Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 14 février 2024
Outre-mer

Mayotte : le collectif Forces vives redoute une manoeuvre de diversion sur le droit du sol et annonce un « renforcement des barrages »

À Mayotte, les annonces du ministre de l'Intérieur n'ont pour l'instant pas suffi à calmer la colère ni à lever les barrages. Les manifestants restent dans l'attente d'engagements écrits, qu'ils n'ont pas à l'heure où nous écrivons, et dénoncent une « diversion » du gouvernement sur la question du droit du sol

Par Franck Lemarc

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© D.R.

Lundi, au lendemain des annonces faites par Gérald Darmanin en déplacement à Mayotte, il semblait que l’on se dirigeait vers une levée rapide des barrages qui paralysent l’île depuis trois semaines. Mais deux jours plus tard, les choses ne semblent pas si simple : les barrages sont toujours en place, et l’un d’eux a été marqué par un drame, dans la nuit de lundi à mardi, avec la mort d’un père de famille, Mohammed Assinani, poignardé à proximité d’un barrage à Tsingoni. 

Réponse écrite attendue

Avant tout, les manifestants expriment la volonté de voir les annonces orales du ministre être mises noir sur blanc dans un courrier officiel, comme, du reste, Gérald Darmanin l’avait promis lors des réunions tenues dimanche sur l’île. Cette demande a été relayée à l’Assemblée nationale, hier, par la députée mahoraise Estelle Youssouffa. La députée a, une fois encore, dressé un tableau glaçant de la situation : « Mayotte agonise. (…) Nous, vos concitoyens, risquons notre vie en allant faire nos courses, en nous rendant au travail ou à l’hôpital. Nous sommes prisonniers chez nous ; nos enfants vont à l’école sous la protection de la gendarmerie, quand les cours ne sont pas, comme aujourd’hui, annulés en raison des émeutes. (…) Nous ne circulons plus de nuit, ni d’ailleurs de jour, par crainte des embuscades, des bandes qui ravagent, pillent, détruisent, incendient des quartiers entiers, sèment la mort à coups de machette. »  Et elle a demandé aux ministres : « Nous attendons de vous un engagement écrit. Quand allez-vous nous répondre ? ». 

La ministre chargée des Outre-mer, Marie Guévenoux, a répondu clairement mardi : le courrier « sera adressé ce soir à Mayotte ». 

On ignore si ce courrier est parti, mais ce mercredi matin, il n’est apparemment pas encore arrivé, puisque le collectif Forces vives, réuni ce matin en congrès à Pamandzi, affirme ne rien avoir reçu. 

Ordonnance et « état d’urgence sécuritaire » 

Au-delà de la question du courrier, il apparait que le collectif ne se satisfait pas de l’annonce de la suppression du droit du sol à Mayotte (lire Maire info de lundi) et dénonce même une forme de manœuvre de diversion du gouvernement. Dans un communiqué publié hier, Le collectif rappelle que la suppression du droit du sol « n’a jamais constitué une revendication exprimée par les Forces vives », et que cette annonce a surtout permis de « reléguer au second rang »  la « revendication principale »  des Forces vives, à savoir la suppression des titres de séjour territorialisés. 

Pour mémoire, il s’agit d’une exception mahoraise, qui implique que les titres de séjour délivrés à Mayotte à des immigrés ne sont valables que sur l’île, ce qui leur interdit de fait de quitter le territoire. Cette disposition « place notre île dans un régime d’exception », et « toute la population adhère »  à sa suppression, indique le collectif. 

Les Forces vives tiennent donc à rappeler que cette question reste leur revendication principale. Elles dénoncent le fait que le ministre de l’Intérieur a adossé la suppression des titres territorialisés à la révision constitutionnelle actant – ou pas – la suppression du droit du sol sur l’île. Le collectif demande que cette question soit « totalement décorrélée »  non seulement de la révision constitutionnelle mais également du projet de loi Mayotte à venir. 

Le collectif affirme que l’île est au bord d’un « bain de sang », et avertit le gouvernement que la fin immédiate des titres territorialisés serait la seule manière « d’apaiser les tensions ». 

Lors du congrès des Forces vives qui se tient en ce moment – relayé en direct par la télévision publique Mayotte la Première –, l’un des porte-parole du mouvement, Saïd Kambi, a déclaré que les barrages allaient « se renforcer », puisque le gouvernement n’a pas tenu sa promesse d’un courrier « dans les 48 heures ». Il a exigé au nom de son mouvement que le gouvernement légifère « par ordonnance »  (c’est-à-dire sans débat parlementaire) sur les titres de séjour territorialisés, et instaure « l’état d’urgence sécuritaire ».

Une seule chose est certaine à cette heure : si le gouvernement choisissait cette voie de l’ordonnance, ce ne serait pas pour cette semaine. Une telle ordonnance ne figure pas, en effet, à l’ordre du jour du Conseil des ministres diffusé hier par l’Élysée. 

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