Maire-info
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Édition du mardi 25 février 2025
Mayotte

Ce que contient la loi d'urgence pour Mayotte, publiée ce matin

La loi d'urgence pour Mayotte a été publiée ce matin au Journal officiel, après son adoption relativement rapide par le Parlement. Elle va permettre un certain nombre de dérogations au droit commun pour reconstruire l'archipel dévasté par le cyclone Chido.

Par Franck Lemarc

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© Croix-Rouge

Il aura fallu environ un mois pour adopter le projet de loi d’urgence pour Mayotte, ce qui est à la fois peu et beaucoup. Peu, au regard du temps habituel nécessaire à une navette parlementaire ; beaucoup, vu la situation d’urgence absolue qui prévaut sur l’île depuis le 14 décembre, et lorsque l’on se souvient qu’au moment du covid-19, le Parlement avait su adopter des lois d’urgence en 48 heures.

Quoi qu’il en soit, le texte a été publié ce matin au Journal officiel, et la plupart des mesures qu’il contient sont d’application immédiate. 

Règles d’urbanisme

Il est constitué de 36 articles, répartis en six chapitres. 

Le premier chapitre est consacré à la reconstruction en général et à celle des écoles en particulier. Un nouvel établissement public foncier « chargé de coordonner les travaux de reconstruction »  va être créé par ordonnance. Il sera dirigé par le général Pascal Facon et présidé par le président du conseil général de Mayotte. Son conseil d’administration, précise la loi, comprendra le président de l’Association des maires de Mayotte et cinq représentants des communes et EPCI de l’archipel. Cet établissement va remplacer l'Epfam (Etablissement public foncier et d’aménagement de Mayotte), très décrié par les élus locaux pour son inefficacité.

L’article 3, très débattu, fixe les règles en matière de reconstruction des écoles : ce sera bien l’État qui prendra la main pour « la construction, la reconstruction, la rénovation, la réhabilitation, l'extension, les grosses réparations et l'équipement des écoles publiques ». Après de longs débats, il a été acté que la construction de nouvelles classes ne pourrait se faire qu’après accord des maires concernés. 

L’article 4 concerne les « constructions démontables et temporaires ». Elles seront « dispensées de toute formalité au titre du Code de l’urbanisme »  et pourront déroger aux dispositions des PLU, mais seront soumises à l’accord des maires. L’usage de ces bâtiments modulaires a été strictement délimité par le législateur : bureaux pour les services publics dont les locaux ont été détruits, classes démontables, ou logement « pour des personnels séjournant temporairement à Mayotte dans le cadre d'une mission de soutien aux victimes ». Ces bâtiments devront obligatoirement être démontés au plus tard le 24 février 2027. La députée Estelle Youssouffa a redit, lors de l’adoption définitive de ce texte, les « vives réserves »  des élus mahorais vis-à-vis de ces bâtiments « temporaires » : « Mayotte veut du solide, du durable, du concret pour sa reconstruction ; nous refusons le bricolage du modulaire et serons attentifs à son usage. » 

L’article 6 réglemente la vente de tôles et la subordonne à la présentation d’un document d’identité et d’un justificatif de domicile. 

Marchés publics et prêts à taux zéro

Au chapitre III, une série d’articles dispense d’autorisations d’urbanisme (ou les accélère) un certain nombre d’opérations de reconstruction à l’identique sur les logements, les installations électriques et radioélectriques, etc. Les procédures habituelles, dont la consultation du public, sont simplifiées et accélérées. 

L’un des articles les plus critiqués du texte a finalement été supprimé par le Parlement : il s’agissait d’une disposition permettant à l’État de faciliter les expropriations et, selon les termes d’Estelle Youssouffa, de « déposséder les Mahorais de leurs terres ». « La population était inquiète. Ce projet de loi d’urgence ne s’attaque pas aux terres mahoraises et c’est heureux. » 

En matière de commande publique, là encore les règles ont été simplifiées, avec un élargissement des possibilités de marchés sans publicité mais avec mise en concurrence pour les travaux inférieurs à 2 millions d’euros HT, voire sans mise en concurrence pour les travaux de moins de 100 000 euros HT. 

La loi autorise également de déroger aux règles de l’allotissement : les marchés liés à la reconstruction « peuvent faire l’objet d’un marché unique ». Néanmoins, les acheteurs pourront réserver jusqu’à 30 % du montant d’un marché à des PME, TPE ou artisans locaux.

Enfin, le reste du texte vise à faciliter les dons pour Mayotte et comprend un certain nombre de mesures fiscales et sociales. Il est notamment prévu la mise en place d’un prêt à taux zéro qui sera accordé aux habitants pour la reconstruction ou la réparation de leur logement, dans la limite de 50 000 euros, remboursable sur 20 ans. Cette disposition a rencontré de fortes réserves des élus mahorais, dans la mesure où de nombreux habitants pauvres de l’archipel ne présenteront pas les garanties suffisantes pour obtenir ces prêts. Il a certes été créé un fonds de soutien destiné aux habitants ayant subi des dégâts, mais son montant est si modeste qu’il ne permettra aucune reconstruction (lire Maire info du 17 février). 

Signalons enfin que l’article 35 de la loi impose au gouvernement de fournir, au plus tard le 24 mars prochain, « un bilan exhaustif de la catastrophe », incluant le nombre de morts, de disparus, de « blessés et d’amputés ». Il aura donc fallu attendre plus de trois mois pour obtenir un bilan, ce qui est du jamais vu pour une catastrophe naturelle survenue en France. 

« Alertes » 

Lors de l’adoption de ce texte, Estelle Youssouffa a adressé deux « alertes »  au gouvernement. La première concerne les écoles : « Des familles mahoraises se voient refuser l’inscription de leurs enfants dans les écoles de La Réunion. Plusieurs remontées concordantes font état de la décision coordonnée des élus locaux réunionnais pour refuser d’inscrire les enfants français de Mayotte dans leur département. »  La députée a demandé « solennellement »  à Manuel Valls, ministre des Outre-mer, « de rappeler ces élus à la loi et de mettre fin à cette discrimination à l’égard des Mahorais à La Réunion ». Le ministre a répondu en rappelant à la députée que « les élus n’ont pas la main sur les inscriptions scolaires », et affirmé que « les enfants mahorais ont le droit d’être accueillis partout ». 

Par ailleurs, Estelle Youssouffa a fustigé « les assureurs qui trainent des pieds pour indemniser », en exigeant « de nouvelles pièces justificatives telles que des titres de propriété, alors que ces documents ne sont pas exigibles selon les contrats d’assurance ». Le ministre n’a pas répondu sur ce sujet. 

Manuel Valls a en revanche rappelé que ce texte n’est qu’une « première réponse », et qu’après « le temps de l’urgence viendra celui de la refondation ». Dans « quelques semaines », le gouvernement présentera un deuxième texte, « une loi-programme pour Mayotte, destiné à permettre le développement économique, éducatif et social du territoire sur de nouvelles bases ». 

Et le ministre a conclu en affirmant que le gouvernement « ne laissera pas Mayotte redevenir une île-bidonville ». Il s’attaquera « très sérieusement à l’immigration illégale qui (…) nécrose Mayotte », ce qui constituera « un volet primordial de la loi-programme ». 

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