À Mayotte, la course contre la montre
Par Franck Lemarc
Quelque 120 tonnes de nourriture doivent arriver aujourd’hui à Mayotte et être réparties entre la grande île (Grande-Terre) et la petite (Petite-Terre). C’est une urgence absolue, car dans certaines zones, il n’y a déjà plus rien à manger – au point que le président du département, Ben Issa Ousseni, a prononcé lundi le mot de risque de « famine ». Le risque ne touche pas que les quartiers les plus pauvres : même dans des quartiers plus favorisés, les réserves que pouvaient conserver les habitants dans des congélateurs seront bientôt perdues, faute d’électricité. Et de nombreux habitants sont dans l’incapacité d’acheter à manger pour la simple raison que les distributeurs de billet sont hors service et que, faute de réseau, les terminaux de paiement ne fonctionnent pas.
Pour ceux qui peuvent encore faire des achats dans les commerces, le préfet « invite chacun et chacune à faire preuve de civisme et de modération dans les achats pour que chacun puisse avoir accès à des vivres ».
Point de situation
C’est notamment pour cette raison que le préfet a décidé hier l’instauration d’un couvre-feu de 22 heures à 4 heures du matin, « pour prévenir les pillages ». Durant cette période, il est « interdit à toute personne à l'exception des forces de sécurité intérieure, des services de secours et des services concourant à la gestion de crise, de se déplacer sur le département », détaille la préfecture.
Par ailleurs, le préfet a fait hier un point de situation. Sur la question cruciale de l’eau, les choses semblent progresser peu à peu. La distribution de bouteilles d’eau est « en cours d’organisation, en lien avec les mairies », mais surtout, la Société mahoraise des eaux (SMAE) « est en train de rétablir le réseau », avec pour objectif d’approvisionner 50 % de la population sous 48 h et 75 % « d’ici la fin de la semaine ». En attendant, il reste demandé à la population de faire bouillir l’eau avant de la consommer, pour tenter de prévenir les risques de contamination.
Sur la question de l’électricité, « les dégâts sont immenses », reconnaît le préfet, et le rétablissement du réseau sera long. François Bayrou, hier, a précisé que « le réseau haute tension n’a pas été touché et fonctionne » et que les dégâts touchent surtout le réseau à basse tension.
Quant au réseau téléphonique, il est inégal selon les opérateurs : le préfet indique que « plusieurs infrastructures » d’Orange ont pu être rétablies. À l’inverse, le réseau SFR est le plus endommagé, notamment du fait de la destruction d’un câble sous-marin entre les deux îles. Sur ce réseau, seuls « 5 % des clients » sont couverts.
Transports
Le rétablissement des routes est en bonne voie : François Bayrou a estimé hier que « 80 % des voies de circulation sont à nouveau accessibles », tout en reconnaissant en même temps que cette estimation était « peut-être optimiste ». Mais au-delà de l’accessibilité du réseau, il n’y a de toute façon pas d’essence : aucune station-service n’était accessible à la population hier, étant réservées « aux véhicules dédiés à la gestion de crise ». Une seule station sera ouverte aujourd’hui à la population, celle de Majicavo, dans le nord-ouest de l’île. Le préfet demandant aux habitants, là encore, de faire preuve de « modération ».
Autre sujet essentiel : les moyens de transport entre les deux îles. Les barges qui assurent ce service ont été très endommagées. Celles qui sont en état de naviguer sont réservées aux « secours et aux personnels essentiels ». Les habitants de Petite-Terre sont donc toujours bloqués sur l’île. Le préfet promet néanmoins le rétablissement, « très prochainement », d’une rotation deux fois par jour.
Cette question des barges est d’autant plus essentielle que l’aéroport de Mayotte ne se trouve pas sur la grande île mais à Pamandzi, sur l’île de Petite-Terre. Les marchandises et les effectifs qui arrivent par l’aéroport doivent donc emprunter les barges pour rejoindre Grande-Terre, ce qui explique probablement que toute priorité leur soit donnée.
Les collectivités se mobilisent
Le chef de l’État va décoller aujourd’hui pour Mayotte où il devrait arriver demain. En métropole, les appels aux dons se multiplient, et le Premier ministre a annoncé, peu avant minuit hier soir, par un communiqué, que les dons pour Mayotte ouvriront droit à une réduction d’impôt sur le revenu de 75 % (dans la limite de 1 000 euros), contre 66 % normalement. Cette ristourne fiscale sera accordée pour les dons effectués entre le 17 décembre 2024 et le 17 mai 2025, pour les dons et versements « au profit des associations et fondations reconnues d’utilité publique œuvrant sur place à fournir des repas gratuits à des personnes en difficulté, à favoriser leur logement, y compris par la reconstruction des locaux d’habitation rendus inhabitables, ou à prodiguer des soins à des personnes en difficulté, à la suite du cyclone Chido ».
Pour ce qui concerne les dons des collectivités, il est à noter que l’AMF a mis en ligne sur son site internet, hier, un modèle de délibération pour les maires et les présidents d’EPCI qui souhaitent faire voter un don pour Mayotte (lire Maire info d’hier). Depuis lundi, de très nombreuses collectivités - communes, EPCI, départements et régions - se sont déjà mobilisées.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
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