Lutte contre l'habitat indigne : le rapport Vuilletet propose un changement radical de perspective
Le député du Val-d’Oise Guillaume Vuilletet a rendu, avant-hier, son rapport au Premier ministre sur la lutte contre l’habitat indigne. Élaboré en vue de préparer les ordonnances prévues par la loi Élan, et publié presqu’un an après la catastrophe de la rue d’Aubagne, Marseille, qui avait fait huit morts le 5 novembre dernier, ce rapport propose notamment une simplification des polices spéciales de l’habitat indigne.
Baptisé Promouvoir l’habitabilité durable pour tous, le rapport préconise un « basculement » de la notion « d’indignité » vers celle « d’habitabilité ». Il s’agirait d’une « inversion des fondements de la politique publique », explique le député : celle-ci est fondée sur la notion négative d’habitat « indigne », c’est-à-dire, selon les termes de la loi Alur, « exposant les occupants à des risques manifestes pour leur sécurité physique ou leur santé ». Cette notion « stigmatise les ménages concernés et démobilise les élus », juge Guillaume Vuilletet. De plus, elle ne prend en compte que la santé et la sécurité, et exclut « le champ du confort ». « Il est donc proposé de fonder la politique publique sur une notion plus positive qu’est ‘’l’habitabilité’’ du logement garantissant la santé et donc le bien-être de l’occupant » et d’en faire « une action d’intérêt général », qui permette de « fédérer les acteurs autour d’un projet commun ».
Cette notion d’habitabilité devrait, selon le rapport, faire l’objet d’un « référentiel national unique » définissant des normes minimales techniques, environnementales, etc. À partir de ce référentiel « pourra être développé un outil unique de diagnostic permettant d’établir un « indicateur d’habitabilité » allant de « élevé » à « impropre à l’habitation ».
Les polices de l’habitat
Le rapporteur estime l’arsenal juridique du traitement de l’habitat bien trop complexe. Il propose une simplification drastique avec la création d’une « police administrative unique de l’habilitabilité et de la sécurité des bâtiments ». Cette police se substituerait à la police de la santé, de la sécurité, à la procédure de décence et aux RSD (règlements sanitaires départementaux). Cette police spéciale pourrait être composée de trois ou quatre procédures : locaux impropres à l’habitation entraînant un relogement définitif ; logements présentant des désordres induisant la réalisation de travaux sur le bâti ; situations d’urgence ou de danger imminent ; et éventuellement logements présentant des désordres dont le coût des travaux serait supérieur à la reconstruction. Toutes ces procédures sont décrites en détail dans le rapport.
Reste à savoir qui exercerait cette police unique. Le rapporteur rappelle à quel point la répartition des compétences qui règne actuellement entre maires, présidents d’EPCI, préfets et départements ressemble à un maquis : police de l’insalubrité pour les préfets, police générale et application du RSD pour les maires, mouvement, issu de la loi Alur, pour transférer aux présidents d’EPCI une police unique de l’habitat indigne… Cette dernière évolution n’a connu qu’une application limitée, relève le rapporteur : en 2017, seuls un peu plus de 140 EPCI étaient concernés par le transfert des polices du Code de la construction et de l’habitation du maire.
Il préconise donc de préparer le transfert de la compétence habitabilité vers « un acteur unique », « celui disposant de la compétence habitat ». Pour le député, les « chefs de file naturels » de cette politique sont les EPCI, du moins ceux « d’une certaine taille », qui sont déjà chargés de mettre en œuvre les PLH (programmes locaux de l’habitat).
En résumé, il propose que la future compétence unique soit confiée aux intercommunalités pour tous les EPCI de plus de 100 000 habitants et pour ceux qui disposent déjà de la compétence habitat ; pour les communes appartenant à un EPCI de moins de 100 000 habitants ou les EPCI n’ayant pas la compétence habitat, la police unique serait confiée, selon les cas, aux départements ou aux communes.
Le rapporteur estime toutefois nécessaire, dans tous les cas, de maintenir une police générale du maire, notamment « sur la sécurité et la salubrité des bâtiments », afin qu’il soit possible « d’intervenir rapidement dès le signalement d’un danger ». Cette police générale devrait même être « renforcée » afin d’être plus effective.
Il demande également une évaluation de la consommation des crédits de la DGD (dotation générale de décentralisation) dédiés au fonctionnement des SCHS (services communaux d’hygiène et de santé). Cette dotation concerne actuellement 208 communes.
Il est à noter enfin que Guillaume Vuilletet ne réclame pas – ce qui pourra surprendre – de crédits supplémentaires de l’État pour la résorption de l’habitat indigne, et estime que la politique qu’il prône peut se faire à moyens constants. Il s’agit davantage, selon lui, de « définir une action publique cohérente » que de mobiliser de nouveaux moyens. Il estime que la première phase des réformes qu’il prône (modifications législatives, élaboration du référentiel et du diagnostic d’habitabilité) est atteignable d’ici la fin 2020 ; et que la résorption de l’habitat indigne pourrait se faire « à l’échelle d’une décennie ».
F.L.
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