Maire-info
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Édition du lundi 26 mai 2025
Mayotte

Mayotte : un établissement public foncier qui reste contrôlé par l'État

Le gouvernement a publié samedi, au Journal officiel, deux ordonnances consacrées à la reconstruction de Mayotte, comme le prévoit la loi Urgence pour Mayotte du 24 février dernier. L'une porte sur le nouvel établissement public foncier chargé de coordonner la reconstruction de l'île, l'autre sur les dérogations prévues au droit de la construction.

Par Franck Lemarc

C’est lors du Conseil des ministres qui s’est tenu le vendredi 23 mai que ces deux ordonnances ont été présentées et adoptées, avant d’être publiées dès le lendemain.

Ces textes ont été pris en application de la loi du 24 février dernier, dont l’article 1er autorise le gouvernement à prendre une ordonnance « ayant pour objet de transformer l'établissement public foncier et d'aménagement de Mayotte en un établissement public chargé de coordonner les travaux de reconstruction de Mayotte »  ; et dont l’article 5 prévoit une seconde ordonnance, dans le but de « modifier et adapter les règles de construction et de lutte contre les locaux ou installations constituant un habitat informel »  pendant une durée de deux ans.

Un nouvel établissement public où l’État aura voix prépondérante

La première ordonnance signe la fin du très critiqué Epfam (Établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte) et sa transformation en un nouvel établissement public « chargé de coordonner les travaux de reconstruction de l'archipel suite au passage du cyclone Chido » . Le nom de cet établissement n’est pas fixé – il le sera par décret, « après consultation des collectivités locales du territoire ».

On ne connaissait, jusqu’à présent, que le « préfigurateur »  et futur directeur général de cet établissement, le général Pascal Facon, nommé le 9 janvier par décret.

L’ordonnance liste les missions de ce nouvel établissement : « veiller à la livraison des ouvrages et à la réalisation des opérations d'aménagement conduites par des acteurs publics et privés », « coordonner les interventions des maîtres d’ouvrage », « contrôler le respect du programme, des coûts et du calendrier » . L’établissement sera chargé de passer au nom de l’État « les contrats de concession et de cession » . En cas de manquement d’un maître d’ouvrage, il pourra se substituer à lui, et bénéficiera dans ce cas « du transfert en pleine propriété et à titre gratuit des biens immeubles appartenant au maître d'ouvrage défaillant et nécessaires à la réalisation des ouvrages et aménagements nécessaires à la reconstruction » .

Point très important pour les élus, qui le réclamaient : l’ordonnance confirme que le conseil d’administration du nouvel établissement sera constitué à part égale d’élus locaux et de représentants de l’État, et que sa présidence reviendra au président du conseil départemental – actuellement Ben Issa Ousseni. Parmi les membres du conseil d’administration devront obligatoirement figurer le président de l’Association départementale des maires de Mayotte et « des représentants des communes et de leurs groupements, dans des conditions reflétant les équilibres du territoire ».

Il faut noter que si le gouvernement a respecté la promesse de donner la moitié des sièges au conseil d’administration et sa présidence à des élus, il a tout de même fait en sorte qu’en cas de désaccord, l’État ait la prépondérance. En effet, précise l’ordonnance, comme cela était prévu par la loi du 24 février, « en cas de partage égal des voix » , une « voix prépondérante »  est offerte au « premier vice-président »  du CA, qui est un représentant de l’État. 

Enfin, l’ordonnance prévoit que l’État peut transférer au nouvel établissement, « à titre gratuit » , des terrains lui appartenant « en vue de la réalisation d'opérations de construction de bâtiments scolaires, de logements sociaux et d'infrastructures publiques de première nécessité ». La liste des parcelles concernées sera arrêtée par le préfet.

Toutes ces dispositions seront précisées dans un décret en Conseil d’État, qui sera pris après avoir été soumis pour avis à tous les conseils municipaux de Mayotte ainsi qu’aux EPCI, qui auront un mois pour se prononcer.

Dérogations à la marge au Code de la construction et de l’habitation

La deuxième ordonnance publiée samedi permet, pour une durée de deux ans, de déroger à Mayotte à un certain nombre de règles du droit de la construction.

L’ordonnance prévoit notamment que les bâtiments qui seront reconstruits pourront déroger aux règles d’accessibilité : seuls les logements situés en rez-de-chaussée devront être accessibles, et « les autres logements sont dispensés de l'obligation de présenter un caractère évolutif ». Une autre dérogation concerne les établissements recevant du public, qui ne seront pas soumis « aux exigences d'accessibilité relatives aux pentes des cheminements extérieurs lorsque les caractéristiques du terrain font obstacle au respect des valeurs réglementaires. » 

Par ailleurs, les logements reconstruits seront dispensés de l’obligation d’être équipés de gaines techniques pour les réseaux de télécommunication (cuivre ou cpable coaxial), de celle d’installer des dispositifs de stationnement sécurisé pour les vélos, ou encore d’installer un compteur d’eau divisionnaire pour chaque lot de copropriété. Enfin, l’article 6 « donne la possibilité aux maîtres d'ouvrage de déroger aux règles et exigences techniques applicables en matière acoustique pour les bâtiments scolaires ».

Ces dérogations sont, on le voit, assez légères. Rappelons que l’essentiel des dérogations au droit de l’urbanisme pour la reconstruction de Mayotte figuraient en dur dans la loi du 24 février, notamment dans son chapitre III (« Adapter les procédures d'urbanisme et d'aménagement aux enjeux de la reconstruction à Mayotte » ).

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