Les premiers enseignements de la publication des délais de paiement des collectivités
Par Franck Lemarc
Le gouvernement a décidé de s’attaquer aux délais de paiement « des entreprises et des collectivités locales », qui peuvent s’avérer « décourageants » pour les petites entreprises et les artisans (lire Maire info du 26 mars). Il a rappelé à cette occasion qu’une quinzaine de milliards d’euros sont « dans la nature », ce qui est « colossal », et que certains retards de paiement sur d’importantes factures peuvent « mettre en péril » des entreprises fragiles.
Olivia Grégoire a rappelé que dans les dix dernières années, environ 2 000 entreprises ont fait l’objet d’amendes pour délais de paiement excessifs, et que leur nombre augmente d’année en année.
Application de la loi Pacte
Au-delà des mesures prises pour faire diminuer les délais de paiement par les entreprises, la ministre a appelé les administrations publiques à « balayer devant leur porte », et annoncé l’application d’une disposition de la loi Pacte de 2019 : la mise en œuvre, comme en dispose l’article 221 de la loi, « d'une base de données sur les délais de paiement des entités publiques, consultable et téléchargeable gratuitement sur le site internet du ministère chargé de l'économie, destinée à servir de référence pour l'information des entreprises quant au respect des dispositions relatives aux délais de paiement ». L’idée étant tout simplement de permettre aux entreprises qui souhaitent contracter avec une collectivité ou un établissement public de connaître ses délais de paiement moyens.
Selon l’Observatoire des délais de paiement, une telle publication devrait avoir un effet « vertueux » sur les collectivités, notamment les plus mauvaises payeuses à qui une telle publication ne fera pas une bonne publicité.
La DGFiP a donc été chargée publier ces données, en deux temps : d’abord les collectivités de plus de 3 500 habitants, au 15 avril, puis l’ensemble des collectivités à la fin de l’année 2024.
On peut noter que, si le gouvernement a organisé la publication des délais de paiement des collectivités et des établissements publics, on ne trouve nulle par, sur le site d'open data de Bercy, de tableau similaire sur les délais de paiement... de l'État, ce qui constituerait une information tout aussi utile, intéressante et « vertueuse ».
Les quatre cinquièmes des entités respectent les délais légaux
Le tableau qui a été publié sur le site d’open data de Bercy, également disponible sur le site data.gouv.fr, agrège les données de toutes les entités publiques locales, ce qui le rend un peu difficile à lire (il compte plus de 17 000 lignes de données). Y figurent les délais de paiement de quelque 3 250 communes, des 22 métropoles, des 14 régions, de 95 départements, mais aussi de 990 communautés de communes, 225 communautés d’agglomération, 3 126 CCAS et CIAS, presque 1 110 Sivu et autant de syndicats mixtes fermés.
Pour mémoire, le délai de paiement maximal fixé par la loi, pour les collectivités, est de 30 jours.
Premier constat : les règles sont globalement respectées : sur les quelque 17 000 entités dont les données sont publiées, seules 3 750, soit 22 %, ne respectent pas la règle des 30 jours. Autrement dit, environ les quatre cinquièmes des collectivités et entités publiques de plus de 3 500 habitants sont dans les clous. Sur les 3 750 entités qui ne respectent pas les délais, plus de la moitié restent en dessous des 40 jours.
Environ 160 entités sont dans une situation critique, avec des délais de paiement supérieurs à 100 jours, et même à 200 jours pour 27 d’entre elles, voire 300 jours pour 10 entités. Le plus mauvais résultat est affiché par un CCAS de Guadeloupe, avec 388 jours de délai de paiement. Globalement, la Martinique et la Guadeloupe sont surreprésentées parmi les 20 plus mauvais payeurs. Sans qu’on puisse, d’ailleurs, en tirer de généralités, puisqu’une entité de Guadeloupe (une caisse des écoles) apparaît également dans le top 20 des meilleurs payeurs, avec un délai de paiement moyen de 1,4 jour.
Du côté des payeurs les plus rapides, on peut noter que près de 2 100 entités ont un délai moyen de paiement inférieur à 10 jours, et 8 600, soit près de la moitié des entités examinées, inférieur ou égal à 20 jours.
Sur l’ensemble des entités, le délai moyen s’établit à 24,1 jours, avec une médiane à 20 jours (autant d’entités se situent au-dessus de ce chiffre qu’en dessous).
22,7 jours pour les communes
Si l’on considère les données par catégories d’entité, il apparaît que les seules communes (toujours de plus de 3 500 habitants) ont un délai de paiement moyen de 22,7 jours ; les régions de 29 jours, et les départements de 20,2 jours. Les communautés de communes sont parmi les plus rapides à payer leurs factures, avec 18,7 jours, un chiffre proche de celui des Sivom et des Sdis, tous deux autour de 18 jours. Les CCAS et CIAS, comme les communes, ont des délais de paiement tournant autour de 22 jours.
Ce sont, globalement, les caisses des écoles qui obtiennent les plus mauvais résultats : les 356 qui sont prises en compte dans la base de données ont des délais de paiement moyens de 32 jours.
Rappelons que le gouvernement, il y a quelques semaines, avait lui-même rappelé une corrélation claire entre la taille des communes et leur rapidité à payer les factures : plus la commune est petite, plus les délais sont courts. Le délai de paiement moyen (sans seuil de 3 500 cette fois) est de 13,5 jours contre 27,2 jours pour les communes de 50 000 à 100 000 habitants.
Dans les données qui viennent d’être publiées, si l’on se focalise sur les 3 251 communes considérées, il apparaît que seulement 550 d’entre elles (soit 17 %) sont en dépassement du délai légal de 30 jours, et 199 (6 %) au-delà des 40 jours. Les communes les plus lentes à payer appartiennent, en général, aux départements les plus pauvres du pays. Les 20 communes qui forment le bas du classement (délais de paiement supérieurs à 95 jours) sont quasiment toutes situées dans cinq départements : la Seine-Saint-Denis, le Pas-de-Calais, la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane.
Une mention spéciale, pour finir pour la commune de Hallennes-lez-Haubourdin, dans le Nord, commune de plus de 3 500 habitants la plus rapide du pays pour payer ses factures, avec un délai global de 2,72 jours.
Signalons que Bercy a lancé une médiation sur les délais de paiement dans les marchés publics de travaux, à laquelle participe l'AMF, qui devrait aboutir à l'élaboration d'une liste de bonnes pratiques.
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