé depuis son dépôt en février 2023, avant d’être adopté en début d’année par l'Assemblée nationale.
Ne pas « devenir des stations balnéaires »
Mise une première fois à l'agenda au printemps dernier, elle a d’abord été reportée sine die, avant que son examen complet dans l’hémicycle, débuté en décembre, ne soit avorté par les députés LR et RN qui ont multiplié les manœuvres pour ralentir les discussions en invoquant notamment la défense des « petits propriétaires » et en déplorant « la contrainte et la punition » avec « encore plus d’impôts ».
Un parcours à l’Assemblée qui contraste avec son parcours sénatorial où la droite – majoritaire – l’a accueillie favorablement, les meublés de tourisme et les plateformes qui les hébergent étant régulièrement accusés de participer et d’entretenir la pénurie de logements, notamment dans les grandes villes et les littoraux particulièrement touristiques.
En témoigne, le sénateur des Pyrénées-Atlantiques Max Brisson (LR), à l’avant-garde sur ce sujet et à l’origine notamment de la suppression de la niche fiscale « Airbnb » au sein du budget 2024 (mais dont la teneur a été suspendue par le gouvernement), qui a, une nouvelle fois, défendu la nécessité de « réguler un marché devenu dans certains territoires fortement spéculatif et hautement déstabilisateur ».
Confrontés à « des situations de déséquilibre extrêmement inquiétantes », certains territoires sont particulièrement frappés par cette situation. Max Brisson a ainsi dénoncé le fait que « près de 20 000 » des 198 000 logements de l’agglomération du pays basque soient devenus des meublés de tourisme et « 45 000 des résidences secondaires ». Résultat, « aujourd’hui, le pays basque totalise plus de logements dédiés au tourisme que de logements privés alloués à l’année », les prix de l’immobilier y étant devenus « prohibitifs » et « exclusifs de la population locale », a-t-il déploré, assurant que « les communes ne peuvent se résoudre à devenir de simples stations balnéaires ».
Niche fiscale supprimée… sauf pour les meublés classés
Afin d’y remédier, les sénateurs ont ciblé la niche fiscale très avantageuse et décriée des meublés de tourisme qui favorise leur essor.
« Une absurdité » pointée par le sénateur communiste de Paris Ian Brossat qui a rappelé « qu'aujourd'hui, un propriétaire paye plus d'impôts s'il loue son logement à un salarié à l'année que s'il loue son logement à des touristes ». S’ils ont décidé de revoir cet avantage fiscal, les sénateurs ont, toutefois, atténué la mesure initiale adoptée par les députés.
Alors que ces derniers avaient choisi d’aligner la fiscalité de l'ensemble des locations de courte et de longue durée - en fixant un même taux d’abattement fiscal de 30 % (contre 71 % jusqu'à présent), avec une exception pour ceux situés en « zone rurale très peu dense ou en station classée de sport d’hiver » – , la chambre des territoires a préféré, via un amendement LR lors de l’examen du texte en commission, rétablir un abattement de 50 % pour les meublés de tourisme classés.
L’objectif est de conserver « une incitation au classement », a défendu le rapporteur général du Budget Jean-François Husson, qui a, au passage, fait supprimer l'exception de ruralité et de station de ski. Une mesure qui s’appliquerait aux revenus perçus « à compter du 1er janvier 2025 ».
Après avoir donc suspendu l’effectivité d’une mesure similaire inscrite dans le budget 2024 et alors que le rapporteur général de la commission des finances, Jean-René Cazeneuve (Renaissance), a tenté de s’opposer, par amendement, à cette disposition fiscale lors de l’examen à l’Assemblée, l'exécutif ne s’est toujours pas clairement positionné sur ce point. Reconnaissant que l'avantage fiscal est « excessif », le ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, s’est contenté d’assurer que « le statu quo n'est pas satisfaisant ».
Durée maximale : l'abaissement à 90 jours écarté
Autre infléchissement important, les sénateurs ont décidé de supprimer la possibilité pour les maires d’abaisser de 120 à 90 jours par an la durée maximale de location d’une résidence principale.
« Cette mesure porte atteinte au droit de propriété […] sans pour autant avoir le moindre effet sur l’offre de location de longue durée et donc sur la situation de pénurie de logement », a justifié la sénatrice LR Anne Chain-Larché, dans son amendement, dans lequel elle redoute également que cela n'« affecte négativement le pouvoir d’achat des ménages recourant à la location de courte durée ».
De son côté, son collègue Max Brisson s’est interrogé sur « ce qu’est une résidence principale quand elle est louée quatre mois dans l’année ». « On retiendra que le Sénat ne fait pas confiance aux maires », a, pour sa part, brocardé le sénateur PS de Paris Rémi Féraud.
Résidences principales : les zones exclusives étendues
La chambre haute a, en revanche, renforcé certains outils permettant aux maires de mieux réguler les meublés touristiques.
En premier lieu, l’abaissement du taux minimal de résidences secondaires permettant aux communes de délimiter des zones exclusives de résidences principales. Une mesure qui doit permettre d’accorder à certaines communes de créer des zones réservées aux résidences principales.
Une faculté qui bénéficierait aux communes dont « le taux de résidences secondaires est supérieur à 15 % », et non plus 20 %, comme voté par les députés, à l’origine.
« Ce qui permettrait d’intégrer 2 791 communes supplémentaires », en plus des « 7 672 communes » initialement prévues, selon les données de l’ANCT citées par les sénateurs écologistes dans leur amendement (les députés évoquaient plutôt le chiffre de « 9 316 communes » ). Ceux-ci citant « des communes comme Douarnenez, Guidel, Dax, Anglet, Mèze, Aix-les-Bains, Motz, Chindrieux, Corte, Cagnes-sur-Mer, La Ciotat, Sainte-Luce... dont le taux de résidences secondaires a aussi des conséquences néfastes sur l’emploi, le social, l’économie locale et bien sûr des conséquences écologiques ».
En outre, les sénateurs ont doublé les amendes civiles en cas de changement d'usage irrégulier d'un local pour les loueurs et les conciergeries en faisant passer le montant maximum de l’amende de 50 000 à 100 000 euros.
DPE : l’étiquette D pour 2034
Ils ont également allongé le délai laissé aux propriétaires de meublés touristiques pour se conformer aux exigences de décence énergétique : l'étiquette énergétique classée D ne serait nécessaire qu'en 2034, contre 2029 selon la version votée à l'Assemblée nationale.
Pêle-mêle, ils ont aussi voté l’exigence d'une preuve de la qualité de résidence principale du meublé lors de la déclaration et d'une attestation de conformité à des règles de sécurité électrique et de sécurité incendie, ainsi que la mise à disposition de la commune et de l’EPCI des données d'enregistrement collectées par le téléservice lors de la déclaration avec enregistrement (le numéro d’enregistrement, la qualité de résidence principale ou secondaire du meublé de tourisme…).
Par ailleurs, ils ont voté la possibilité pour les communes insulaires métropolitaines de délimiter des quotas d'autorisations temporaires de changement d'usage sur tout leur territoire et pour les communes, en général, d’établir des quotas d'autorisations temporaires de changement d'usage en part de logements concernés par rapport au parc total.
Sénateurs et députés doivent désormais s’accorder sur un texte commun dans le cadre d’une commission mixte paritaire (CMP) dont la date n’a pas encore été fixée.
Consulter le texte adopté par les sénateurs.
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