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Édition du vendredi 10 octobre 2025
Logement

Lutte contre le mal-logement : des associations réclament à l'Europe « un plan crédible » protégeant le logement social

Rappelant l'ampleur de la crise actuelle sur le continent, deux organisations dédiées au mal-logement s'interrogent sur le plan européen en cours de préparation et sur l'émergence de la notion de « logement abordable ». « Derrière cette expression séduisante se cache le risque d'exclure encore davantage les ménages les plus modestes », mettent-elles en garde.

Par A.W.

Face à l’ampleur de la crise du logement qui frappe Europe et aux tendances « inquiétantes »  qui touche le secteur, la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri (Feantsa) et la Fondation pour le logement des défavorisés (anciennement Fondation Abbé-Pierre) appellent l'Union européenne à « élaborer un plan crédible »  de lutte contre le mal-logement et à « protéger le logement social ».

Dans leur dernier rapport sur le mal-logement en Europe publié hier, les deux associations pointent notamment les dangers liés au « glissement du logement social vers le "logement abordable" dépendant des marchés financiers ». Une alerte qui vient alors que la Commission européenne s’apprête à présenter son tout premier « plan pour le logement abordable »  d’ici la fin de l’année.

Le logement abordable, « une approche financiarisée » 

« Derrière cette expression séduisante se cache le risque d’exclure encore davantage les ménages les plus modestes, déjà durement frappés par l’explosion des loyers et des prix immobiliers », expliquent les deux organisations qui s’inquiètent de « la part de logements très sociaux [qui] diminue, tandis que se développent les logements intermédiaires ».

« Dans les débats européens en particulier, le logement abordable est souvent envisagé comme un nouveau segment de marché à destination des classes moyennes, distinct du logement social destiné, quant à lui, aux plus défavorisés », constatent elles, en soulignant que cette notion veut « tout dire et rien dire car elle très consensuelle et très vague ». Or « dans plusieurs pays, l'émergence de cette notion s’est accompagnée d’un glissement progressif de la politique publique du logement vers une approche financiarisée, et d’un rétrécissement de l'offre accessible aux ménages les plus vulnérables », dénoncent-elles.

S’appuyant sur des données d’Eurostat, les deux associations rappellent que les ménages européens vivant sous le seuil de pauvreté consacraient l’an passé « 37 % de leurs revenus au logement, contre 19 % pour l’ensemble des ménages ». Plus globalement, « 61 % des personnes interrogées dans l’UE »  déclaraient être préoccupées à l’idée de ne plus pouvoir payer leur loyer ou leur emprunt immobilier. Une inquiétude jugée « forte »  par plus d’un quart d’entre elles (27 %).

« Plus qu'une crise du logement », c'est « une crise sociale », a d’ailleurs reconnu la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, début septembre lors de son discours sur l'état de l'Union, assurant qu'il s'agit là d'un enjeu de « dignité », d'« équité »  et de « l'avenir de l'Europe ».

Explosion des loyers et des prix à l’achat

Dans leur enquête réalisée dans de nombreux pays du continent, les deux organisations observent ainsi que les prix des logements à l'achat ont progressé de 38,8 % et les loyers de 14,4 % dans l'UE depuis 2018. 

En 2024, plus de 16,5 millions de ménages européens (soit 8,2 % des ménages) dépensaient ainsi plus de 40 % de leur revenu dans leur logement, selon le rapport. 

Sans surprise, les 20 % de ménages les plus pauvres sont les plus exposés. Dans l'Union européenne en 2024, « un ménage vivant sous le seuil de pauvreté dépensait en moyenne 459 euros pour se loger, une somme qui a augmenté de 25,3 % en dix ans et de 17 % en seulement trois ans (entre 2021 et 2024) ».

La cherté des loyers est ainsi si élevée dans beaucoup de villes que les ménages modestes sont dans l'impossibilité de se loger sans dépasser le seuil de 33 % des revenus dépensés dans le logement. Outre Berlin, Madrid, Rome, c’est aussi le cas de Paris où le loyer médian au mètre carré atteint 25,7 euros, juste derrière Amsterdam (27 euros) et Dublin (31,5 euros). Une personne seule avec une retraite moyenne, une famille monoparentale au salaire minimum ou encore une personne seule avec un revenu minimum ont ainsi les plus grandes difficultés à s’y loger.

Crainte d’une « dilution »  du logement social 

Dans ce contexte, les associations ont donc appelé à ce que le futur plan européen pour le logement abordable « protège et soutienne le logement social, qui est sous pression dans certains pays », selon Ruth Owen, directrice adjointe de la Feantsa, celle-ci craignant de voir le logement social « dilué »  dans le soutien aux « logements abordables »  et aux classes moyennes.

« Le risque est de voir les financements publics s’orienter vers un segment intermédiaire afin de stimuler les investissements privés, au détriment des logements à bas loyers, pourtant indispensables pour répondre à l’ensemble des besoins », redoutent ainsi les auteurs du rapport.

En France, ce sont près de 2,9 millions de ménages français qui sont actuellement en attente d’un logement social. Lors du congrès HLM en septembre dernier, l’adjoint chargé du logement à Paris, Jacques Baudrier, révélait que la capitale n’allait attribuer que « 8 000 logements »  cette année… pour « une demande de 320 000 personnes ». Une situation « dramatique », déplorait l’élu communiste, alors même que le budget parisien consacré au logement a doublé depuis 2020. 

Un état de fait qui touchera « en particulier les jeunes actifs, les étudiants et les personnes en difficulté sociale avec une augmentation du nombre de personnes à la rue », prévenait-il, en ciblant « l’augmentation massive du nombre de résidences secondaires à Paris »  - et de la vacance induite - qui progresse de « 7 000 par an ». 

Aucun sans-abri en 2030 ? « Difficilement réalisable » 

Cette situation des personnes sans-abris est également soulignée par la Feantsa et la Fondation pour le logement des défavorisés.

Selon leur rapport, il y aurait près de 1,3 million de personnes sans-abris dans l'Union européenne et environ 350 000 personnes sans domicile fixe en France, dont autour de 20 000 à la rue. Un nombre de sans-abris qui progresse dans différents pays européens, notamment « en Finlande, au Danemark et en Irlande ».

Alors que les pays de l'UE se sont fixé en 2022 un objectif « idéal »  de zéro personne à la rue en 2030, la Fédération européenne et la Fondation pour le logement ont jugé cet objectif « difficilement atteignable », si ce n'est « peut-être pas réaliste ».

En France, par exemple, le nombre de sans-abris a progressé depuis trois ans et s'est diversifié, avec une présence croissante de femmes et d'enfants (ils étaient plus de 2 000 fin août), ont rappelé les associations, en espérant des mesures contre le sans-abrisme dans le futur plan européen.

Consulter le rapport.

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